Voilà maintenant près de huit mois que le général Abdel Fattah al-Burhan, chef des Forces armées soudanaises (SAF), et Hemedti, leader des Forces d’appui rapide (RSF), se sont engagés dans une guerre qui détruit le pays et est la cause d’une des pires crises humanitaires que le pays ait connues.
Frères ennemis
Même s’ils se sont mis d’accord pour mener ensemble le coup d’État qui a renversé le pouvoir civil issu de la révolution de 2018, leur concurrence était bien trop forte pour partager le pouvoir. D’un côté comme de l’autre, ces structures armées sont avant tout des outils permettant aux officiers supérieurs des SAF et au clan familial d’Hemedti de faire prospérer leurs affaires. Chacun possède des conglomérats d’entreprises et des mines aurifères. Face à la pression populaire, les généraux ont été obligés de négocier un partage du pouvoir avec les civils. C’est la question de la dissolution des RSF qui déclenche les hostilités.
Souffrance des populations
De Khartoum, la capitale où les premières batailles ont fait rage, le conflit ne cesse de s’étendre aux États du Kordofan du Sud, du Nil Bleu et du Darfour avec des affrontements ethniques entre les milices alliées des RSF contre les communautés non arabes. Si les conséquences humanitaires sont éclipsées par le conflit en Ukraine, puis maintenant par les attaques d’Israël contre Gaza, elles n’en demeurent pas moins catastrophiques. Selon Human Rights Watch près de cinq millions de personnes sont déplacées et les crimes de guerre sont commis des deux côtés. Les femmes en paient le plus lourd tribut avec les violences sexuelles qui sont généralisées, notamment au Darfour où l’ONU alerte sur des jeunes femmes réduites en esclavage dans les zones contrôlées par les RSF.
Structuration des forces civiles
Les USA et l’Arabie saoudite ont relancé un processus de paix. Aucun des deux camps n’est prêt à accepter une trêve humanitaire et a fortiori des pourparlers de paix. Ils concèdent juste de favoriser l’acheminement de l’aide humanitaire. En parallèle, s’est tenue dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba une réunion visant à structurer un front civil contre la guerre, regroupant les partis politiques, des organisations syndicales et des associations et présidé par l’ancien Premier ministre Abdallah Hamdok. L’idée est de convoquer une conférence nationale de toutes les forces du Soudan pour imposer la voix des civils dans les futures négociations de paix.
Face à cette initiative, les comités de résistance, cheville ouvrière des mobilisations contre le coup d’État, ont des points de vue différenciés. Certains, comme la coordination des comités de résistance de la province d’Al-Qadarif y participent, d’autres préfèrent se tenir à l’écart en restant fidèles à leur charte du pouvoir populaire et considèrent que les politiques de concession de Hamdok vis-à-vis des militaires sont en partie responsables de la situation.
Paul Martial