La création du premier fonds souverain des Philippines, appelé Maharlika, a été approuvée par le Sénat mercredi 31 mai. Une mesure qualifiée d’urgente par le président Ferdinand Marcos Jr., qui, selon le Philippine Daily Inquirer, souhaite s’en prévaloir lors de son discours à la nation en juillet prochain, date anniversaire de sa prise de fonction.
Ce fonds, inspiré d’un modèle indonésien, est destiné à attirer les investisseurs étrangers pour aider au financement de projets d’infrastructures. Mais, précise Nikkei Asia, “le fonds a suscité des oppositions, en partie à cause des inquiétudes concernant ses sources de financement et des craintes qu’il ne devienne une version de 1Malaysia Development Berhad (1MDB), le fonds souverain malaisien entaché de corruption et utilisé pour des transactions financières illicites”.
Surtout, le Philippine Daily Inquirer rappelle les antécédents sombres de la famille Marcos en termes de gestion de l’argent public et de probité. “Le pillage d’autrefois des coffres des Philippines explique les réticences vis-à-vis de ce fonds souverain”, écrit le quotidien philippin.
9,5 milliards d’euros de biens mal acquis
Les Philippins n’ont pas oublié que la famille Marcos est liée de manière inextricable aux “péchés de la génération précédente”, dont les actes et les choix, estime le journal, ont mené le pays ayant “l’économie la plus dynamique d’Asie au milieu du XXe siècle” à devenir “un panier percé au moment de la chute” du président Marcos père, en 1986.
Le père du président actuel, Ferdinand Marcos, avait été élu à la présidence en 1965. Il s’est octroyé les pleins pouvoirs entre 1972 et 1986, faisant régner la terreur au sein de l’opposition. Il a été renversé par un mouvement populaire en 1986 et, soutenu par les États-Unis, a fui à Hawaii. Après son départ, le gouvernement philippin a tenté de récupérer les biens mal acquis par le dictateur et sa famille, pour une valeur estimée à 9,5 milliards d’euros.
En vertu du texte approuvé par le Sénat, l’organisme gestionnaire du fonds aura un capital social autorisé de 500 milliards de pesos (8,5 milliards d’euros). Le financement initial comprendra un montant combiné de 75 milliards de pesos (1,2 milliard d’euros) provenant des bailleurs de fonds publics. Le gouvernement apportera 50 milliards de pesos (832 millions d’euros) supplémentaires, provenant des dividendes de la banque centrale, ainsi qu’une partie des recettes des jeux et du produit de la vente d’actifs de l’État.
Un test décisif
En revanche, pour rassurer une opinion publique réticente à la création du fonds, la loi a exclu des ressources du fonds les réserves en dollars de la banque centrale et les actifs des fonds de pension publics et privés. En outre, les dispositions légales stipulent la mise en place d’une gouvernance du fonds professionnelle et apolitique.
Néanmoins, le Philippine Daily Inquirer enfonce le clou en indiquant que “les garanties prévues par la loi ne peuvent pas tout faire pour protéger les richesses du pays contre les abus”.
“Il incombe aux dirigeants politiques de veiller à ce qu’un tel dispositif, qui gérera des milliards et des milliards de pesos, soit utilisé correctement et uniquement dans le but prévu, à savoir répondre aux aspirations des Philippins à une vie meilleure.”
Le quotidien appelle à la vigilance pour assurer que le fonds fonctionne au bénéfice de tous. “Pour le président, il s’agit d’un test décisif. Dans l’intérêt de la nation, nous ne voulons pas d’une répétition de l’histoire où des milliards et des milliards ont été dilapidés.”
Courrier international
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