Le Pakistan Fisherfolk Forum (PFF) [1], au terme d’une mobilisation massive, a obtenu une avancée majeure. Le gouvernement local de la province de Sindh [2] a redonné à des milliers de petits pêcheurs en eaux douces la gestion directe des zones de pêche dont ils dépendent. Une question de survie pour eux et leur famille. En avril 2007, Arbab Ghulam Rahim, chef du gouvernement de la province, a annoncé l’abolition du système des contrats, la protection et une aide substantielle en faveur du développement socio-économique des pêcheurs de Sindh. Une grande victoire pour le PFF et tous les pêcheurs du district, qui ont réservé aux propositions un accueil très favorable.
Rendre les eaux douces aux petits pêcheurs
La mobilisation date de 2005, alors que le gouvernement fédéral supprime petit à petit le système des licences mis en place dans les années 1980, pour le remplacer par le système des contrats, également appelé système des enchères. Car les contrats, qui donnent les droits de gestion de la pêche sur un territoire défini dans les lacs et étangs d’eaux douces du district, sont vendus aux enchères pour une année. De ce fait, ils reviennent exclusivement à des personnes influentes et non spécialistes. Ce système permet au gouvernement local de gagner de larges commissions, mais place les pêcheurs en position de subordination face aux bénéficiaires des contrats.
Grâce à l’action du PFF et de ses militants, des millions de pêcheurs vont pouvoir regagner leur autonomie. Jusque là, ils étaient complètement dépendants du bon vouloir des détenteurs de contrats, qui les obligeaient à donner 75% de leur prise et à leur vendre le reste bien en deçà du prix du marché. Des hommes en armes veillaient à ce que les pêcheurs respectent les règles fixées unilatéralement, et ils n’étaient en aucun cas autorisés à garder une partie de leur pêche pour la consommation de leur propre famille. Ce système a mené à des dérives importantes en matière de surpêche et de destruction du milieu naturel. Les bénéficiaires des contrats n’ont pas hésité à improviser pêcheurs un maximum d’habitants.
Vivre de la pêche sans détruire le milieu aquatique
Afin de combattre cette situation, le PFF a mis en avant le droit de tous à la pêche. La mobilisation a débouché sur une proposition faite au gouvernement local de Sindh de revenir au système des licences avec des taux accessibles, pour permettre aux pêcheurs d’acheter directement leur droit de pêche. L’achat d’une licence donne une autorisation pour pêcher de manière indépendante dans une aire donnée. Puis les pêcheurs peuvent vendre leurs poissons dans les échoppes locales, au prix du marché, bénéficiant ainsi d’une plus grande marge de manœuvre. Grâce à une longue expérience, ainsi qu’à leur fine connaissance du milieu aquatique, la pêche revient dans des mains plus expérimentées dont le seul objectif n’est plus le maximum de profit, mais plus simplement de vivre de la pêche.
Avec l’abolition du système des contrats en avril 2007, les pêcheurs espèrent bien regagner la liberté de pêcher dans les eaux douces.
Et l’enjeu est de taille. Suite au développement des politiques libérales mises en place par le Pakistan, une large partie des eaux de la région de Sindh est en situation de surpêche et la mangrove [3] est très endommagée. Le combat du PFF s’inscrit donc dans un cadre plus large que le simple droit de pêcher. Il s’agit de revenir à une activité plus traditionnelle, régie par des règles strictes permettant le renouvellement des stocks et la sauvegarde des ressources naturelles. Pour cela le PFF doit encore s’assurer, lors de la mise en place du système des licences, que les pêcheurs ont librement accès aux eaux sans être aucunement inquiétés par les gens influents qui bénéficiaient jusque là des contrats. Ne serait-ce que pour un meilleur équilibre entre la pêche et le milieu aquatique. Après la grande victoire de ce printemps, la lutte se poursuit donc.