Les élections législatives du 10 mars placent la gauche à la croisée des chemins. D’un côté, il y a la possibilité d’une victoire de la droite qui placerait la droite fasciste aux commandes, de l’autre, il y a l’appel au vote utile pour le Parti socialiste afin d’empêcher le retour de la droite au pouvoir. Dans le cadre réduit de ces scénarios, il n’y a pas place pour l’alternative ou des propositions porteuses d’une autre vision de la société que celle dans laquelle nous vivons : soit la droite conservatrice, soit le conservatisme des trois derniers gouvernements du PS.
Ces dernières années, sous les gouvernements PS, les inégalités se sont accrues dans le pays. En maintenant le modèle de croissance basé sur le tourisme, les exportations et les bas salaires, on a hypothéqué la capacité de production dans tous les domaines, étranglé l’éducation et la santé au seul profit des opérateurs privés, on a créé un énorme problème de logement dans la plupart des villes, on a poursuivi l’hémorragie de population par l’immigration, on a conservé les lois du travail imposées par la Troïka et les atteintes continuelles aux droits des personnes qui gagnent leur vie grâce à leur travail. Rien de nouveau : le PS au gouvernement perd rapidement la rhétorique de gauche qu’il a utilisée pendant la campagne électorale et gouverne en faveur des mêmes que d’habitude, en fait, presque toujours en connivence avec le PSD. Les partis centristes ne s’affrontent que pour les élections ; en dehors des périodes électorales, ils se rejoignent sur presque tout.
La gauche à la gauche du PS reste soumise au dilemme de 2015, lorsqu’elle a rendu possible le premier gouvernement minoritaire d’António Costa en lui apportant son soutien parlementaire. Si elle a permis ainsi d’empêcher la reconduction du gouvernement d’austérité de Passos Coelho, cela a en revanche eu un impact bien moindre sur la poursuite des politiques d’austérité, l’érosion des services publics ou la dictature du déficit imposée par la Banque centrale européenne. Et, dans le même temps, elle a aussi contribué à vider de leur substance ces partis qui, d’espaces alternatifs au PS, se sont transformés en ses auxiliaires, dans la meilleure des hypothèses, utiles pour que le gouvernement puisse continuer à exercer ses fonctions.
La montée du racisme et de la xénophobie n’a pas non plus trouvé de réponse sous les gouvernements PS, et elle se répand aujourd’hui impunément au sein des forces de police et de la justice. António Costa a même mis sur le même plan racisme et antiracisme de façon populiste et irresponsable.
Alors que le monde est au bord de l’effondrement environnemental et climatique, la gauche ne peut continuer à reproduire l’idée que la croissance économique est la solution à tout et un objectif incontournable. La croissance dans le cadre du capitalisme mondial ne sera jamais durable, la production et la consommation continueront d’être des éléments incontournables de l’accumulation du capital. L’avenir de la planète, la biodiversité et l’occupation humaine de la Terre, le capital et ses propriétaires s’en désintéressent, mais pour les politiques socialistes et les forces de gauche, ils doivent être considérés comme des priorités.
Le néolibéralisme qui domine les politiques publiques requiert une opposition farouche de la part de la gauche et c’est au travers de la construction d’une alternative que les politiques socialistes, la justice sociale et la distribution équitable des revenus pourront être affirmées. Le PCP et le Bloco, avec des histoires et des trajectoires différentes à bien des égards, sont les organisations qui peuvent encore apporter une contribution décisive à la construction de l’alternative nécessaire. Pour ce faire, elles devront trouver un terrain d’entente et une stratégie commune, admettre qu’elles appartiennent au même camp dans le combat pour le socialisme et que seule leur alliance avec l’ensemble des mouvements sociaux progressistes renforcera et motivera cette indispensable alternative. Le PCP et le Bloc devront également se libérer de l’illusion que le PS à la tête d’un gouvernement pourra réaliser des avancées significatives et répondre aux urgences sociales qui étranglent la vie de tant de gens. Seul un vote significatif pour ces deux partis (Bloco de Esquerda et CDU) et le renforcement numérique de leurs deux groupes parlementaires pourront influer sur la politique du gouvernement qui émergera des prochaines élections législatives. Seul le renforcement de ces deux partis à l’Assemblée de la République pourra contenir l’extrême droite et accompagner la mobilisation populaire contre l a démagogie populiste, le racisme et le sexisme.
Lors des élections législatives du 10 mars 2024, le collectif Toupeira Vermelha, qui regroupe des militants et ex-militants du BE, des partisans de la CDU (Coalition démocratique unitaire, PCP/Verts) et des personnes issues d’autres traditions politiques, appelle à concentrer les votes sur les listes de la CDU et du BE, en fonction des circonscriptions et des chances les plus importantes de faire élire un.e député.e. Seul le renforcement de ces deux partis à l’Assemblée de la République pourra contenir l’extrême droite et accompagner la mobilisation populaire contre la démagogie populiste, le racisme et le sexisme.
Nous savons parfaitement que les élections ne résolvent pas à elles seules les problèmes fondamentaux de la vie des travailleurs, mais elles pourraient constituer un point de repère pour une gauche qui devra se réinventer et assumer sans ambiguïté son rôle d’alternative socialiste au capitalisme et aux politiques qui nous ont conduits là où nous sommes aujourd’hui.
Toupeira Vermelha (Taupe rouge) - collectif de militants de la 4e Internationale