Au cours des six derniers jours, l’armée israélienne a eu recours à une force aveugle, excessive et disproportionnée dans des zones résidentielles densément peuplées de la bande de Gaza, faisant au moins 1 203 morts et 5 763 blessés parmi les Palestiniens, à la date du 10 octobre 2023 à 9 h 30. Israël, la puissance occupante, poursuit son occupation illégale et son agression du territoire palestinien occupé (TPO) depuis 56 ans, imposant un régime colonial d’apartheid pour soumettre et forcer le transfert de la population palestinienne, après avoir annexé Jérusalem et de larges pans de la Cisjordanie, qui constituent la « zone C ». Le siège et le blocus qu’Israël impose à la bande de Gaza depuis 16 ans et qui paralyse l’économie et les infrastructures locales ont été condamnés comme une punition collective illégale. Néanmoins, le 9 octobre 2023, Yoav Gallant, ministre israélien de la défense, a déclaré une guerre totale : « Nous imposons un siège complet à [Gaza]. Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant - tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence ».
L’asymétrie de ce conflit armé international qui dure depuis cinq décennies est illustrée par la disparité alarmante du nombre de victimes au cours de la décennie 2010-2019, au cours de laquelle le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a recensé 3 624 Palestiniens et 203 Israéliens tués, ainsi que 103 207 Palestiniens et 4 642 Israéliens blessés.
Malgré la gravité, l’énormité de la situation et les déclarations génocidaires d’Israël, bien suivies d’effet jusqu’à présent, puisqu’Israël refoule les camions de nourriture et coupe l’approvisionnement en eau de Gaza, nous sommes alarmés par la rhétorique unilatérale et le double standard que nous avons vus dans les pays occidentaux : soutenir Israël et souligner les pertes israéliennes, mais omettre de mentionner la situation désespérée des civils palestiniens, tués et mutilés dans les représailles militaires indiscriminées d’Israël.
Entre-temps, le 9 octobre 2023, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et la France ont publié une déclaration commune condamnant publiquement les attaques du Hamas et s’engageant à « veiller à ce qu’Israël soit en mesure de se défendre », donnant ainsi carte blanche à Israël, la puissance occupante, pour recourir à une agression massive dans la bande de Gaza, dont la moitié des deux millions d’habitants est constituée d’enfants.Entre-temps, le 9 octobre 2023, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et la France ont publié une déclaration commune condamnant publiquement les attaques du Hamas et s’engageant à « veiller à ce qu’Israël soit en mesure de se défendre », donnant ainsi carte blanche à Israël, la puissance occupante, pour recourir à une agression massive dans la bande de Gaza, dont la moitié des deux millions d’habitants est constituée d’enfants.
D’autres engagements alarmants et sans précédent ont suivi. Le Danemark et l’Autriche ont décidé de suspendre leur aide à la Palestine. La Suède et l’Allemagne envisagent de suspendre leur financement. La ministre allemande du développement, Svenja Schulze, a notamment déclaré que ces attaques contre Israël marquaient une « rupture terrible » et que son gouvernement « réexaminera désormais l’ensemble de notre engagement en faveur des territoires palestiniens ». Un autre fonctionnaire allemand a affirmé que l’UE « doit maintenant dire : nous avons besoin d’un nouveau départ et nous ne financerons plus les terroristes ». De même, la Commission européenne, l’un des principaux donateurs en matière d’aide au développement, a envisagé de suspendre son aide financière à la Palestine.
Il est étonnant de constater que presque aucune de ces déclarations ne fait allusion aux droits fondamentaux des Palestiniens et aux normes du droit international, si ce n’est une extension considérable et grotesque du droit à l’autodéfense au-delà de ses limites légales. La déclaration commune susmentionnée fait brièvement référence aux « aspirations légitimes des Palestiniens » et au soutien à « des mesures égales de justice et de liberté pour les Israéliens et les Palestiniens ». Toutefois, ces considérations, du point de vue de ces États, sont clairement annulées par la déférence à l’égard d’Israël, les soi-disant préoccupations de sécurité de la puissance occupante et la complicité dans le maintien et la prolongation de l’occupation illégale du territoire palestinien.
Cette déclaration commune est erronée à deux niveaux principaux. Premièrement, elle ignore complètement les causes profondes du conflit. Le Hamas et les autres mouvements de résistance palestiniens sont le produit de l’occupation agressive d’Israël qui a commencé en 1967, en violation de la Charte des Nations unies, un usage illégal de la force qui se poursuit aujourd’hui. Ces mouvements n’existaient pas auparavant. De plus, Israël a annexé de facto et de jure le territoire palestinien, en violation des normes impératives du droit international, y compris l’interdiction de l’usage de la force, et en déni du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. En outre, 75 % des Palestiniens vivant à Gaza sont des réfugiés qui ont en fait été expulsés de leurs maisons par les forces israéliennes en 1948 lors de ce qui est communément appelé la Nakba (la catastrophe) et qui se sont vus refuser leur droit au retour en tant que réfugiés depuis lors.
Deuxièmement, présenter l’attaque militaire israélienne comme un exercice de son droit à l’autodéfense revient à nier la réalité : Israël occupe déjà de manière belliqueuse le territoire palestinien. Israël fait progresser son régime colonial d’apartheid dans le TPO, en tentant de transférer de force les Palestiniens de Gaza, notamment au moyen d’environnements coercitifs, afin de s’approprier petit à petit de plus en plus de parties de la Palestine historique. Ces actes violent les normes de jus cogens du droit international et peuvent constituer des crimes de guerre (transfert forcé) et des crimes contre l’humanité (déplacement, persécution et apartheid).
À la lumière de ce qui précède, nous exhortons les États tiers à coopérer pour mettre fin à la situation découlant de la violation continue par Israël des normes impératives du droit international [1]. Les obligations de l’État tiers comprennent également l’obligation de s’abstenir de contribuer au maintien d’une situation illégale [2], ce qui se produit au moment où certains des États qui ont pris part à la déclaration conjointe envoient du matériel militaire à Israël. Les États ont en outre l’obligation de coopérer pour mettre fin à la conduite illégale, plutôt que de perpétuer et de donner le feu vert à une occupation illégale prolongée et à une force agressive sous le couvert de la « légitime défense ».En outre, il se peut que des États tiers fournissent du matériel militaire destiné à être utilisé dans le cadre de crimes de guerre israéliens, notamment des « homicides volontaires » [3], « le fait de causer délibérément de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé » [4], « la destruction et l’appropriation massives de biens, non justifiées par des nécessités militaires, et effectuées de manière illicite et arbitraire » [5] et « le fait d’affamer intentionnellement des civils comme méthode de guerre en les privant d’objets indispensables à leur survie » [6].
Ces crimes ont déjà été établis de manière assez détaillée par le procureur de la Cour pénale internationale, qui a ouvert une enquête sur la base de « preuves significatives » de crimes commis par les forces israéliennes et les autorités israéliennes.
Enfin, les actes criminels commis par l’armée israélienne constituent une punition collective prohibée puisqu’ils visent des civils palestiniens innocents pour des actes antérieurs attribués au Hamas. Les homicides volontaires et les punitions collectives sont contraires à la quatrième convention de Genève. En n’arrêtant pas l’attaque actuelle contre la bande de Gaza, les États tiers violent également leur obligation de respecter et de faire respecter le droit humanitaire international, et entretiennent une guerre agressive, privant le peuple palestinien de son droit collectif à l’autodétermination externe et à l’indépendance par rapport à l’occupation israélienne ainsi qu’au régime d’apartheid colonial de peuplement.
Signataires :
A.M. Qattan Foundation
Addameer Prisoner Support and Human Rights Association
Al Mezan Center for Human Rights
Al-Haq
Arab World Democracy and Electoral Monitor (Almarsad)
Bisan Center for Research and Development
Center for Defence of Liberties & ; Civil Rights “Hurryyat”
Coalition for Integrity and Accountability – AMAN
Filastiniyat
Human Rights and Democracy Media Center – SHAMS
Jerusalem Legal Aid Center (JLAC)
MUSAWA – The Palestinian Center for the Independence of the Judiciary and the Legal Profession
Palestinian Working Woman Society for Development
PYALARA
Sharek Youth Forum
The Civil Commission for the independence of Judiciary and Rule of Law (ISTIQLAL)
The General Union of Cultural Centres
The Palestinian Center for Development and Media Freedoms (MADA)
The Palestinian Centre for Human Rights
The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy – MIFTAH
The Palestinian Non-Governmental Organizations Network(PNGO)
Union of Agricultural Work Committees (UAWC)
Union of Palestinian Women Committees
Women’s Center for Legal Aid and Counselling (WCLAC)
- Women’s Studies Centre
Notes
[1] Version préliminaire des articles sur la responsabilité de l’État pour des actes internationalement illicites, Commission du droit international (2001), article 41, paragraphe 1.
[2] Projet d’articles sur la responsabilité des États pour des actes internationalement illicites, Commission du droit international (2001), article 41(2).
[3] Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998), article 8(2)(a)(i).
[4] Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998), article 8(2)(a)(iii)
[5] Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998), article 8(2)(a)(iv).
[6] Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998), article 8(2)(a)(xxv).