Le jargon étudiant peut être trompeur, avertit cet éditorial du Philippine Daily Inquirer. . Dans le lexique des universités du pays, “barbare” est ainsi un “terme dérisoire utilisé pour décrire les personnes non membres des confréries, qui exigent comme droit d’entrée un prix souvent élevé”.
Car le bizutage rituel pour entrer dans une des nombreuses fraternités estudiantines que compte le pays passe souvent par des coups de “pagaie en bois sur les fesses”, détaille le média anglophone, avant d’ajouter que parfois “un initié paie du prix ultime de sa vie l’honneur douteux d’être appelé ‘frère’”.
Le quotidien énumère ensuite les fraternités les plus meurtrières de ces dernières décennies : Tau Gamma Phi a fait au moins quinze morts, Alpha Phi Omega en décompte au moins six, le bizutage de l’Académie militaire des Philippines est lui responsable d’au moins six décès.
Des dizaines de morts
“Au total, près de soixante jeunes hommes ont péri sous les coups de leurs futurs frères pour ne pas être traités de barbares. Le nombre réel est certainement plus élevé, étant donné le secret auquel sont astreints de nombreux membres de ces groupes”, se désole l’éditorial, quelques jours après la découverte du corps difficilement identifiable de l’étudiant John Matthew Salilig, battu à mort avec une pagaie et dernière victime en date du bizutage des fraternités.
Ces dernières décennies pourtant, les Philippines se sont dotées d’un arsenal législatif censé empêcher de nouveaux drames de ce type. Une première loi de 1995 punit les blessures physiques – fatales ou non – liées au bizutage de peines pouvant aller jusqu’à la prison à vie. Une autre loi interdit tout simplement le bizutage
Interdire les fraternités ?
Mais le fossé entre ces lois et leur mise en pratique est abyssal, regrette le Philippine Daily Inquirer, qui note que les fraternités sont, de surcroît, influentes “parmi les forces de l’ordre, les avocats, les procureurs et les juges”.
Si certains groupes d’étudiants philippins et la procureure générale Persida Acosta ont ces derniers jours demandé l’interdiction pure et simple des fraternités, le Philippine Daily Inquirer estime, lui, qu’il n’y a pas de “solution facile” face à ces “fraternités, profondément ancrées dans la société”. Le quotidien demeure cependant certain d’une chose : “John Matthew Salilig […] a vu ses futurs frères lui asséner soixante-dix coups sur les membres inférieurs, le faire vomir, déféquer et perdre connaissance. Au lieu de l’emmener à l’hôpital, ses futurs frères l’ont enterré dans une fosse peu profonde. (… ) Les vrais barbares ne sont pas les non-initiés, mais les membres de ces fraternités.”
Courrier international
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