Port de Berbera. Crédit Photo. Wikimédia Commons
Abiy Ahmed, dirigeant de l’Éthiopie, a choisi le premier jour de l’année pour annoncer la signature d’un mémorandum d’accord avec le Somaliland, une entité de la Somalie qui a fait sécession en 1991 et non reconnue par la communauté internationale.
Préoccupations convergentes
Cet accord non publié offre à l’Éthiopie l’accès au port de Berbera ainsi que l’installation d’une base navale. En échange, le Somaliland bénéficie d’une reconnaissance officielle d’État. Cet accord tend à répondre aux préoccupations des deux entités. Pour l’Éthiopie, pays enclavé, la question du débouché sur la mer est considérée comme existentiel. Sa séparation avec l’Érythrée en 1993 l’a privé de l’accès à la mer. L’Éthiopie dépend donc à 95 % du port de Djibouti, d’où sa volonté de diversification. Pour le Somaliland, être reconnu comme État par un grand pays d’Afrique est une victoire diplomatique.
Cet accord a été fortement critiqué par la Somalie qui dénonce une atteinte à sa souveraineté, et par l’Union africaine. Cette dernière a pour principe intangible la reconnaissance des frontières issues de la période coloniale afin d’éviter les conflits incessants entre pays. S’il y a eu des sécessions, c’est le cas de l’Érythrée et du Sud Soudan, elles ont été le fruit d’une entente avec les pays de rattachement.
Nouvelles alliances
Devant la forte opposition, l’Éthiopie tente de modérer la portée de ce traité. Elle souligne qu’elle est disposée à étudier positivement la demande de reconnaissance du Somaliland. Certes ce n’est pas le premier contrat entre le Somaliland et l’Éthiopie ou d’autres pays. Le changement est l’installation d’une base navale militaire éthiopienne.
L’Afrique de l’Est est frappée par une série de conflits internes, au Sud Soudan, au Soudan, en Somalie, en Éthiopie dans lesquels s’immiscent d’autres pays. Cet accord redessine les alliances qui s’étendent au-delà de la corne de l’Afrique en intégrant les puissances du Golfe. Si les États arabes unis (EAU) et l’Arabie saoudite sont ensemble dans la guerre contre les Houthis soutenus par l’Iran au Yémen, leur concurrence reste vive. Elle porte entre autres sur l’accès aux terres arables africaines, le leadership sur la mer Rouge et la diplomatie. Ainsi l’Arabie saoudite a choisi de signer un accord avec l’Iran et joue les médiateurs dans le conflit soudanais alors que les EAU soutiennent un des belligérants. Le risque est que les tensions dans cette partie de l’Afrique soient exacerbées sous la pression des pays du Moyen-Orient. Déjà des alliances se forment avec d’une part les EAU, l’Éthiopie, le Somaliland, la milice soudanaise de Hemedti, et de l’autre l’Arabie saoudite, la Somalie et l’Égypte.
Ces rivalités créées par les dirigeants entraînent les populations dans des conflits fratricides aux conséquences humanitaires désastreuses au détriment d’un vrai combat : celui contre la famine provoquée par les guerres et le changement climatique.
Paul Martial