Ceux qui se sont prononcés contre une nouvelle Constitution auront la faculté de l’écrire. Le Parti républicain, parti d’extrême droite nostalgique de Pinochet, a remporté le plus grand pourcentage de voix, 35,5 % des 12 millions de votantEs, et le plus grand nombre d’élus : 22 sur 51. Il sera accompagné d’éluEs de la droite traditionnelle, celle de l’ex-président Piñera contre lequel se réalisa le soulèvement du peuple chilien en octobre 2019. La coalition gouvernementale « Unidad para Chile » du Président Boric — élu en décembre 2021 avec 51 % des voix — en a obtenu 28,6 % et disposera de 17 éluEs. La coalition de centre droit « Todo por Chile » a obtenu 8,9 % des voix et n’a aucunE éluE. Parmi les peuples autochtones, seul un élu a pu surmonter les obstacles dressés pour leur élection.
Mise sous tutelle
Ce Conseil constitutionnel devra travailler sur un texte rédigé à l’avance par un autre organisme : une commission d’experts de 24 membres désignéEs à moitié par le Parlement et à moitié par le Sénat. La nouvelle Constitution ne devra pas s’écarter des 12 points établis par l’Accord pour le Chili signé le 12 décembre 2022 entre tous les partis représentés au Parlement, sauf le Parti républicain.
Il s’agit donc d’une caricature de démocratie comme le dit Franck Gaudichaud [1], une Constituante « mise sous tutelle avant même d’avoir commencé à siéger, protégée des turbulences sociales et réduite à l’état de minorité », comme l’analyse le philosophe Pierre Dardot [2].
Au-delà de la déception, dans un pays qui a connu en octobre 2019 un formidable soulèvement populaire contre la politique néolibérale du gouvernement de droite en place, puis en octobre 2020, un référendum et un vote à 80 % pour changer la Constitution héritée de Pinochet, puis l’élection d’une Convention constituante en 2021, qui a soumis au vote une Constitution démocratique et sociale en rupture avec le Chili néolibéral, finalement rejetée par plus de 60 % des votantEs, il est évident que l’une des préoccupations les plus importantes est celle de comprendre.
Rompre avec le système néolibéral
Le résultat électoral du 7 mai dernier confirme en tout cas que la Constitution qui en sortira ne rompra en aucun cas avec le système néolibéral qui imprègne les institutions et la vie quotidienne chilienne.
Certes, le gouvernement Boric a une marge de manœuvre limitée, d’autant qu’il renonce pas à pas à appliquer le programme sur lequel il a été élu. Comment réussir à affronter une hégémonie néolibérale mise en place pendant la dictature qui s’est prolongée depuis 1990 ? Le mouvement d’octobre 2019 a vu surgir une nouvelle génération en mesure d’affronter le système. Reste à reconstruire une gauche indépendante qui se nourrisse et soit partie prenante de tous les mouvements qui furent à l’origine du soulèvement d’octobre 2019.
Correspondant.e.s