Dans un corps très syndiqué, le Syndicat de la magistrature est le deuxième syndicat représentatif, recueillant un quart à un tiers des voix aux élections professionnelles. Il est représenté dans les instances par ses élus au Conseil supérieur de la magistrature, à la Commission d’avancement, dans les instances de dialogue social nationales et locales.
Le Syndicat de la magistrature reste attaché à ses positionnements originels qui associent étroitement la défense des intérêts des magistrats à celle des libertés et principes démocratiques qu’il considère comme indissolublement liés. Inscrivant son action dans l’ouverture à la société civile et au mouvement social, il s’attache ainsi à faire entendre une autre voix pour une autre justice.
Par son action, le SM garantit un pluralisme syndical indispensable en démocratie.
En dix points, vous pourrez mesurer l’intérêt de lui apporter votre soutien. Il porte une vision offensive de la défense des magistrats dont le prolongement naturel se trouve dans la dénonciation sans concession des errements de la justice. Il intervient au cours du processus législatif et produit des analyses détaillées sur de nombreux projets de lois. Il exerce une importante action contentieuse, notamment devant les juridictions administratives : c’est le combat pour la justice par le droit.
Indépendant et reposant sur des instances internes démocratiques, ouvertes à tous les magistrats, de l’ENM à la retraite, il s’appuie sur un travail d’approfondissement théorique constant et s’inscrit dans une dynamique internationale.
Le Syndicat de la magistrature, fidèle aux principes qui fondent une justice indépendante et égale pour tous, continue de proposer et de conduire un syndicalisme résolument offensif, ambitieux et sans compromis, quelles que soient les majorités politiques en place.
1. Une défense intransigeante des droits des magistrats et de leur indépendance
Le Syndicat de la magistrature est, historiquement, la première organisation à s’être constituée sous la forme syndicale. Depuis, il n’a jamais cessé de défendre les droits des magistrats. C’est à lui que l’on doit d’ailleurs l’arrêt Obrego rendu par le Conseil d’État en 1972 qui fonde la reconnaissance du fait syndical dans la magistrature.
Même si le statut garantit des droits aux magistrats, ceux-ci sont fragiles en raison des failles internes aux textes et des pratiques, du ministère à la hiérarchie judiciaire. Les occasions ne manquent pas pour le SM de réaffirmer son combat pour la reconnaissance et le respect des droits des magistrats, non pas à leur seul profit, mais au bénéfice de la société toute entière.
Le SM s’est vivement opposé aux tentatives de déstabilisation de juges des libertés et de la détention par leurs chefs de juridiction en assistant les collègues et en lançant l’alerte sur ces pratiques d’atteinte à leur indépendance. Le JLD, ici déchargé de ses fonctions pour incarcérer trop peu, là inquiété pour être trop soucieux des droits des étrangers, n’était à l’époque pas protégé par une nomination par décret. Le combat syndical a payé, cette protection statutaire ayant été reconnue par la loi du 8 août 2016.
Poursuivant sa lutte pour la reconnaissance des droits dans la procédure d’enquête administrative diligentée par l’Inspection, le SM a obtenu des avancées non négligeables, bien que toujours insuffisantes, en matière de respect du principe du contradictoire et de droits de la défense. Il a emporté la conviction du CSM qui, dans une décision du 11 juillet 2013, a écarté des débats les auditions d’une collègue, considérée comme vulnérable, qui avaient duré 14 h 45, dont une audition continue de 7 h 50 sans assistance ni délivrance de la copie du dossier. Poursuivant la lutte pied à pied, le SM a finalement convaincu, en octobre 2016, l’Inspecteur général de la Justice d’étendre les droits à tout magistrat ou fonctionnaire. Si le droit d’être assisté par un tiers pendant les auditions et de se voir remettre une copie de la procédure d’enquête administrative est désormais applicable à toutes les enquêtes en cours, le syndicat poursuit sa lutte pour que ces droits soient désormais inscrits dans les textes, et pas seulement dans un projet de service.
Dans l’affaire Borrel, le SM se bat depuis 1995 contre la raison d’État aux côtés des parties civiles pour faire émerger la vérité.
Contrairement aux autres organisations syndicales, le SM a soutenu Renaud Van Ruymbeke dès l’origine, en initiant des pétitions et en participant à des manifestations de solidarité en faveur de ce magistrat emblématique de la lutte contre la corruption internationale. Il a été présent à ses côtés jusqu’au terme de la longue procédure disciplinaire dont il a fait l’objet, notamment lors de l’audience devant le CSM en octobre 2012, ultime épisode de la tentative de déstabilisation.
Au delà de ces affaires emblématiques, le SM apporte son soutien à de nombreux magistrats, du siège comme du parquet. Quand certains d’entre eux ont été inquiétés, il est intervenu dans des juridictions pour défendre la liberté de parole à l’audience et l’autonomie des magistrats du parquet niée par la hiérarchie. Il a pu aussi s’élever publiquement contre la mutation forcée de procureurs généraux qui avaient déplu au ministre.
Enfin, le Syndicat de la magistrature a été le premier à adresser aux magistrats un guide de leurs droits, outil synthétique et pratique pour faire respecter leur statut. Il l’a complété par un petit abécédaire de la vie en juridiction. Autant d’objets pour lutter contre une administration qui souvent ne s’embarrasse pas de principes.
À l’initiative de la reconnaissance du fait syndical dans la magistrature, le Syndicat de la magistrature porte une vision offensive de la défense des magistrats. Il se mobilise pour dénoncer les tentatives d’ingérence ou de déstabilisation extérieure comme les abus plus quotidiens.
Pressions, intimidations, discriminations, sanctions déguisées via un changement de service, une évaluation mitigée ou par la prime modulable, entorses aux dispositions statutaires sur les congés ou les délégations des magistrats placés, les motifs de défense ne manquent pas. Par ses représentants locaux ou nationaux, le SM conseille, accompagne les collègues, syndiqués ou non, et détermine avec eux la réponse la plus efficace. Au delà de l’information sur leurs droits, de l’aide pour rédiger courriers et recours gracieux ou juridictionnels, de la médiation auprès de la hiérarchie, il s’interpose et ne craint pas la confrontation, lorsque la situation le justifie.
Ce combat se manifeste évidemment sur le terrain disciplinaire et au cours de sa phase préparatoire, devant l’Inspection. Le syndicat assiste et défend avec ténacité les collègues tout au long de la procédure disciplinaire, des entretiens avec leurs chefs de cour à l’éventuelle audience devant le Conseil supérieur de la magistrature.
Avant chaque transparence, il rencontre la direction des services judiciaires pour soutenir les demandes de mutation des collègues qui le saisissent, et auxquels il rend compte de cet entretien, et pour relayer les difficultés des juridictions.
Par essence discrète vis à vis de l’extérieur, la défense syndicale est cependant notre quotidien. Loin des idées reçues qui veulent que le Syndicat de la magistrature se désintéresse des droits des magistrats et préfère défendre ceux des autres.
2. La défense de la justice contre la stigmatisation démagogique des magistrats
La justice est rendue publiquement, au nom du peuple français. À ce titre, elle doit pouvoir être contestée dans son exercice, par les voies de recours évidemment, mais également dans le débat public. L’institution doit rester accessible à la réflexion critique sur les pratiques professionnelles, sans entrave abusive à la liberté d’expression : il ne doit pas y avoir de sanctuaire pour la justice.
Si la critique, même vive, est un aiguillon désirable, à tout le moins nécessaire, les manœuvres de déstabilisation, de stigmatisation démagogique heurtent l’équilibre des pouvoirs dans une démocratie. Le Syndicat de la magistrature se fait alors un devoir de réagir publiquement contre des accusations faciles puisqu’elles visent des magistrats soumis au devoir de réserve.
Ce qui est en jeu, ce n’est pas l’ego blessé des magistrats, mais bien notre système institutionnel et la confiance des citoyens dans la justice. Lorsqu’elles émanent du milieu politique, voire de l’Exécutif, les attaques répétées, parfois ad hominem, se font d’autant plus virulentes qu’elles visent à nier à la justice le droit de s’intéresser aux affaires. En bref, à faire diversion. Il n’y a pas à transiger : une classe politique ne devrait pas dire ça.
La stigmatisation démagogique crée un climat qui autorise périodiquement le dénigrement de l’institution judiciaire, par exemple quand des organisations syndicales policières manifestent sous les fenêtres des palais de justice pour contester une mise en cause ou une condamnation qui leur déplaît. Quand l’exemple vient de si haut dans l’architecture du pouvoir – passé, en place ou en campagne – il n’y a rien d’étonnant à de tels débordements.
Les procès faits à la justice mêlent accusations de laxisme et d’acharnement coupable, selon qu’elle exerce son office sur ceux qui relèveraient de son public naturel ou sur ceux qui revendiquent une impunité pour euxmêmes. Accusations de politisation, de partialité et de dogmatisme sont alors les paravents d’un mépris plus profond, d’un refus de la justice, relayé avec complaisance par certains medias.
La critique argumentée et constructive de la justice a toute sa place dans une démocratie. Sa mise en cause à des fins populistes est intolérable. La pression ainsi exercée sur les magistrats doit être combattue pied à pied : le Syndicat de la magistrature s’y emploie avec détermination, notamment dans les medias. Il y rappelle le respect dû aux institutions, débusque les confusions savamment entretenues et les doubles discours de ceux qui ne voudraient de justice qu’à leur service.
3. Un positionnement résolument anti-corporatiste
L’accusation de corporatisme est souvent brandie pour contester toute expression critique dans la magistrature. S’il est fondamental de refuser cet étiquetage commode et de faire entendre avec force les protestations légitimes qui émanent du corps judiciaire, il est également nécessaire de ne pas taire les dysfonctionnements réels de notre institution. Il ne s’agit pas seulement de se mettre à l’abri d’un reproche facile, mais de revendiquer la justice pour la Justice.
Au risque de déplaire, le Syndicat de la magistrature a toujours assumé cette exigence de dénonciation responsable des dérives judiciaires qui nuisent à la justice et à la cohésion sociale. Cet anti-corporatisme se situe à l’opposé d’une conception du syndicalisme fondée sur un déni aussi illégitime qu’inefficace de la faillibilité du système et de ses acteurs. La mission d’un syndicat de magistrats est aussi de rappeler que la justice est rendue « au nom du peuple français » et qu’à ce titre, elle n’est pas à l’abri de la critique.
Cette liberté de critique a valu au SM d’être poursuivi pour discrédit jeté sur une décision de justice en raison d’un communiqué qui critiquait la décision d’une cour d’appel refusant la prise en charge d’un mineur isolé étranger. La relaxe s’imposait et la motivation du jugement du 23 novembre 2016 est exemplaire : « le Syndicat de la magistrature a vocation, en tant que syndicat de magistrats, à défendre non seulement les droits individuels et collectifs de ces professionnels, mais également l’institution judiciaire, cette défense ne pouvant toutefois signifier, sauf à lui faire perdre toute substance et tout intérêt, une approbation inconditionnelle de l’ensemble des actes et décisions de nature juridictionnelle ou la soumission dudit syndicat à un devoir de réserve similaire à celui exigé des magistrats pris individuellement ».
Au delà, le SM n’a pas peur du regard extérieur sur la justice. Il a été la seule organisation syndicale de magistrats favorable à ce que ces derniers déclarent, tout comme les juges administratifs et financiers, leurs intérêts susceptibles de faire naître un conflit dans l’exercice de leurs fonctions. Le syndicat est attentif en revanche à ce que cette obligation déontologique ne constitue pas un obstacle à l’engagement des professionnels de justice dans la vie de la cité. Refusant l’entre-soi, il est favorable à une majorité de non magistrats au Conseil supérieur de la magistrature et milite pour des conseils de juridiction ouverts.
Le Syndicat de la magistrature défend, dans l’intérêt de tous, un Conseil supérieur de la magistrature pluraliste, démocratique et doté de pouvoirs étendus qui doit être le seul garant de l’indépendance des magistrats. Sa composition et les modalités de désignation de ses membres doivent le mettre à l’abri des pressions, quelles qu’elles soient. Le SM s’est toujours battu pour que le CSM soit composé d’une majorité de personnalités extérieures et pour que celles-ci ne soient plus nommées par le pouvoir politique. Il milite également pour que les membres magistrats soient élus par un collège unique au scrutin direct et à la proportionnelle, seul moyen d’assurer une représentation pluraliste du corps et de supprimer le poids de la hiérarchie dans cette instance.
La garantie de l’indépendance impose le renforcement des pouvoirs d’un CSM rénové, gérant la carrière de l’ensemble des magistrats et auquel l’Inspection sera rattachée pour la matière disciplinaire. Le SM se heurte à des obstacles politiques majeurs qui empêchent l’avènement d’une réforme constitutionnelle, même réduite à l’alignement des conditions de nomination et de discipline.
Ses élus ont obtenu au sein du CSM une plus grande transparence dans la nomination de la haute hiérarchie du siège et du parquet afin que cette instance puisse exercer réellement son pouvoir d’appréciation et les magistrats leur légitime droit de recours.
Malgré un scrutin inique favorisant le fait majoritaire, le Syndicat de la magistrature a des représentants à la Commission d’avancement qui statue sur les recrutements hors concours, les inscriptions au tableau d’avancement et les recours contre les évaluations. Pour assurer le pluralisme, il milite pour un scrutin national et direct à la proportionnelle et une réduction de la place de la hiérarchie. Au sein de la commission, ses élus agissent pour favoriser un recrutement hors concours transparent, égalitaire et ouvert, une inscription automatique au tableau d’avancement à défaut de grade unique et une évaluation au service de la qualité de la justice qui devrait, à terme, être confiée à des évaluateurs indépendants rattachés au CSM.
4. Une action constante pour les moyens de la justice
Si la qualité de la justice rendue n’est pas seulement liée aux moyens dont dispose l’institution judiciaire, elle en est éminemment dépendante. Or, le budget de la justice est depuis toujours notoirement insuffisant. Même quand une augmentation est votée, il reste bien en deçà des standards européens, selon les rapports successifs de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ).
Avec constance, le Syndicat de la magistrature dénonce le manque criant d’effectifs de fonctionnaires et de magistrats qui ne permet pas aux juridictions de fonctionner correctement, et encore moins de faire face aux réformes successives (réforme des tutelles, élargissement des compétences du JLD, introduction de la libération sous contrainte). Seul le dévouement des personnels permet à un service public au bord de l’asphyxie d’assumer ses missions ; mais les délais de traitement s’allongent au civil pendant que les procédures expéditives sont favorisées au pénal.
Les experts et les interprètes sont payés avec plusieurs mois de retard, si bien que beaucoup refusent désormais leur collaboration aux juridictions, compliquant encore davantage le quotidien des professionnels et pénalisant les justiciables.
L’état du service public de la justice a été notablement aggravé par la réforme de la carte judiciaire. Depuis, le SM a obtenu avec d’autres l’abandon du projet de tribunal de première instance dont le seul but, à peine masqué, était, par la mutualisation, de donner tout pouvoir aux chefs de juridiction pour affecter, selon leur bon vouloir, les personnels dans des juridictions déjà gravement paupérisées. Luttant pour la sauvegarde des tribunaux d’instance, il continue à veiller à ce que ce TPI ne soit pas réintroduit par la grande ou la petite porte.
La mise en place de budgets opérationnels de programme aboutissant à la création de super cours d’appel et l’affectation d’administrateurs civils dans les SAR ont en outre éloigné les décideurs des personnels.
Le SM alerte régulièrement les pouvoirs publics sur l’état de la justice et ses conséquences sur les personnels et les justiciables. Il a ainsi organisé avec le Syndicat des avocats de France des tribunaux d’opinion (à Besançon, Créteil, Le Havre, Lille, Montpellier, Toulouse) mettant en accusation l’État pour non assistance à justice en danger. Ces procès symboliques ont réuni les professionnels du ministère de la Justice, magistrats, fonctionnaires, éducateurs, conseillers d’insertion et de probation et leurs partenaires, avocats, policiers, associations d’aides aux victimes, experts, interprètes…
Le SM signale régulièrement à la chancellerie la situation gravissime de certains tribunaux – par exemple Créteil, Nice, Bobigny, Nancy, Cambrai, Fort-de-France, Cayenne – et a pu obtenir l’allocation d’effectifs supplémentaires.
Chaque année, à l’occasion de la circulaire de localisation des emplois, il réclame des créations de postes, s’opposant à la politique du ministère qui refuse de « créer de la vacance de poste ». Le SM soutient à l’inverse la nécessité de localiser les emplois à la mesure des besoins, ce qui permettra d’objectiver le caractère excessif de la charge de travail, notamment pour les collègues.
Le SM effectue régulièrement des visites dans les juridictions pour échanger avec les collègues et les soutenir en cas de besoin.
Face aux conséquences pour les justiciables de la situation déplorable du service public de la justice, le SM n’hésite pas à mettre concrètement l’État devant ses responsabilités. Il s’est par exemple associé aux actions en justice visant à dénoncer la paralysie des juridictions prud’homales qui ont abouti à la condamnation – bien réelle – de l’État pour des délais excessifs.
Le propre du Syndicat de la magistrature est que chacun, avec ou sans mandat, peut prendre part aux débats et aux réflexions.
La vie syndicale s’organise au niveau national autour du conseil, instance délibérative du syndicat. Il se réunit environ tous les mois pour discuter de sujets d’actualité et fixer les orientations syndicales. Tous les adhérents, y compris les auditeurs et les retraités, y sont les bienvenus. Le conseil est composé de seize membres élus pour deux ans lors du congrès annuel ainsi que des délégués régionaux et de section de l’ENM.
Le bureau est l’exécutif du syndicat. Composé de six membres élus pour un an, il est chargé de décliner les orientations et la politique générale déterminée lors du congrès annuel et les décisions prises par le conseil. Les mandats courts des membres du conseil et du bureau assurent un renouvellement régulier de la dynamique syndicale et évitent la confiscation des instances.
Pour rester au plus près des réalités des juridictions, le Syndicat de la magistrature est en lien permanent avec les sections locales et régionales ainsi que celle des auditeurs. Les sections organisent leurs actions en toute autonomie et peuvent solliciter le soutien du bureau. Les délégués de section et les délégués régionaux sont élus localement : à l’occasion des réunions du conseil national, ils font part des difficultés de leur ressort et des initiatives de la section.
Réunissant l’ensemble des syndiqués, le congrès annuel est un moment essentiel de la vie démocratique qui détermine la politique syndicale. Nos élus au CSM, à la Commission d’avancement et à MEDEL y présentent, de manière transparente, leur action. Le bureau rend compte de son activité. Le rapport moral donne lieu à un débat et à un vote.
Chaque année, le Syndicat de la magistrature organise un stage. Il a lieu en région et permet à chaque syndiqué d’enrichir sa réflexion sur un thème déterminé en conseil, avec des intervenants extérieurs (universitaires, sociologues, magistrats administratifs ou étrangers, historiens…).
L’action syndicale se nourrit également des travaux de groupes de travail thématiques (accès au droit, déontologie, pratiques professionnelles…) ouverts à tous. Ils peuvent élaborer des documents à destination des collègues, tels que des contre-circulaires ou des guides pratiques, ou organiser des colloques.
5. Un inlassable combat contre la logique managériale et productiviste
Face à une conception productiviste du service public de la justice, le Syndicat de la magistrature défend une justice de qualité, soucieuse de ses usagers et respectueuse des professionnels.
Dans les groupes de réflexion mis en place par le ministère depuis 2011 sur la charge de travail des magistrats, le SM lutte résolument contre l’adoption de normes excessives.
En son temps, il s’était opposé à l’application de la méthode LEAN dans les juridictions, ce procédé, issu de l’industrie automobile, ayant pour seul but d’accroître la productivité au mépris de la qualité du service rendu aux justiciables et de ses spécificités.
Le SM dénonce régulièrement l’abandon de la collégialité et le recours à des procédures sans procès dont le seul objectif est l’économie du nombre de magistrats et l’augmentation de la productivité de chacun. Il a ainsi critiqué les CRPC ou le recours accru en matière civile à une fausse collégialité où les assesseurs font de la figuration.
Convaincu que la concentration du pouvoir entre les mains de la seule hiérarchie favorise cette logique managériale, le SM milite pour davantage de démocratie en juridiction. Au-delà de ses revendications visant à donner plus de pouvoirs aux assemblées générales, ses représentants participent activement aux commissions restreintes, plénières ou d’études et sont un relais pour les collègues auprès des chefs de juridiction.
Le SM milite ainsi pour une réforme en profondeur de la procédure d’évaluation, infantilisante par ses absurdes appréciations littérales et ses grilles analytiques. Il se bat afin qu’elle cesse d’être un instrument utilisé par les chefs de juridiction pour fixer des objectifs quantitatifs aux magistrats et les contraindre à entrer dans une logique purement gestionnaire et qu’elle devienne un outil d’appréciation et d’amélioration de la qualité du service rendu. Le SM réclame que le changement de grade soit indépendant de l’évaluation. Il aide de nombreux collègues à formuler des observations et exercer des recours gracieux et devant la Commission d’avancement.
Hostile à une prime modulable qui peut atteindre jusqu’à 18% du traitement indiciaire et qui, du fait de l’opacité de ses critères d’attribution, constitue un moyen de pression pour les chefs de cour, le SM revendique depuis toujours sa suppression et l’intégration de l’enveloppe correspondante dans la partie fixe du traitement. Au-delà de cette contestation de fond, le SM assiste devant les juridictions administratives les collègues victimes de cet arbitraire avec un certain succès puisque ces juridictions ont fait droit à deux recours, l’un en raison d’une discrimination liée au handicap, l’autre au motif que le chef de cour – qui reprochait au collègue de ne pas travailler suffisamment – n’avait pas pris en compte ses difficultés.
Alliée à une perte de sens, l’application au service public de la justice de méthodes managériales brutales inspirées du secteur privé est l’une des plus évidentes causes de la souffrance au travail vécue dans les juridictions. Le phénomène est désormais connu à défaut d’être réellement combattu : modélisation du travail, obsession de la performance malgré la pénurie des effectifs et des moyens, pression statistique… Il résulte du discours de la hiérarchie, qui affiche un souci de qualité mais le nie dans ses actes, un véritable conflit éthique, le diktat de la rentabilité poussant les magistrats à trahir les valeurs sur lesquelles ils fondent leur exercice professionnel et leurs obligations déontologiques.
Le malaise des magistrats trouve ainsi sa source dans les injonctions contradictoires qu’on leur assène : soyez inventifs mais soumis, produisez davantage de justice avec moins de moyens, soyez indépendants mais obéissez aux préconisations des technocrates.
S’y ajoutent des conditions de travail souvent indignes : des locaux parfois en piteux état, du matériel obsolète, mais aussi la nécessité d’absorber des réformes toujours plus nombreuses non préparées et non budgétées et de remplacer les postes vacants. À ces souffrances individuelles s’ajoute une détérioration des relations entre les personnels, source de souffrance collective.
Sans parler des attaques récurrentes et parfois violentes dont les magistrats ont fait l’objet dans les années passées.
C’est dans ce contexte qu’un groupe de travail issu du Comité hygiène et sécurité du ministère a achevé en 2013 la rédaction d’un plan d’action ministériel de lutte contre les risques psycho-sociaux. Il comporte des pistes d’actions pour favoriser le collectif de travail et améliorer son organisation mais aussi pour éviter l’isolement, favoriser l’accueil ou améliorer l’accès à la prévention médicale.
Les travaux de ce groupe ont rendu visible un investissement de longue date des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires : ainsi, le Syndicat de la magistrature a activement lutté contre la pression managériale, pour une meilleure formation de la hiérarchie et pour l’intervention de tiers formés aux côtés des collègues en cas de besoin. Mais celui de l’administration n’a pas été à la hauteur. La direction des services judiciaires peine à faire vivre un groupe Optimisation des conditions de travail qui devrait décliner le plan dans les tribunaux et s’est contentée de la rédaction d’une circulaire de « conduite à tenir en cas de suicide » et de la mise en œuvre d’un numéro vert d’assistance psychologique.
Le syndicat s’investit au niveau local par des initiatives souvent collectives afin de donner une réalité au plan de lutte contre les risques psycho-sociaux.
6. Un décryptage critique de l’activité législative
Le Syndicat de la magistrature est entendu à l’Assemblée nationale et au Sénat sur tous les textes et travaux ayant une incidence judiciaire. Il rédige alors des observations écrites détaillées, mêlant critiques de forme, de fond et parfois propositions d’amendement, qu’il transmet à l’ensemble des magistrats, aux parlementaires, à ses partenaires associatifs et à la presse. Il intervient de la même manière dans les instances internes au ministère de la Justice (commission permanente d’étude, comité technique des services judiciaires et ministériel, commissions de réflexion créées à l’initiative du ministère) sur les projets de loi ou de décret.
Lorsque les textes sont adoptés, le Syndicat de la magistrature poursuit son action, notamment devant le Conseil constitutionnel en rédigeant des observations, portes étroites qu’il rend publiques.
Nos positions s’appuient sur des convictions fortes et sont toujours étayées techniquement. Le SM développe en effet des argumentations précises pour alimenter le débat public sur les réformes judiciaires et peser, parfois avec succès, sur leur contenu dans l’intérêt de l’institution judiciaire et des justiciables. Le syndicat puise dans des réflexions anciennes qu’il questionne, renouvelle et enrichit au cours des débats en conseil syndical, lors des stages et dans les groupes de travail.
Très impliqué dans le mouvement social et se nourrissant de contacts réguliers avec des chercheurs, le SM est ainsi en capacité d’apporter une vision large des enjeux qui touchent les questions judiciaires. Il peut produire des analyses collectives – comme il l’a fait pour la défense des libertés publiques sous l’état d’urgence ou d’un droit du travail protecteur de l’ordre public social – et organiser des mobilisations collectives avec des associations de la société civile et des syndicats. Défendre ensemble un budget de la justice à la hauteur et non vampirisé par la prison, protester contre l’extension des dispositifs de surveillance des citoyens non soumis à des règles strictes et à un contrôle judiciaire préalable, soutenir des dispositifs assurant la protection des plus précaires dans les procédures d’expulsion sont autant de terrains que le Syndicat de la magistrature investit collectivement.
En matière pénale, il soutient la reconnaissance de garanties procédurales fortes et effectives. Il s’oppose au développement des dispositifs dérogatoires qui déséquilibrent la procédure pénale, à la multiplication des procédures expéditives qui marginalisent le débat judiciaire et servent la logique répressive, ainsi qu’aux obstacles dressés contre le droit à un recours effectif. Il promeut une décroissance pénale dans une matière doublement dévoyée par l’injonction à la réponse systématique et la multiplication des infractions. Dans cette logique, il défend la primauté de l’éducatif pour les enfants et adolescents et refuse, pour tous, la centralité de l’enfermement. Il s’oppose à la diffusion d’une philosophie de la dangerosité qui se substitue à l’humanisme pénal.
Dans les matières civiles, qui doivent retrouver toute leur place dans le quotidien judiciaire, il soutient les mesures procédurales propres à assurer l’accessibilité au droit et au juge. Le syndicat s’attache à la promotion d’un droit qui assure ou rétablisse l’égalité entre les citoyens, en matière familiale ou de droit des étrangers. Il se bat pour sauvegarder l’office de protection du juge dans les contentieux essentiels et rétablir les équilibres sociaux, des tutelles au contentieux prud’homal en passant par les contentieux civils du quotidien, de fond et d’exécution.
Le Syndicat de la magistrature défend un modèle démocratique équilibré, dans lequel l’indépendance de la justice est assurée et son rôle de garante des libertés reconnu, contre les volontés de marginalisation au profit de l’Exécutif, notamment par le développement de mesures répressives de police administrative.
Le Syndicat de la magistrature diversifie ses modes d’intervention dans un souci d’efficacité, à travers notamment les contre-circulaires et les observations devant le Conseil constitutionnel, dites porte étroite.
La première contre-circulaire du 10 juin 2004 concernait la loi Perben 2. Considérant que ce texte faisait reculer les garanties procédurales et limitait l’office des magistrats, le syndicat avait souhaité leur fournir une grille de lecture juridique pour qu’ils se réapproprient leur mission constitutionnelle de protection des libertés individuelles dans un contexte de mise au pas de l’institution par le pouvoir politique.
Cette modalité innovante d’action syndicale correspond à l’une des spécificités du SM : la réflexion collective sur les pratiques professionnelles dans le respect de la loi et des valeurs de justice.
Des contre-circulaires ont également été diffusées, selon l’époque, sur les peines-planchers, la visioconférence imposée en matière juridictionnelle et la garde à vue, les comparutions immédiates, le contrôle par le JLD de l’appréhension au domicile des étrangers dans l’attente de leur expulsion.
Il arrive de même au syndicat de développer des analyses de dispositions spécifiques et des conseils pratiques. Il le fait régulièrement par le biais de sa publication Justice(s) au quotidien (JAQ) destinée aux professionnels et dont l’objet est justement de s’intéresser aux pratiques progressistes et de les diffuser. Il a ainsi mis en lumière les permanences de prévention des expulsions locatives, instaurées dans certains tribunaux d’instance, dans le JAQ sur le magistrat et les expulsions ou la conciliation par le juge comme modalité d’accès au droit dans le JAQ sur le magistrat et l’accès au droit.
Dans un autre registre, le Syndicat de la magistrature a eu recours à plusieurs reprises à la possibilité de transmettre au Conseil constitutionnel des observations au soutien de sa saisine par des parlementaires. Cette voie de la porte étroite a été utilisée pour la loi sur la rétention de sûreté et la loi pénitentiaire, la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, la loi relative au renseignement, la loi organique relative au statut des magistrats et la loi égalité et citoyenneté.
Cette dernière technique permet de faire valoir des points de vue directement issus des réflexions et usages professionnels. Le SM la pratique parfois seul mais le plus souvent avec des partenaires comme Amnesty international, le Syndicat des avocats de France, la Ligue des droits de l’homme, Droit au logement ou Médecins de monde.
7. La défense de la justice par le droit
L’arrêt Obrego du 1er décembre 1972 marque la première victoire du Syndicat de la magistrature dans un combat contentieux : victoire fondatrice puisqu’il s’agissait de la reconnaissance du fait syndical et du droit de critique dans la magistrature par le Conseil d’État.
Depuis, le SM n’a jamais hésité à utiliser « l’arme du droit » – pour reprendre le titre d’un ouvrage de la sociologue Liora Israël – quand ses revendications se heurtent à la surdité de l’administration.
Il l’utilise, devant les juridictions administratives, pour la défense des collègues contre les décisions injustes de l’administration ou de la hiérarchie, allant de l’exclusion injustifiée d’auditeurs de justice à l’issue de la scolarité aux décisions relatives à l’évaluation ou à l’avancement. Le syndicat intervient au soutien de collègues pour faire reconnaître leurs droits.
Il lutte tout particulièrement contre les formes de discrimination. Par le passé, il a obtenu contre la Chancellerie une décision de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) établissant trois cas de discrimination syndicale dans le recrutement des enseignants à l’ENM. Allant plus loin, les juridictions administratives ont reconnu et sanctionné ce type de discrimination, ainsi qu’une discrimination, visible à travers la fixation d’un taux de prime modulable, tenant au handicap d’un magistrat.
Au delà des recours individuels, il conteste par des recours administratifs et des QPC les textes qui portent atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire ou qui le privent de toute marge d’appréciation. Il a ainsi agi contre l’instauration des primes au mérite, mais aussi contre diverses formes d’empiétements sur les prérogatives judiciaires, par exemple par les états majors de sécurité ou les DSPIP dans la détermination des modalités de suivi des condamnés et par les policiers au travers de la transaction pénale. Il a agi devant le Conseil constitutionnel pour faire censurer le principe de l’expulsion locative de droit en cas de condamnation d’un occupant en matière de stupéfiants. Ces actions ont, pour la plupart, été entendues.
Le syndicat défend une vision large de son intérêt à agir devant les juridictions : s’étant donné pour mission de lutter pour les droits et libertés, il est déterminé à agir en ce sens, y compris en justice. Le syndicat exerce ces recours aux côtés des organisations qu’il côtoie au sein du mouvement social et de défense des libertés.
Il a ainsi engagé des recours contre le fichage ou le développement de mesures quasi répressives de police administrative qui, s’ils n’ont pas été couronnés de succès, ont permis de nourrir le débat public.
En matière de droit des étrangers, le SM s’est associé aux recours formés par ses partenaires habituels (le GISTI, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers, l’Association nationale d’assistance des étrangers aux frontières, la CIMADE, …) contre de nombreux textes.
Enfin, le SM s’est activement engagé auprès de l’Observatoire international des prisons et du SAF, par le biais de référés-libertés devant plusieurs tribunaux administratifs afin de faire reconnaître le danger imminent couru par les personnes emprisonnées du fait des conditions indignes de leur détention, à Marseille par exemple. Les juridictions ont reconnu les faits dénoncés ainsi que le danger existant et ont imposé à l’État de diligenter certains travaux. Le syndicat continue à mener, aux côtés de ses partenaires, des actions similaires pour contraindre le gouvernement à prendre des mesures effectives contre la surpopulation carcérale et l’état scandaleux de nombreux établissements pénitentiaires.
Condition de l’égalité des citoyens devant la loi proclamée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’impartialité implique l’absence, apparente et réelle, de parti pris et de préjugé personnels du magistrat. Garantissant le droit à un procès équitable, ce principe signifie que, quelles que soient ses opinions, le magistrat doit accueillir et prendre en compte librement tous les arguments débattus devant lui.
Cette exigence doit se traduire dans les règles procédurales et l’organisation juridictionnelle. Elle nécessite que les points de vue soient effectivement débattus : c’est le principe du contradictoire. La publicité des débats, la collégialité et la motivation des décisions favorisent elles aussi la prise en compte de l’ensemble des points de vue. Enfin, dans l’organisation des juridictions, les modalités de nomination et d’affectation des magistrats doivent reposer, selon le principe du juge naturel, sur des règles préétablies, objectives et transparentes. Et pourtant, ces principes régressent tant par le recours accru à des procédures pénales rapides que par l’utilisation fréquente de procédures civiles sans audience. Le syndicat milite pour que ces principes innervent l’ensemble des procédures.
Le principe d’impartialité suppose par ailleurs le respect individuel des règles de déontologie qui implique notamment que le magistrat se déporte dans certaines situations, par exemple en cas de connaissance personnelle d’une partie ou de conflit d’intérêts. En tout état de cause, il doit se garder de manifester une conviction jusqu’au prononcé de la décision.
Ces règles de déontologie ne se confondent évidemment pas avec la neutralité, l’absence d’opinions personnelles – dont l’exigence relèverait d’une illusion ou d’une hypocrisie – ni avec l’absence d’engagement (associatif, politique, syndical…). Au contraire, c’est parce qu’il appartient à la cité que le magistrat peut ancrer sa décision dans une véritable connaissance de son contexte et de ses implications. L’impartialité demeure ontologiquement la capacité de garder entière sa liberté d’analyse et de réflexion : les opinions et engagements ne la limitent en rien, à l’inverse ils la libèrent.
L’acte de juger est un acte politique. L’assumer, c’est – à rebours de certains contresens – ne pas se dérober devant les questions qui se posent pour tout magistrat. C’est d’abord se rappeler que le droit est un choix fait par les représentants du peuple qui expriment une vision de société à travers les règles posées. C’est ensuite mesurer ce qu’implique le fait de l’interpréter et de l’appliquer. Et toujours juger dans le respect des règles procédurales.
En conséquence, adhérer et militer dans un syndicat qui prend nécessairement des positions publiques sur des questions politiques n’est pas contraire au devoir d’impartialité.
8. Un travail d’approfondissement théorique
Parce qu’il ne saurait exister de syndicalisme judiciaire conséquent sans la constitution et l’actualisation d’une doctrine syndicale claire, cohérente et argumentée, le Syndicat de la magistrature n’a de cesse de se confronter aux questions théoriques posées par l’apport du droit et le rôle de l’institution judiciaire et ce, à l’aune des enjeux nouveaux posés par l’évolution de la société.
Ainsi, les groupes de travail du SM produisent des contributions comme celle, en 2010, sur la nécessaire réforme du ministère public, qui demeure d’actualité, et celle, plus récente, sur la comparution immédiate. Ils organisent des colloques, comme l’a fait en 2017 le groupe de travail accès au droit, sur le thème « Les chemins de l’accès au droit : exclusion et droit ».
D’autres événements sont directement organisés par le bureau du syndicat en lien avec des intervenants extérieurs (chercheurs, praticiens…). À l’occasion de ses congrès annuels, il organise des colloques sur des thèmes aussi divers que « De la loi au juge : une imaginaire neutralité », « Le droit et la justice à l’épreuve de la violence terroriste » ou « Liberté, sécurité, soins, la nouvelle diagonale du fou ». Les stages annuels de formation viennent compléter ces réflexions autour de questionnements sur « Une société sous surveillance », « Comment l’économie travaille la norme » ou « Les institutions : en finir avec le déséquilibre des pouvoirs » …
Dans la perspective des élections présidentielles et législatives de 2012, puis de 2017, le Syndicat de la magistrature a travaillé à l’élaboration d’un projet cohérent pour la justice et les libertés articulant constats, analyses et propositions de réforme « Pour une révolution judiciaire ».
Rappel doctrinal de la pensée du Syndicat de la magistrature, cette plateforme aborde de nombreux sujets : la réforme du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature, les nominations, le ministère public, la formation et l’évaluation des magistrats, le fonctionnement des juridictions, le statut pénal des ministres et du chef de l’État, la justice pénale, la justice des mineurs, les contrôles d’identité, les droits des étrangers, le droit du travail…
9. L’inscription du combat syndical dans un cadre collectif
Le Syndicat de la magistrature a la conviction que la sauvegarde du service public de la justice est l’affaire de tous, que la réflexion à plusieurs est plus riche et que les revendications collectives ont plus de poids. Pour lui le syndicalisme judiciaire se doit d’être ancré dans la cité.
Aussi, il entretient depuis longtemps des relations privilégiées avec les organisations de fonctionnaires du ministère. Au comité technique ministériel (CTM), le SM agit en lien avec les représentants des fonctionnaires des services judiciaires, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration pénitentiaire pour peser face à l’administration. De même, il participe activement à d’autres instances à caractère social comme le Conseil national de l’action sociale (CNAS) et la fondation d’Aguesseau. Premier syndicat de magistrats à avoir investi les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail départementaux (CHSCT-D), il y siège ainsi qu’au CHSCT ministériel.
Pour le SM, la solidarité avec les fonctionnaires n’est pas qu’un mot, c’est une préoccupation constante autant qu’un facteur d’efficacité syndicale. Il le démontre en soutenant les mobilisations pour la défense du service public et contre les politiques d’austérité et dans des actions intersyndicales, par exemple aux côtés de la CGT, l’UNSA-Justice, FO, la CFDT et la FSU en manifestant son désaccord profond avec une réforme du Secrétariat général du ministère de la Justice menée à marche forcée, sans égards pour le dialogue social.
Le syndicat travaille en lien avec les organisations professionnelles de magistrats administratifs, sur les questions relatives au droit des étrangers ou à nos statuts respectifs, avec les syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse sur la justice des mineurs ou avec les syndicats des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation sur le sens de la peine.
Il valorise l’action unitaire, par exemple au sein des instances, et propose régulièrement aux autres syndicats de magistrats des actions communes.
L’histoire ancienne et récente du SM se caractérise par une volonté constante d’établir des relations fructueuses avec des partenaires extérieurs. Désireux non seulement de porter les revendications des magistrats et les valeurs de justice au cœur du mouvement social et citoyen, mais aussi d’intégrer à ses réflexions et prises de position les problématiques d’autres professions et organisations, il participe à de nombreuses initiatives collectives.
En fonction de l’actualité et de thématiques de fond, il agit dans des coordinations réunissant syndicats et associations, menant de front actions communes dans la rue et production de documents analytiques approfondis.
Ainsi, le SM s’est fortement mobilisé avec les collectifs engagés contre l’état d’urgence et ses débordements dans la procédure pénale. Les actions menées dans ce cadre ont conduit à l’abandon du projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité pour les auteurs d’actes terroristes.
Le SM est également membre du collectif « Pour en finir avec les contrôles au faciès », militant pour une réforme globale de la procédure des contrôles d’identité.
Sur certains sujets, il travaille avec des syndicats de policiers, la CGT police sur la loi relative au renseignement ou le SNUITAM-FSU Intérieur-Police, pour dénoncer les manifestations policières organisées contre des décisions judiciaires au mépris de la sérénité et de l’indépendance de la justice.
En matière de droit des étrangers, il agit en lien avec des organisations comme le Groupement d’information et de soutien des immigrés (GISTI), la CIMADE, Amnesty International ou l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) qui veille au respect des droits des personnes retenues dans les zones d’attente. Il est également membre fondateur de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) qui dénonce sans relâche la banalisation de l’enfermement administratif. Les mobilisations de ce collectif ne sont sans doute pas étrangères à la dépénalisation du séjour irrégulier et aux dispositions – encore insuffisantes ! – prises concernant la rétention des familles. La première saisine du Défenseur des droits dénonçant le harcèlement et les violences policières commises par les forces de l’ordre contre les migrants dans la région de Calais avait d’ailleurs été portée avec de nombreuses autres organisations et associations et donné lieu à des recommandations importantes de cette autorité.
Le SM est par ailleurs membre fondateur de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) aux côtés de la Quadrature du Net, Amnesty International France, le CECIL, Creis-Terminal, le SAF et la LDH. L’OLN a pour objet de sensibiliser et mobiliser pour la protection des données personnelles et la défense des libertés numériques face à la généralisation du fichage, des techniques de surveillance étatique et privée, dans un cadre plus large de défense des droits et libertés. Il mène aussi un combat contre la délinquance économique et financière, notamment dans sa dimension internationale, avec d’autres syndicats et organisations issues de la société civile comme Transparency International, Survie, Sherpa, Anticor, et au sein de la plateforme des paradis fiscaux.
Par les relations qu’il entretient avec d’autres syndicats et associations, le SM contribue donc à faire entendre la voix des magistrats et les revendications d’une justice progressiste et soucieuse des libertés dans le corps social.
Le Syndicat de la magistrature porte une attention particulière à l’EN M qui, bien qu’ayant renoué avec sa tradition d’ouverture, garde des traces durables de la reprise en main politique et technocratique dont elle avait fait l’objet.
Représenté et actif au sein du conseil d’administration de l’établissement, le SM y agit, comme dans toutes les instances dédiées aux questions de recrutement et de formation, initiale et continue, pour promouvoir une formation pluridisciplinaire, ouverte sur la société, favorisant la réflexion individuelle et collective des futurs magistrats et la culture de l’indépendance.
À ce titre, il formule des propositions concrètes pour améliorer l’évaluation de l’aptitude aux fonctions judiciaires, de manière qualitative et non infantilisante, et a lutté pour l’abandon des tests psychologiques.
Il présente le syndicalisme judiciaire et son action à chaque nouvelle promotion d’auditeurs de justice et leur apporte tout au long de la scolarité informations et soutien.
Il agit en appui des actions qui son t menées par les auditeurs : en mars 2008, c’est logiquement qu’il avait déposé un préavis de grève pour appuyer l’action des auditeurs contre le projet de réforme de l’ENM. Depuis 2010, il a relayé les motions adoptées par les promotions protestant contre des décisions d’exclusion ou de redoublement prises en contradiction des recommandation d’aptitude des maîtres de stage et de l’école.
Le SM est très mobilisé lors de cette phase particulièrement sensible qu’est la fin de la scolarité. Il interpelle chaque année directement le ministre de la Justice pour qu’un volant de postes soit proposé aux auditeurs afin que la répartition puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles, à défaut de suppression officielle du classement. Il assiste les auditeurs déclarés inaptes et reste présent à l’école pendant toute la période du choix des postes. Il y anime t ous les ans des conférences syndicales qui complètent la préparation aux premières fonctions sur des thèmes tels que la démocratie en juridiction, les droits des magistrats placés et des substituts.
Chaque promotion peut compter sur une section syndicale dynamique, disposant de moyens (local, accès à la reprographie) pour faire vivre le dialogue social dès l’école. Tous les ans, des actions sont organisées par cette section autonome, soutenue si besoin par le bureau ou la section bordelaise, sur l’organisation et le contenu de la formation et sur des questions de libertés et des problématiques sociales.
Un groupe de travail interne dédié à ces questions – la Commission petits pois – enrichit ces actions et mène une réflexion sur la formation et les premiers pas dans la magistrature.
10. Une activité internationale féconde
La majeure partie des enjeux auxquels est actuellement confrontée la justice se retrouvent à l’identique ou presque dans les autres pays. Limitée au champ national, l’action syndicale se priverait d’une dimension essentielle.
Le Syndicat de la magistrature est membre fondateur de MEDEL, l’association des Magistrats européens pour la démocratie et les libertés, créée en 1985. MEDEL regroupe actuellement 21 associations nationales de magistrats comptant plus de 15 000 membres et bénéficie d’un statut participatif auprès du Conseil de l’Europe. Via MEDEL, le SM peut prendre position sur de nombreux sujets et porter à l’étranger la voix des magistrats français.
Ainsi, MEDEL a adopté en 2012 un manifeste sur « La justice face à la crise » qui appelle à défendre l’indépendance de la justice et les droits sociaux, ainsi qu’à lutter contre la corruption. En 2016, la déclaration de Paris a appelé l’Union européenne et ses États membres à mettre fin aux graves violations des droits des migrants et à œuvrer pour qu’ils disposent des moyens de saisir les juridictions chargées de faire respecter les droits fondamentaux et de sanctionner leurs violations.
Mais, au sein de MEDEL, le SM mène aussi activement des combats au soutien de collègues étrangers en difficulté : après avoir défendu le juge espagnol Baltasar Garzon ou les magistrats serbes, MEDEL se bat contre les révocations massives, arrestations et incarcérations arbitraires de magistrats turcs. L’association est intervenue auprès des commission et parlement du Conseil de l’Europe et de l’UE pour dénoncer les atteintes graves aux libertés fondamentales et la destruction de l’État de droit en Turquie.
Le SM s’implique également dans la construction et le renforcement de la justice internationale. C’est donc naturellement qu’il est membre du bureau de la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI), qui regroupe 43 organisations, dont Amnesty International, Avocats sans frontières, le Barreau de Paris, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, la Cimade et la FIDH.
La CFCPI milite activement pour un réel engagement de la France dans la promotion d’une justice pénale internationale effective. C’est pourquoi elle s’est opposée aux dispositions de la loi du 9 août 2010 portant adaptation du Statut de Rome en droit interne qui font obstacle à l’accès au juge national et à son action par les quatre verrous procéduraux, à savoir le monopole des poursuites laissé au parquet, l’exigence d’une résidence habituelle en France de la personne soupçonnée, d’une double incrimination et d’une déclinaison initiale de compétence par la CPI, au mépris du principe de subsidiarité.
La coalition s’est ainsi félicitée de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 26 février 2013 prévoyant de faire sauter trois des quatre verrous, maintenant cependant le monopole du parquet. Malheureusement le collectif est contraint de poursuivre son action suite au refus récent du gouvernement d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour. La coalition a récemment rappelé aux responsables politiques que cette loi empêche aujourd’hui la poursuite des crimes perpétrés en Syrie.
Au-delà d’une participation active à ces deux importantes coordinations, le SM entretient des liens avec d’autres organisations de magistrats étrangers et leur apporte son soutien : c’est ainsi qu’il a vigoureusement dénoncé les atteintes portées à l’indépendance des magistrats égyptiens et tunisiens.
Le Syndicat de la magistrature