Par des bombardements incessants ayant fait au matin du 22 octobre 4651 morts, dont 1873 enfants et une trentaine d’employées de l’ONU, par l’ordre d’évacuation de 24 hôpitaux du nord de la bande de Gaza sans compter celui du refoulement de la population du nord au sud, par la coupure de l’approvisionnement en nourriture, en eau, en électricité et en carburant que ne compense pas la vingtaine de camions admis par jour qui ne comble que 4% des besoins essentiels, les crimes de guerre de l’État sioniste font pâlir ceux du Hamas. Celui-ci, promu par Israël contre l’OLP originel, comme les ÉU vis-à-vis Al-Qaïda contre le gouvernement afghan de gauche soutenu par l’URSS, a dépassé les limites permises par son commanditaire en imitant sa barbarie avec toutefois moins de moyens. L’assassinat du haut des airs, plus meurtrier, paraît davantage un moyen de guerre « normal » que l’assassinat face-à-face de personnes désarmées, civils ou non.
Mais le Hamas n’a-t-il pas plutôt jouer le jeu de ce gouvernement israélien d’extrême-droite fascisante ? Son but réel est de constituer le Grand Israël de la Méditerranée au Jourdain, plus grand même que celui biblique au sommet de sa puissance sous le roi Salomon, vidé de son historique population palestinienne héritée de l’arabisation mahométane d’il y a plus de mille ans. Avec l’ampleur des moyens guerriers employés et qui sont encore loin de leur plein déploiement, le but de la guerre est maintenant clair : une seconde Nakba (catastrophe) après celle de 1947-48. Il s’agit cette fois de pousser les 2.3 millions habitants de Gaza vers le désert du Sinaï égyptien en rendant leur survie impossible et en convainquant le gouvernement égyptien d’ouvrir toute grande la porte du passage de Rafah à coups de milliards $US pour garder à flots son économie endettée queue par-dessus tête.
On ne parle plus ici de crimes de guerre mais carrément de crime contre l’humanité. Nous en sommes au-delà du nettoyage ethnique, crime bien ordinaire pour Israël depuis 1947-48 et qui continue avec les colonies en expansion de la Cisjordanie. Il s’agit dorénavant de génocide en cours du peuple palestinien en l’arrachant de sa terre tant à coups d’asphyxie économique que de bombardements sans fin frappant de la prison à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza en passant par la recrudescence de la répression dans le bantoustan qu’est la Cisjordanie. Depuis le 7 octobre, armée et colons y ont tué près d’une centaine de personnes. Les pogroms anti-juifs d’antan sont devenus anti-palestiniens. Quant au soi-disant droit international et aux résolutions des Nations unies, Israël s’en fout comme de l’an quarante sachant très bien que ses alliés de l’impérialisme occidental dont le Canada, à commencer par les ÉU, font un blocage systématique au Conseil de sécurité de l’ONU quoique clament l’Assemblée générale et ses agences spécialisées.
C’est à ce point que l’affaiblissement géostratégique des ÉU et de l’OTAN permet au sionisme fascisant d’envoyer promener ses velléités humanitaires tout en obligeant les ÉU à l’appuyer tant en armements qu’en soutien militaire. Et ces ÉU affaiblis, après leurs déboires en Irak et en Afghanistan, sont-ils en mesure d’empêcher un embrasement régional poussé par une justifiée colère populaire mais canalisée par des mouvements et gouvernements fondamentalistes islamistes férus de guerre sainte… tout comme les fondamentalistes juifs faisant partie du gouvernement Netanyahou ? La guerre en cours, que l’on devrait plutôt qualifier de massacre, a complètement marginalisé le grand mouvement de contestation démocratique israélien, malheureusement aveugle à l’inclusion du peuple palestinien, de ce gouvernement fascisant. Tant et si bien que l’opposition au Premier ministre Netanyahou, en perte de popularité, est maintenant porté par l’ancien général Benny Gantz dont un chroniqueur du journal israélien progressiste Haaretz a décrit la récente campagne électorale comme ayant « toutes les caractéristiques d’une junte chauvine aux tendances néofascistes, qui a adopté Benito Mussolini comme modèle ».
Un discours à la nation du président Biden qui met la vérité sur sa tête
Le renversement de la vérité a atteint son comble sur le terrain idéologique lors du discours à la nation du président Biden du 19 octobre :
Le Hamas palestinien et le président russe Vladimir Poutine veulent chacun « anéantir » des démocraties, a affirmé jeudi soir Joe Biden lors d’une très solennelle adresse à la nation, au cours de laquelle il a annoncé qu’il allait demander au Congrès américain de financer « en urgence » l’aide à Israël et à l’Ukraine. […] « Le Hamas et Poutine représentent des menaces différentes, mais ils ont ceci en commun : ils veulent tous deux complètement anéantir une démocratie voisine » … (Radio-Canada)
[I]l a exhorté les Américains à ne pas abandonner leur rôle de « phare pour le monde » […] Il s’agit d’un amalgame qui va inquiéter certains, d’autant plus qu’Israël, doté d’une puissance militaire largement supérieure, se prépare à une invasion terrestre de Gaza. […] « Le leadership américain est ce qui unit le monde. Les alliances américaines sont ce qui assure notre sécurité, nous, l’Amérique. Les valeurs américaines font de nous un partenaire avec lequel d’autres pays souhaitent travailler. » (The Guardian)
Ce recours au leitmotiv de « l’Amérique » comme champion mondial de la démocratie mêle ici le ridicule avec la suffisance. Ça se ressent aux ÉU même tant politiquement qu’économiquement :
Une majorité de personnes interrogées dans des sondages récents ont déclaré que les États-Unis devraient aider Israël dans sa lutte contre le Hamas, mais environ un tiers des membres du propre parti du président ne souhaitent pas envoyer d’armes ni d’équipement militaire. Le soutien à la poursuite de l’armement de l’Ukraine a considérablement diminué depuis le début de la guerre, il y a près de 20 mois. […]
Dans les jours à venir, M. Biden sera certainement confronté à la question de savoir si les États-Unis peuvent se permettre de financer deux guerres étrangères. Même si l’économie américaine s’est montrée remarquablement résiliente cette année, de nouvelles données devraient montrer vendredi que le déficit a approché les 2 000 milliards de dollars pour cet exercice et que l’inflation reste inconfortablement élevée. (New York Times)
Il a fallu que le discours idyllique du président contienne quelques arguments à ras de terre afin de passer la rampe :
Et il a fait valoir que le coût de la fourniture d’armes à l’Ukraine et à Israël constitue un bon investissement pour les États-Unis, car une grande partie de l’argent sera versée aux entreprises américaines… (New York Times)
L’administration Biden a demandé vendredi plus de 105 milliards de dollars au Congrès pour répondre aux besoins de sécurité de l’Ukraine, d’Israël, de Taïwan et de la frontière sud des États-Unis. […] l’enveloppe représente plus de 61 milliards de dollars pour l’Ukraine. […] 14,3 milliards de dollars supplémentaires pour Israël, 2 milliards de dollars supplémentaires pour la sécurité de Taiwan et de l’Indo-Pacifique et un peu plus de 9 milliards de dollars pour l’aide humanitaire. […] La Maison Blanche a déclaré que la demande de financement supplémentaire investit environ 50 milliards de dollars dans l’industrie de défense américaine. […] 6,4 milliards de dollars pour les opérations aux frontières, en réponse aux républicains qui lui ont reproché de ne pas en faire assez pour lutter contre la migration en provenance d’Amérique latine. […] 1,2 milliard de dollars pour lutter contre le fentanyl (CNBC)
On comprend que pareille distorsion de la réalité ait ébranlé la position unilatéralement pro-Israël du gouvernement du Canada au point qu’« une lettre signée par 23 élus libéraux [et 10 du NPD et du parti Vert] critique la position du gouvernement canadien dans le conflit entre Israël et le Hamas en demandant un cessez-le-feu » (Le Devoir). Cette lettre s’appuie sur les dizaines de milliers de personnes, dont à Montréal et à Paris ce dimanche-ci, qui ont manifesté par tout le Canada comme ailleurs dans le monde depuis plus d’une semaine.
Heureusement, la Ukraine Socialist Solidarity Campaign n’a pas perdu la tête sur la démocratie
Cet abracadabrant et renversant amalgame des démocraties Israël-Ukraine versus les dictatures Russie-Palestine, la Ukraine Socialist Solidarity Campaign des États-unis la départage rationnellement et la remet sur ses pieds :
Nous sommes aux côtés du peuple palestinien
1. La campagne de Solidarité socialiste en Ukraine se tient aux côtés du peuple palestinien dans sa longue lutte contre l’occupation israélienne et sioniste soutenue par les États-Unis et contre le colonialisme de peuplement.
2. Les peuples d’Ukraine et de Palestine luttent tous deux contre la renaissance de l’impérialisme colonial au XXIe siècle. Il s’agit d’une lutte mondiale.
3. Nous rejetons les expressions répétées de « soutien inconditionnel » du président ukrainien Volodymyr Zelensky à l’État d’apartheid israélien. Zelensky a inversé l’histoire en comparant la Palestine à la Russie et l’Ukraine à Israël. Le contraire est vrai. Israël est un État colonialiste créé par l’expulsion de la majeure partie de sa population palestinienne. Depuis la Nakba [catastrophe] en 1947 et 1948, Israël a mené une longue série de guerres contre ses voisins arabes et a lancé quatre guerres terroristes contre Gaza entre 2008 et 2021, qui ont tué des milliers de civils.
4. L’explosion de colère à Gaza est le résultat inévitable des 17 années de blocus imposé par Israël aux 2,3 millions d’habitants de Gaza.
5. Israël a transformé Gaza en le plus grand camp de prisonniers et prisonnières du monde.
6. Le déferlement de rébellion en provenance de Gaza ressemble, à des milliers d’autres rébellions dans les prisons, aux rébellions dans les plantations d’esclaves et à la résistance au colonialisme des Amérindiens et d’autres peuples autochtones.
7. Nous rejetons toutes les attaques contre des civils par le Hamas et par Israël. Le ciblage militaire des civils par le Hamas est immoral et injustifié et nuit à la lutte palestinienne et aux tentatives de construction de l’unité de la classe ouvrière internationale. Israël utilise les récits de meurtres de civils (vrais, exagérés et faux) pour justifier la perpétration de crimes contre l’humanité bien plus graves à Gaza et en Cisjordanie. Le nombre de morts et de victimes parmi les civils palestiniens a déjà largement dépassé celui des Israéliens. Il reste vrai que les Palestiniens ont le droit de se défendre par les armes et de se libérer contre leurs oppresseurs.
8. Nous réaffirmons notre soutien inconditionnel à la lutte de la résistance palestinienne et à la construction d’un mouvement de solidarité internationale. Palestine libre.
Marc Bonhomme, 22 octobre 2023