Au moins 8,8 millions de personnes auraient été affectées par le tremblement de terre. L’ONU a appelé à réunir 397 millions de dollars permettant d’aider en urgence environ 5 millions de Syrien·ne·s sur une période de trois mois.
Plus de 30 États ont acheminé de l’aide humanitaire dans les zones contrôlées par le régime, pour un volume total estimé à plusieurs milliers de tonnes le 25 février. En comparaison, l’assistance humanitaire internationale au nord-ouest de la Syrie, dans les zones en dehors du contrôle du régime syrien, a été très restreinte et lente, alors qu’il s’agit des régions les plus touchées. Le premier convoi d’aide de l’ONU n’est entré que le 9 février, soit le quatrième jour après les tremblements de terre, par le passage de Bab al-Hawa. Le 25 février, le nombre total de camions des Nations Unies n’atteignait que 385, ce qui est bien inférieur au nombre moyen de camions entrant dans le nord-ouest avant le tremblement de terre, estimé à environ 600 par mois en 2022.
Contrôle de l’organisation et distribution de l’aide humanitaire
Suite au tremblement de terre, le régime syrien a tenté de réaffirmer la centralité de son pouvoir en essayant de contrôler, ou du moins d’influencer, l’organisation et la distribution de l’aide humanitaire dans tout le pays. Dans le nord-ouest de la Syrie, en dehors du contrôle du régime syrien, cette politique s’est traduite par l’approbation tardive par Damas, plus d’une semaine après le tremblement de terre, de la réouverture de deux postes-frontières contrôlés par le gouvernement intérimaire syrien soutenu par la Turquie (Bab al-Salameh et al-Rai), par lesquels les Nations Unies sont autorisées à acheminer l’aide transfrontalière pendant trois mois.
Les autorités de Damas ont également bloqué pendant plusieurs jours un convoi d’aide, composé de 100 camions transportant du carburant et une équipe médicale, de l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES) vers les quartiers de la ville d’Alep tenus par les Forces démocratiques syriennes (Cheikh Maqsoud et Achrafieh). Le régime syrien n’a accepté sa livraison qu’après avoir pris la moitié de la portion d’aide. Dans les zones contrôlées par le régime, les autorités de Damas ont cherché à contrôler la gestion de l’aide humanitaire par le biais des institutions gouvernementales et des réseaux du régime, empêchant toute initiative populaire et indépendante au niveau local.
Sortir de l’isolement politique
Le régime syrien a également tenté d’œuvrer contre son isolement politique au niveau régional et international. Les officiel·le·s syrien·ne·s et leurs allié·e·s ont lancé une nouvelle campagne appelant à la levée des sanctions occidentales, arguant qu’elles ont profondément entravé les interventions d’urgence et les opérations de secours humanitaire. Plus important encore, Damas instrumentalise cette nouvelle tragédie dans une tentative continue de faire avancer le processus de normalisation avec les acteurs régionaux et internationaux via des appels au renforcement des relations politiques et économiques.
Une fois de plus, les Émirats arabes unis sont l’acteur principal dans la poursuite de ces efforts, dans une tentative continue d’harmoniser les relations entre les États arabes et la Syrie. Cela fait également partie d’une politique plus large visant à renforcer une forme de stabilité autoritaire dans la région, qu’ils partagent avec d’autres pays influents tels que la Turquie, Israël et l’Arabie saoudite, bien que des différences existent sur les moyens d’atteindre un tel objectif. Le succès des normalisations du régime syrien reste cependant encore limité, seuls quelques États de la région ayant consolidé leurs relations avec Damas et se limitant généralement à une collaboration dans le domaine humanitaire.
Alors qu’aujourd’hui, la priorité est de maximiser la réponse humanitaire d’urgence pour les populations touchées en Syrie, en particulier dans les zones hors du contrôle du régime syrien. Celles-ci manquent de soutien international d’envergure, d’infrastructures et des équipements nécessaires. Des solutions pratiques doivent être trouvées pour encadrer et organiser un potentiel processus de reconstruction basé sur les intérêts des populations locales, et non sur le renforcement du régime syrien et la réalisation de ses objectifs. De même, il est toujours indispensable de reconstruire des réseaux démocratiques et progressistes cherchant à réunir et à bénéficier aux classes populaires syriennes dans le pays ainsi qu’aux millions de réfugié·e·s.
Joseph Daher