« Sabotage » : le mot revient onze fois dans les quatre pages de la lettre de griefs écrite par le ministère de l’Intérieur pour argumenter en faveur de la dissolution des Soulèvements de la Terre.
C’est le principal motif mis en avant pour interdire aux membres de ce mouvement de se réunir ou de mener la moindre activité collective.
Pourtant, les Soulèvements de la Terre ne pratiquent pas la lutte armée. Ce qui est reproché aux Soulèvements, ce sont les affrontements avec les gendarmes lors des manifestations contre la mégabassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en octobre 2022 et lors de précédents rassemblements, ainsi que diverses destructions.
Assumant une partie de ces dommages matériels, les Soulèvements les nomment « désarmement ». Subtile nuance ? Pas pour les militant·es, qui considèrent que le complexe agro-industriel et l’industrie du béton sont des « armes de destruction massive du vivant ». Selon elles et eux, il faut donc les désactiver. Si on les suit, les actions de démontage sont en réalité des gestes de protection.
La question est alors : pourquoi de simples dégradations, sans risque pour les agriculteurs ni les riverains, peuvent-elles susciter une telle réaction de l’État ?
D’abord, l’agenda politique d’un ministre, Gérald Darmanin, et de son gouvernement, qui pense tirer un profit d’image en discréditant leurs opposant·es, qu’ils excluent du champ de la démocratie et de la discussion légitime. C’est une stratégie de la criminalisation des militant·es, et elle fleure bon la pulsion autoritaire.
Autre raison de ce traitement de défaveur, et c’est un fait politique inquiétant : comme avec la réforme des retraites, le gouvernement ne comprend décidément rien à ce qui se passe dans la société. Les Soulèvements de la Terre ne sont pas un outil d’infiltration de l’ultragauche dans le mouvement social pour transformer des paysan·nes en zadistes fous. C’est le symptôme d’un élan de révolte contre la destruction du vivant.
Les Soulèvements ne sont pas la cause mais la conséquence d’une colère qui atteint son paroxysme chez un public grandissant et hétéroclite d’habitant·es de la planète Terre face à la continuation de la destruction des écosystèmes par le capitalisme et l’imbécillité gouvernementale. Les dissoudre serait une erreur démocratique, une absurdité politique et un contresens historique.
Jade Lindgaard