De Manille - Derrière les hauts immeubles et les boulevards très fréquentés de Quezon City, au nord-est de la capitale [philippine], Manille, on trouve un vaste terrain de 38 hectares où poussent des fruits et des légumes. Ce jardin a permis à des citadins devenus agriculteurs de survivre à la pandémie de Covid-19 dans cette ville – la plus peuplée du pays –, qui compte 2,9 millions d’habitants.
Miles Lilio, 46 ans, vit à Bagong Silangan, un quartier périphérique aux rues en terre. Lorsque le virus a frappé, en 2020, elle était femme au foyer et cultivait quelques légumes dans son petit jardin. Mais, avec le confinement, son mari, ouvrier du bâtiment, a perdu son emploi. Et cette mère de quatre enfants a compris que les légumes du jardin ne suffiraient plus.
En janvier 2021, elle s’est inscrite au programme GrowQC sur la sécurité alimentaire, lancé par la ville. La maire de Quezon City, Joy Belmonte, s’est associée au ministère de la Réforme agraire pour transformer un terrain vague situé près de la maison de Mme Lilio en une ferme, baptisée New Greenland [littéralement “nouveau pays vert”].
Plus de 4 000 agriculteurs urbains
Un an plus tard, Mme Lilio fait partie des plus de 4 000 agriculteurs urbains exploitant 10 fermes et 337 jardins répartis dans toute la ville. La vente de ses légumes lui rapporte environ 1 000 pesos par mois [17 euros]. C’est chiche, admet-elle ; néanmoins, la possibilité de faire pousser de quoi nourrir sa famille change la donne.
Les participants au programme ont bénéficié d’une formation gratuite au maraîchage. En outre, la ville les a mis en relation avec des marchés pour qu’ils vendent leurs produits. Les agriculteurs gardent une partie de leur récolte pour eux. Mme Lilio explique l’impact de ce programme :
“Ça nous aide beaucoup, parce qu’au lieu de devoir acheter notre nourriture, nous l’obtenons de nos plantations.”
Le programme GrowQC a été conçu pour permettre à Quezon City d’atteindre 3 des 17 objectifs de développement durable définis par les Nations unies : éradiquer la faim, créer des emplois décents pour tous et permettre à tous de vivre en bonne santé physique et mentale.
Il a été imaginé par Mme Belmonte lorsqu’elle était maire adjointe, en 2010. Dans un premier temps, des kits de semences ont été remis aux habitants. Lorsqu’elle est devenue maire en 2019, puis que la crise du Covid-19 est arrivée, le projet est passé à une vitesse supérieure.
Des distributions de nourriture
La création des jardins urbains a été la réponse de la ville à l’interruption des chaînes d’approvisionnement causée par le confinement. Des terrains vagues ont été convertis en fermes. Dans les quartiers où les terrains étaient rares, les habitants ont appris à convertir les bouteilles en plastique en pots et à empiler les vieux pneus pour y cultiver des plantes. Les déchets issus des marchés ont été transformés en compost.
“Les gens ont commencé à voir l’intérêt d’un jardin ou d’une ferme”, explique Mme Belmonte. Désormais, ce que les cultivateurs ne vendent pas au marché ou ne ramènent pas chez eux est acheté par la ville, et la récolte est utilisée dans d’autres programmes d’aide sociale, comme la distribution d’aliments.
Du moringa, des feuilles de corète potagère, des pousses de patate douce et des épinards récoltés par Mme Lilio à la fin du mois d’août ont ainsi été distribués à des mères allaitantes du quartier de Sauyo. Ces femmes s’étaient portées volontaires pour donner du lait aux banques de lait de Quezon City.
Une pratique primée
En plus d’assurer la sécurité alimentaire, déclare Mme Belmonte, GrowQC permet à la ville de mieux protéger ses habitants contre les risques climatiques tels que les fortes chaleurs, les cyclones, les inondations et la sécheresse. Les produits cultivés dans les provinces voisines de Manille et servant généralement à son approvisionnement peuvent être endommagés par des pluies torrentielles ou des typhons. Grâce aux fermes urbaines, la ville assure son autosuffisance alimentaire. Elle réduit par la même occasion les coûts de transport et les émissions de carbone.
De fait, le programme de résilience climatique GrowQC n’est pas passé inaperçu. En octobre 2021, il a remporté le prestigieux prix Galing Pook, qui récompense les pratiques innovantes des autorités locales aux Philippines.
Atteindre la sécurité alimentaire
En 2022, le ministère philippin de la Santé lui a décerné le prix Healthy Pilipinas (“Philippines saines”) pour son rôle pionnier dans la promotion de la nutrition et de l’activité physique, l’une des priorités du ministère. Quezon City est également en 2022 la seule ville philippine parmi les finalistes du prix C40 Cities Bloomberg Philanthropies, qui salue les agglomérations les plus audacieuses en matière de lutte contre le dérèglement climatique [le prix a été remis le 19 octobre à Buenos Aires, mais Quezon City n’a pas été récompensé].
Quoi qu’il en soit, pour Mme Belmonte, il s’agit d’une véritable reconnaissance. Un signe que sa ville est “sur la bonne voie” pour atteindre la sécurité alimentaire et être résiliente face aux changements climatiques. Elle espère que d’autres cités suivront son exemple.
“Ce que nous avons appris avec GrowQC, c’est que les humains, les aliments et l’environnement sont intimement liés. Quelle que soit l’ampleur de la tâche, si nous apprenons à collaborer et à travailler ensemble vers des objectifs communs, alors tout est possible.”
Mara Cepeda
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