Une seule de ces nations et communautés est représentée par un Etat : Israël, dont un des actes fondateurs est la Nakba – l’expulsion des habitant·es palestinien·nes de leurs maisons et terres.
En violation du droit international et de nombreuses résolutions de l’Onu, les gouvernements de cet Etat mènent des politiques d’apartheid et d’épuration dite « ethnique », colonisent des territoires militairement occupés depuis 1967. Ces gouvernements impulsent des politiques au nom des seuls droits des personnes considérées par le pouvoir d’État israélien lui-même comme juives et non de l’ensemble des résident·es. De surcroit, ils prétendent représenter l’ensemble des populations juives du monde entier, et l’ont inscrit dans la loi.
Toute paix juste et durable passe donc par la reconnaissance de la Nakba (et les politiques de réparations nécessaires), la construction d’institutions garantissant à la fois l’égalité réelle de toutes et tous les habitant·es et le respect des droits des communautés et nations.
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Tout ne commence pas le 7 octobre2023. Il ne faut cependant ni négliger ni minimiser les faits et leurs possibles conséquences
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Si tout ne commence pas le 7 octobre 2023, nous ne devons pas confondre le droit légitime du peuple palestinien à l’autodétermination et à résister à l’occupation et à la colonisation avec des actions soi-disant menées en son nom et dans son intérêt. Le 7 octobre, il ne s’agissait pas de « débordements » spontanés comme ceux qui ont pu être historiquement associés aux soulèvements populaires imprégnés de la haine des oppresseurs. Les actions organisées par des membres du Hamas et d’autres forces armées – massacre de civil·es, des assassinats, des possibles viols et des féminicides, des prises d’otages, en assimilant délibérément la population aux forces d’occupation – ne peuvent être considérées comme un acte de résistance légitime à l’occupation. Le Hamas a une orientation politique et religieuse bien définie. Dans le territoire qu’il dirige à la manière d’une dictature fondamentaliste (sans élection depuis 2006) il a réprimé à plusieurs reprises des groupes et des individu·es palestinien·nes dissident·es, sans oublier sa politique vis-à-vis des femmes. Les crimes commis relèvent non de l’autodétermination des populations mais d’une volonté de terroriser l’ensemble des populations vivantes en Israël.
Cela ne peut être considéré comme un événement négligeable, un moment oubliable pour passer à autre chose. Il convient encore de mesurer toutes les significations de ces crimes de guerre et possiblement crimes contre l’humanité.
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Tout ne commence pas le 7 octobre 2023. Les politiques d’apartheid et de colonisation peuvent être considérées comme des violations des droits des êtres humains, des crimes contre l’humanité, en Israël et en Cisjordanie occupée. Il en va de même du blocus de Gaza.
Après le 7 octobre, le gouvernement israélien a fait le choix et l’a publiquement assumé, d’une punition collective et meurtrière contre les populations gazouies, sans oublier la poursuite des actions violentes et de dépossessions des colons israéliens avec la complicité de l’armée dans les autres territoires. Les bombardements de populations civiles, les actions contre l’accès à l’eau, les privations de nourriture, les restrictions ou les impossibilités d’accès aux soins, les injonctions aux déplacements de population, sont des crimes de guerre et peuvent être caractérisées aussi comme crimes contre l’humanité. Les gouvernements qui aident et arment le gouvernement israélien peuvent être considérés comme complices de ces crimes.
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Il y a urgence. Un front commun international doit se dresser pour que les armes se taisent, pour un cessez-le-feu inconditionné, pour la libération inconditionnée des otages. Une absolue nécessité pour les habitant·es de Gaza et un impératif moral pour notre humanité commune.
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Tout ne commence pas le 7 octobre2023. L’antisémitisme comme le colonialisme constitue une des matrices de la République française. Emancipés par la Révolution françaises, les « Juifs », ont vu leur citoyenneté remise en cause avec le « décret infâme » du 17 mars 1808 de l’Empereur Napoléon et sous le régime du maréchal Pétain…
L’universalisme abstrait [2] servit à la négation de droits de certaines populations.
L’antisémitisme moderne (post-affaire Dreyfus) forme une des matrices de la propagation actuelle du racisme anti-arabe ou anti-immigré·es, du rejet des musulman·es réel·les ou supposé·es (islamophobie).
Des forces de la droite et l’extrême droite (souvent au nom de la pureté du « sang » ou de la soi-disant « culture » nationale) n’ont jamais accepté l’égalité abstraite et automaticité des dispositions liées au droit du sol.
Au nom d’une forme raciste de l’« anticapitalisme » (figure du banquier juif) ou d’un « anti-impérialisme » des imbéciles, au nom d’une conception frauduleuse de l’anticolonialisme ou de politiques dites décoloniales (figure essentialisée du colon blanc d’origine occidentale), certaines forces à gauche ont repris ou reformulé des formes de stigmatisation des populations juives. Elles ont fait silence sur l’antisémitisme persistant dans la société française. Certain·es estiment les personnes se considérant comme juives ouvertement comme complices des politiques israéliennes, avalisant ainsi les orientations des politiques « sionistes ».
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Nous n’acceptons ni certains silences ni certains mots. Nous refusons les complaisances envers des actions criminelles. Nous nous opposons à la hiérarchisation des victimes. L’ennemi de notre ennemi n’est pas nécessairement notre ami. Le campisme est une plaie ouverte dans la solidarité internationaliste.
Toute paix juste et durable de la mer au Jourdain, implique la reconnaissance des nations israéliennes et palestiniennes, la reconnaissance de la Nakba (et les politiques de réparations nécessaire), la fin de la colonisation, la condamnation des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et de leurs responsables, la construction d’institutions garantissant à la fois l’égalité réelle de toutes et tous les résident·es et le respect des droits des communautés et nations.
21 novembre 2023
Didier Epsztajn et Patrick Silberstein