M. Jean-Pierre Brard
Le Maire
Hôtel de Ville
Montreuil-sous-Bois
Le 10 octobre 2002
Le Parc des Beaumonts après les incendies
Monsieur le maire,
(…).
Nous avons tous été très préoccupé par l’incendie, au Parc des Beaumonts, de la fin août (comme celui, d’ampleur bien moindre, de la fin septembre) et je vous suis gré d’avoir pris des mesures immédiates (signalisation protectrice de la zone touchée).
1. Un grave danger potentiel pour l’avifaune des Beaumonts
De tels incendies sont potentiellement très dangereux pour l’avifaune et leurs conséquences seraient très graves s’ils se produisaient pendant la période de nidification. En effet, la « savane » accueille des espèces campagnardes fort rares en milieu urbain, donc en situation fragile (parce qu’isolées et en petit nombre). Le fait qu’une telle avifaune campagnarde niche sur le site constitue l’une des principales richesses du Parc des Beaumonts.
Ce danger est d’autant plus réel que les incendies peuvent avoir plusieurs causes : volontaires, mais aussi accidentels (avec l’arrivée des beaux jours, des familles viennent parfois griller des saucisses et laissent des braises en repartant). La présence des « gardiens-animateurs » est ici essentielle pour dissuader les gens d’allumer des feux, quelles que soient leurs intentions. Par ailleurs, de nombreux usagers interviennent eux-mêmes pour éteindre des feux abandonnés.
2. Peu d’impacte immédiat cet automne
Les incendies récents ayant eu lieu après la période de nidification, leurs effets immédiats pour l’avifaune ne sont pas graves. Aucune couvée, même tardive, n’a dû être détruite et la « savane », en l’état, reste un milieu très favorable aux oiseaux migrateurs. Ceci est confirmé par les nombreuses observations que j’ai réalisé aux Beaumonts depuis la fin août, avec une présence sur place particulièrement importante cet automne de migrateurs communs (comme les Rougequeues noirs ou les Grives musiciennes) et spectaculaires (l’Epervier), accompagnées parfois d’autres espèces beaucoup moins usuelles (comme un Coucou gris juvénile et tardif).
Le Parc des Beaumonts bénéficie de ce que nous appelons « l’effet d’îlot » : il représente un îlot de verdure dans l’océan urbain (ou une oasis dans le désert parisien) : beaucoup de migrateurs viennent s’y poser le temps d’une halte réparatrice. Ce qui représente une autre richesse importante du site. La zone incendiée était l’une des plus fréquentées par les migrateurs et elle le reste. Bien entendu, le regard pénètre beaucoup plus aisément là où l’incendie a eu lieu que là où la végétation est touffue. Mais même en tenant de ce « biais », il me semble évident que le nombre de migrateurs utilisant le site n’a pas diminué.
C’est d’autant plus vrai que certains points sensibles du site n’ont pas été touchés (je pense en particulier à l’îlot de la mare perchée). La zone humide offre un milieu très original, mais très réduit en surface. Or, quelques années après sa création, son intérêt avifaunique (et paysager…) se confirme et augmente. En ce début d’automne, la Rousserolle effarvatte (c’est une fauvette de marais) a séjourné durablement pour la première fois à ma connaissance et la Rémiz penduline (une rareté régionale) est restée au moins 24 heures. De même, un Héron cendré peu farouche (probablement venant du Bois de Vincennes) visite actuellement chaque jour la mare, malgré la pression canine, au plus grand plaisir des promeneurs qui ont parfois la chance de l’observer à courte distance.
3. Les effets indirects à moyen terme, un vrai danger
Les animaux qui ne se déplacent pas assez rapidement ou n’ont pas de terriers à disposition pour se protéger payent un lourd tribut aux incendies : gastéropodes, certains insectes… Malheureusement, aucun suivi naturaliste équivalant à celui réalisé pour l’avifaune ne permet dans leurs cas de faire le point. Ce qui est bien dommage.
Les incendies ont partiellement détruit la couverture végétale. Une partie d’entre elle va se reconstituer spontanément assez rapidement et des espèces vont même profiter de « l’ouverture » du milieu pour prendre pieds dans cet espace. Je laisse à M. Franck Quenault le soin présenter la situation en ce domaine !
Les oiseaux s’envolent et échappent aux flammes ; ils vont retrouver demain les buissons et ronciers qui leur permettent de nicher… Cela dit, les récents incendies risquent quand même d’avoir des conséquences très négatives, bien qu’indirectes, si on n’y prend pas garde. Je voudrais en particulier souligner deux questions.
A. Les incendies ouvrent la « savane » à la pénétration humaine ou canine, et pas seulement aux essences végétales. Promeneurs de chiens, joggeurs et cyclistes entrent dans la partie incendiée de la friche beaucoup plus librement que quand elle était touffue, piquante et rébarbative. La majorité des usagers du parc restent sur les cheminements circulaires. Mais si la pénétration de la « savane » augmente à nouveau et se pérennise, cela posera de très sérieux problèmes.
On retrouve ici le rôle que seul peuvent jouer une présence humaine responsable et les « gardiens-animateurs », rôle irremplaçable déjà mentionné plus haut à propos des feux. Le passage nécessairement éphémère de policiers (à cheval, en vélo…) ne peut répondre à ce problème.
Or, au premier semestre, nous avons traversé une période difficile, du fait d’un concours de circonstances qui ont réduit considérablement la présence des « emplois jeunes » (…). La pénétration de la friche a alors rapidement augmenté de façon visible et des sentiers sauvages ont été créé en son sein. L’équilibre d’occupation du site reste précaire et c’est pourquoi les conséquences à terme des incendies peuvent être graves.
Aujourd’hui, la situation s’est améliorée, avec un retour de maternité et une nouvelle embauche, mais il reste impossible d’assurer un suivi suffisant à deux seulement (les emplois jeunes étaient trois auparavant).
Il y a aux Beaumonts une réelle auto-discipline des habitués et finalement peu de vandalisme proprement dit (malgré les incendies). Mais le rôle des « gardiens-animateurs » est essentiel pour que cette auto-discipline perdure et se renforce.
B. Une partie de la couverture végétale ne va pas se reconstituer spontanément de façon satisfaisante et cela concerne en particulier celle qui faisait barrage naturel sur le terre-plein longeant le ru. Les barrières artificielles ne tiennent pas (« provocatrices », elles sont percées et le matériel se voit recyclé dans des jardins particuliers…). En revanche, les barrières naturelles (haies, épineux…) sont efficaces. Elles s’intègrent au paysage et accueillent, de plus, toute une population animale. Mais elles n’existeront pas sans intervention humaine.
Il faut donc planter pour reconstituer des barrières végétales et profiter de l’occasion pour étendre plus les lignes de protection (en particulier en bloquant « naturellement » les sentiers sauvages qui partent des mares ou au pied de la butte aux pâtres).
Il faut à nouveau freiner puis réduire la pénétration humaine et canine de la « savane » et porter un effort particulier sur la reconstitution et la création de haies protectrices. Ce faisant, on peut augmenter significativement l’offre alimentaire dont profite l’avifaune (buissons et arbustes porteurs de baies, notamment en automne et hiver) et les abris indispensables.
***
Il y a d’autres choses qui mériteraient d’être faites pour enrichir le site, mais qui ne sont pas liées aux incendies. Je ne les évoque donc pas maintenant (…).
Veuillez croire, Monsieur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs,
Pierre Rousset