Parmi les prisonnier.es politiques, certain.es ont risqué leur vie l’année dernière pour exiger la liberté et mettre fin aux discriminations. Mais maintenant, face au génocide des Palestinien.nes dans une guerre barbare menée par le gouvernement israélien, certain.es disent : « J’aimerais qu’il en tue davantage ». « J’aimerais qu’il termine le travail avec une bombe atomique pour que le monde puisse pousser un soupir de soulagement. » Certain.es disent même : « J’aimerais qu’il bombarde Téhéran où se trouve la tête du serpent ». On ne peut que plaindre des gens qui se battent pour leur propre auto-destruction.
La guerre actuelle est une bénédiction pour les dirigeants réactionnaires, tout comme l’avait été la guerre Iran-Irak, qui a duré huit ans (1980-1988). Elle avait contribué à stabiliser le régime iranien et avait rendu possible le massacre de milliers de prisonnier.es politiques. Ce même régime qui a tué et blessé des milliers d’enfants et d’adolescent.es au cours du soulèvement de l’année dernière et bien avant cela, tente désormais de cacher sa nature réactionnaire sous prétexte de défendre le peuple palestinien.
Si la guerre s’étend, elle contribuera à réprimer et à accentuer les violences contre les manifestant.es et les prisonnier.es politiques, les mouvements de salarié.es, les femmes, les étudiant.es, les minorités religieuses telles que la communauté bahaïe, et à mener une attaque massive contre le mouvement « Femme, Vie, Liberté ».
Depuis l’étranger, une partie de l’opposition iranienne d’extrême-droite agit de façon convergente. Elle dit vouloir « exporter la démocratie » avec des bombes et des attaques militaires. En fait, ces gens cherchent surtout à s’approprier une part du gâteau de reconstruction des infrastructures suite à la destruction de celles-ci par une attaque militaire de l’Occident. Ils n’ont décidément tiré aucune leçon de l’expérience des deux dernières décennies en Afghanistan et en Irak. Au plus fort du mouvement Femme, Vie et Liberté, ces gens ne cherchaient que le soutien d’Israël et de l’Occident, et dans la guerre actuelle, ils ne font que les servir.
Mais l’indifférence à l’égard de la guerre et du génocide en cours en Palestine et une possible attaque militaire contre l’Iran, dépasse le cercle de ces courants extrêmes.
Notre message est le suivant :
– Face à cette guerre complexe et inégale contre le peuple palestinien notre positionnement ne doit pas partir de notre volonté de combattre notre propre gouvernement, ses actions par procuration et ses politiques ruineuses ;
– Nous devons nous baser sur la définition de génocide comme le fait d’agir « dans l’intention de détruire totalement ou partiellement un groupe national, ethnique, racial ou religieux » ;
– Nous refusons de nous soumettre à la censure médiatique et au monopole de l’information.
Il nous est demandé de choisir entre le Hamas et Israël, entre une guerre meurtrière et la continuation de la situation actuelle. Nous refusons ces choix binaires qui ne peuvent mener qu’au pire. Nous devons y opposer nos propres options.
Le fait est que nous avons une faible tradition de mouvements de protestation contre la guerre. Bien que les courants et mouvements égalitaires connus sous le slogan « pain, travail, liberté » aient eu des positions clairement anti-guerres, nous n’avons pas pu faire la jonction entre :
– d’une part les luttes contre l’oppression, l’exploitation et la discrimination,
– d’autre part la lutte contre la guerre et le bellicisme.
Il faut revenir au slogan « Ni Gaza, ni Liban » qui avait été scandé par le passé.
Certaines personnes attribuent leur misère actuelle aux interventions aventureuses du gouvernement iranien dans la région. Mais l’argent que le gouvernement a dépensé ainsi ne bénéficiait pas aux peuples de ces pays. Il servait uniquement à soutenir des dictatures et des forces réactionnaires de la région. Et cette politique du régime iranien avait pour but de consolider et de maintenir ses propres intérêts.
Le résultat de ces interventions a été que les roquettes du Hamas ont supplanté les luttes sociales et politiques du peuple palestinien et leur riche histoire. Par ailleurs, ne sont même pas mentionnées les forces progressistes participant à la résistance palestinienne.
A l’intérieur de cette coquille réactionnaire, s’est développé le monstre de l’indifférence à l’égard de la souffrance d’autrui. Certaines personnes ne s’élèvent contre la guerre et les meurtres que lorsque les bombes tombent sur elles. Elles déclarent : « Je me fiche de ce qui va arriver à Gaza » ; « Je me fiche de ce qui arrive au Baloutchistan et au Kurdistan » ; « Quoi qu’il arrive aux immigré.es afghan/nes, aux femmes, aux travailleurs/euses permanent.es, aux précaires, aux personnes marginalisées, je ne proteste que lorsque mes proches et moi sommes attaqué.es. »
Ce monstre constitue le talon d’Achille de notre mouvement révolutionnaire.
Notre pays comporte une pluralité de langues et de religions, toutes sortes de divisions, d’oppressions multidimensionnelles,
Mais on y trouve également des complémentarités, des liens étroits entre travailleurs/euses et opprimé.es de la région.
L’indifférence à l’égard de la souffrance des autres peuples, ne peut conduire qu’à la continuité de la domination des forces dirigeantes actuelles et l’impossibilité de tout changement.
En ce moment, l’adversaire le plus puissant de ce monstre d’indifférence est la prise de conscience et la volonté des peuples du Moyen-Orient. Celles-ci se sont cristallisées dans le slogan « Femme, Vie, Liberté ».
Ce slogan est un appel à soutenir la dignité humaine et à lutter contre les discriminations et l’apartheid sous toutes leurs formes.
En s’appuyant sur ce slogan, on peut affronter le fondamentalisme religieux sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de celui du Hamas ou celui d’Israël.
En définissant leurs frontières de cette manière, il est possible de délimiter :
– d’un côté ces deux forces réactionnaires, ainsi que les forces impérialistes qui les soutiennent,
– de l’autre, les mouvements sociaux progressistes, les travailleurs/euses, les femmes et le désir de liberté et d’égalité.
Anisha Asadollahi,
Golrokh Iraee,
Reza Shahabi,
Arash Johari,
Keyvan Mohtadi,
Mehran Raouf,
Foad Fathi,
Maziar Seyedenejad,
Omid Massir.
Prison d’Evin - novembre 2023