L’UNRWA est un de plus important employeur de Gaza avec 13,000 employés.es. Il aide la majorité des habitants.es de l’enclave soit environ 2millions 300 mille personnes. Cette agence est visée par Israël depuis longtemps. Depuis le début de la guerre à Gaza, 150 de ses employés.es ont été tués.es.
Francesca Albanese, la rapporteure spéciale des Nations Unies pour les Territoires palestiniens occupés, a écrit sur les réseaux sociaux : « Le lendemain du jugement de la Cour internationale de justice qui conclut qu’il était plausible qu’Israël commette un génocide à Gaza, certains États ont décidé de ne plus financer l’UNRWA imposant ainsi un châtiment collectif à des millions de Palestiniens.nes au pire moment. Agissant ainsi, ils violent probablement leurs propres obligations envers la Convention contre le génocide ».
Pendant ce temps, le chef de l’Office, M. Philippe Lazzarini, condamne le gel des fonds à un moment où la famine menace à Gaza. Il a déclaré : « La population palestinienne de Gaza ne mérite pas un châtiment collectif en plus. Cela nous entache tous et toutes ». Et le Secrétaire général des Nations Unies, M. António Guterres a exhorté les pays donateurs à continuer de financer l’UNRWA.
Pour creuser cet enjeu, nous rejoignons à Oslo en Norvège, Jan Egeland. Il est le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés.es. La Norvège participe toujours au financement de l’UNRWA.
Merci beaucoup Yan d’être avec nous. Pour commencer, pouvez-vous réagir à cette coupure de financement alors qu’entre autre, Gaza est sous les bombardements et au bord de la famine ?
Jan Egeland : Oui. C’est la pire réaction à ces allégations voulant qu’une douzaine d’employés.es sur les 13,000 de l’UNRWA aient trahi nos principes humanitaires de neutralité, d’indépendance et aient participé à l’horrible attaque contre Israël. L’UNRWA a immédiatement répondu en remerciant ces personnes comme vous l’avez dit et demande maintenant une enquête indépendante. Ce que ces donateurs ont fait, les États-Unis, le Royaume uni, l’Allemagne, l’Italie, la Finlande, Les Pays Bas, l’Australie et quelques autres, c’est de retirer l’aide aux enfants de Gaza, au femmes de Gaza, à ceux et celles qui sont totalement innocents.es là-bas. C’est la pire décision possible au moment où la population est coincée sous les bombardements. Ne punissons pas tant d’innocents.es pour la conduite de quelques uns.es qui ont mal agit semble-t-il.
A.G. : Il va devenir intéressant de voir si Israël va divulguer des preuves pour que les Nations Unies puissent enquêter sur cette affaire. Car beaucoup de ces pays ont immédiatement suspendu leur fourniture d’armes. Je veux vous lire un clip d’un ancien haut fonctionnaire israélien, Noga Arbell. Il écrit : « Nous ne pourrons pas gagner cette guerre sans détruire l’Unrwa et cette destruction doit commencer immédiatement ». Le Premier ministre Netanyahu a déclaré que l’UNRWA ne sera plus à Gaza après la guerre. Qu’en dites-vous Jan Egeland ? Et parlez-nous, puisque vous êtes à la tête d’un grand groupe humanitaire, de l’importance de l’UNRWA parmi tous les autres groupes et sans parler des gens sur le terrain.
J.E. : L’UNWRA est absolument essentiel. En effet je dirige le Conseil norvégien pour les réfugiés.es, nous sommes une grand groupe humanitaire (et nous agissons) partout dans le monde. Nous sommes présents partout où il y a des conflits pour aider les déplacés.es et les réfugiés.es. Nous avons été à Gaza au cours des deux dernières décennies. Nous avons été financés par les États-Unis, 40 autres pays donateurs et des agences internationales partout dans le monde.
À Gaza, il faut reconnaitre qu’avec tous les autres groupes nous n’approchons même pas ce que l’UNRWA représente pour la population. L’organisation a été la réponse à la création d’Israël et la guerre de 1948 qui a déplacé une grande partie de la population originelle de la Palestine vers Gaza, la Cisjordanie et dans d’autres endroits. Depuis lors, il n’y a pas eu de traité politique de paix. Et c’est parce que la communauté internationale n’a pas réussi à forcer les deux parties, les Israéliens et les Palestiniens, à résoudre le conflit. Cela aboutit à ce que des groupes humanitaires, d’abord et avant tout, l’UNRWA prennent cette population en charge.
Donc, affaiblir et amoindrir l’UNRWA sous prétexte qu’il serait un groupe extrémiste comme le gouvernement israélien le dit, revient à dire : « Nous allons punir les femmes et les enfants, les innocents.es pour ce que des extrémistes ont fait alors que sévit la pire agitation et un conflit sans fin, que nous ne voulons pas en ce moment tenter d’avoir des discussions pour parler de notre avenir ». C’est condamnable.
Et les donateurs internationaux doivent maintenir leurs liens avec les organisations humanitaires comme la Norvège le fait. La Norvège est un donateur important, il donne plus per capita aux Palestiniens.nes que n’importe quel autre donateur. Nous continuons à financer l’UNRWA et nous lui disons : « C’est bien que vous ayez remercié (ces personnes), mis fin à leurs contrats et c’est bien aussi d’initier une enquête. (Avec ses conclusions) nous aviserons sur ce que nous devrons faire à l’avenir ».
A.G. : Avez-vous des preuves de ce qu’avance Israël ? Est-ce qu’il en a présenté ?
J.E. : Pour ce que j’en sais, ni l’UNRWA ni l’ONU et ses enquêteurs n’ont rien reçu. J’espère qu’ils en recevront pour qu’ils puissent faire une investigation en profondeur ; ce sont de sérieuses accusations. J’ai lu quelque chose à leur sujet dans le New York Times. Si c’est vrai, ils ont trahi tous nos principes de neutralité, d’impartialité et autre. C’est très important pour nous ; nous sommes des humanitaires désarmés.es là où le feu fait rage partout dans le monde.
Mais, il est clair que qui que ce soit qui travaille au Proche Orient ne peut garantir qu’il n’y aura pas quelqu’un.e dans ses rangs à avoir des engagements secrets. Les Palestiniens.nes ne peuvent faire cela ? Les Israéliens.nes ne peuvent faire cela ? Pourtant nous connaissons plusieurs Israéliens.nes qui ont fait de très mauvaises choses à Gaza même tirer sur des gens portant le drapeau blanc. Ils ont même tiré sur leurs propres compatriotes portant ce drapeau blanc. Leurs colons sont organisés, des organisations de type mafieuses qui déplacent femmes et enfants en Cisjordanie. Plusieurs d’entre eux sont recrutés par les Forces armées. Ils devraient être en prison mais sont dans les Forces armées. Personne ne peut garantir qu’il n’y y aura pas de problèmes. Donc il faut une enquête et que des réponses soient en place chaque fois que cela arrive. Mais ne coupez pas l’aide aux gens qui sont en grand besoin. C’est la pire réponse.
A.G. : Jan Egeland, merci d’avoir été avec nous. (…)
Amy Goodman
Jan Egeland
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