Outre les raisons assumées idéologiquement, l’une des raisons principales, qu’il faudra développer, est la perte, ou le manque de référent dans la plupart des zones concernées. Ainsi, à part quelques tendances trotskystes et anarchistes de quelques pays, les partis se revendiquant de l’internationalisme ouvrier ont totalement délaissé depuis 30 ans toutes les zones auparavant sous contrôle des pays dits communistes. Dans le même temps, la globalisation capitaliste et la multiplication des structures inter-étatiques, transnationales, politiques et économiques ont permis le développement de liens au niveau planétaire dans tous les secteurs, largement amplifiés et alimentés par les réseaux de communications modernes. Le mouvement ouvrier international aurait pu donc, de par sa nature, s’en emparer ou en profiter largement, ce que n’ont pas manqué de faire toutes les autres forces politiques, y compris d’extrême-droite. Or, pour beaucoup à gauche, cela n’a pas été fait. On ne peut même plus parler de recul : pour des pans entiers du mouvement se réclamant de l’internationalisme, on peut carrément parler d’abandon.
Le mouvement ouvrier international est en train de le payer. Cher. Pas seulement en termes de luttes de classe, mais, plus largement, sur le vaste projet de l’émancipation humaine.
On peut globalement analyser au niveau planétaire trois grandes tendances de l’anti-impérialisme : la tendance dite « campiste », la tendance dite « crypto-campiste », et la tendance dite « grassroot » ou « internationaliste à la base ». Même si les divers courants socialistes révolutionnaires, communistes ou anarchistes peuvent privilégier telle ou telle tendance, on trouvera nombre de leurs partisans partagés entre chaque vision.
Le campisme : l’important, c’est l’ennemi !
La tendance « campiste » estime fondamentale par dessus tout la lutte contre l’hégémonisme étatsunien. La principale raison invoquée étant le pouvoir planétaire de ce pays, centre du capitalisme mondialisé, et ses capacités de nuisance politiques, économiques et sociales, sans compter le soft power culturel largement utilisé pour étendre son influence. Dans cet aspect, tout, absolument tout ce qui peut nuire à l’hyper puissance est considéré bénéfique dans une perspective anti-impérialiste, quitte à effacer l’image négative que peuvent porter certains de ses ennemis.
Nous sommes ici dans une vison géopolitique tout à fait classique et largement utilisée par les États, celle du rôle de l’ennemi dans la définition du politique (Carl Schmitt).
Outre les USA, l’ennemi peut être plus large : les puissances occidentales, considérées comme vassales de « l’Empire », ou, dans un registre tiers-mondiste, colonialistes ou néo-colonialistes. L’OTAN, organisation militaire occidentale, concentre dans son nom même le symbole militaire de l’impérialisme à combattre. L’OTAN, théoriquement, a uniquement un rôle de défense de ses partenaires en cas de conflit ; mais l’extension de ses missions, comme sur les conflits nationalistes dans l’ex-Yougoslavie, l’essor du terrorisme international ou la lutte contre la prolifération des « armes de destruction massive », et les interventions militaires, du Kosovo à l’Afghanistan en passant par la Libye et l’Océan Indien… donnent un crédit certain à l’idée que l’Alliance est l’arme de l’impérialisme occidental, non plus seulement au niveau régional européen, mais maintenant planétaire, donc l’Ennemi Essentiel.
Dans nombre de pays du Sud, cette rhétorique trouve une légitimité régionale : dans les pays latino-américain, le poids de l’histoire et de l’actualité de l’interventionnisme US fait qu’il existe une tendance naturelle à porter sa sympathie vers l’ennemi de l’ennemi. De même en Afrique où le passé colonial des États occidentaux va pousser de larges secteurs à applaudir la venue du groupe « mercenaire » russe Wagner en Centrafrique, au Mali, au Mozambique, au Soudan, en Libye…, sans comprendre immédiatement que ces interventions ne sont que l’expression d’un autre impérialisme tout aussi malfaisant. Au niveau gouvernemental, certains pays le savent fort bien, et jouent habilement de l’alibi de la nécessité d’un monde multipolaire, plus « démocratique » et plus « équilibré ». Cet argument est largement repris par les campistes, alors qu’on ne voit pas bien le lien « démocratique » pour les masses de la plupart des pays pressant à la multipolarité, de la Chine à l’Iran…
Dans ce cadre, les États qui partagent la haine de « l’hégémonie » sont par principe pour les campistes, des alliés anti-impérialistes, quelque puisse être la nature de ces régimes, surtout s’ils ont un passé « socialiste » et/ou anticolonial auquel on peut se référer : Saddam Hussein en son temps, Kadhafi, voire Hafez El-Assad sont dans ce registre ; Milosevic, nationaliste grand-serbe, est ainsi redevenu à l’époque de l’explosion balkanique « l’héritier de la Yougoslavie communiste ». La Chine de Xi Jin Ping, 2e puissance capitaliste mondiale, arbore toujours haut le drapeau rouge et l’étiquette communiste, et donc reconnu comme tel dès qu’elle manie la rhétorique anti-occidentale.
La puissance oligarchique de Poutine se sert largement de la symbolique communiste soviétique, avec fortes références au stalinisme, au drapeau rouge dans l’armée et aux références à « la grande guerre patriotique ». De plus, très vite, Poutine a organisé une « chasse aux oligarques » fort appréciée par une partie de la gauche occidentale qui n’a pas su ou voulu voir que cette chasse était limitée… à ses ennemis politiques, et non au retour d’une quelconque visée anticapitaliste. Les drapeaux soviétiques accrochés aux chars russes, comme il y a huit ans les symboles soviétiques magnifiés dans le Donbass « séparatiste », permettent aux campistes de ne pas se poser trop de questions en restant dans un registre symbolique connu auquel ils peuvent se raccrocher… et permet d’oublier que les références à l’empire tsariste et à la religion sont tout autant invoquées, mais pour une visée de propagande nationaliste interne. Sur l’extérieur, Poutine utilise comme alibi la rhétorique anti-OTAN, comme en Centrafrique et au Mali un discours anticolonial. Son intervention en Syrie, outre son alibi anti-djihadiste qui a pourtant été immédiatement contredit par ses bombardements sur les zones rebelles démocratiques, a été « justifié » par la vieille fraternité pro-arabe, vieille fraternité étatique s’entend.
Poutine disant que la guerre est nécessaire pour un coup d’arrêt au développement de l’OTAN, le soutien à Poutine est donc essentiel pour les campistes. Comme il s’agit en outre d’une guerre de « dénazification », le lien est fait avec l’héritage et le combat victorieux contre l’envahisseur nazi lors de la seconde guerre mondiale. Les campistes réclament donc en toute logique des États occidentaux qu’ils entament des négociations de paix avec le Kremlin. Dans les faits, cela revient évidemment à livrer l’Ukraine à la Russie. Combat anti-impérialiste, combat anti-nazi, combat pour la paix, la ligne est droite, tous les registres sont au rendez-vous. Pour la Paix, concept vieux comme Zimmerwald mais un peu théorique et simpliste (paix = absence de guerre), ça semble très bien aussi puisque, selon le dogme, c’est l’impérialisme US qui est, depuis Jdanov, le fauteur de guerre. Le discours intérieur de Poutine, pourtant ouvertement impérial, colonialiste, voire fasciste, et ses conséquences sur la population ukrainienne comme sur la russe critique et dissidente n’est d’aucun intérêt dans la lutte anti-impérialiste. Poutine doit donc être soutenu dans le combat existentiel. Et tant pis pour les classes ouvrières et les populations ukrainiennes et russes, grandes oubliées du campisme.
Résumons :
– La lutte contre l’hégémonie étatsunienne et occidentale est la lutte prioritaire de l’internationalisme. Tout doit lui être soumis. Nous sommes sur le concept géopolitique classique de créer sa politique par rapport à l’Ennemi.
– La forte référence à la seconde guerre mondiale permet de mettre dans le même sac combat anti-nazi et anti-impérialiste. Il s’agit d’une guerre existentielle.
– Les États qui luttent contre l’hégémonie sont forcément des alliés, a fortiori s’ils ont une tradition et une histoire « socialiste » et/ou « anticolonialiste ». Si leur discours et leur politique va dans un sens anti-impérialiste, il faut les soutenir, au nom de la solidarité anti-impérialiste.
– Le discours campiste est un discours d’État. Les références aux peuples ne concernent donc que les peuples soumis à l’impérialisme occidental qu’il faut libérer, jamais les peuples des États « anti-impérialistes » ou leurs victimes. Dans ce cadre, le discours de classe disparaît totalement !
Les crypto-campistes : à la recherche de l’OTAN perdu
Cette deuxième tendance de l’internationalisme de gauche reconnaît, souvent d’assez mauvais gré, la multiplicité des impérialismes : d’autres puissances sont en concurrence avec le bloc occidental, sur divers points du globe. C’est un fait. Ils peuvent s’affronter : c’est la guerre. Mais stratégiquement, les crypto-campistes se retrouvent avec les campistes sur la nécessité de tout faire pour vaincre l’impérialisme occidental et l’OTAN d’abord, en tant que danger mondial pour la « paix » et représentant ultime de la domination capitaliste.
Dans ce cadre, la colonne vertébrale de la pensée crypto-campiste reste le discours géopolitique par rapport à l’Ennemi impérialiste (occidental). Même si un autre impérialisme lance une attaque, ce ne peut-être au départ que la faute à l’impérialisme occidental. Si l’Ukraine est attaquée, c’est parce l’OTAN est aux portes de la Russie, et menace d’aller plus loin en y faisant entrer l’Ukraine et l’État russe ne fait que se défendre. Peu importe que la dernière avancée de l’OTAN se soit faite en 2004 sous l’ère Bush, et que depuis, la majorité de l’OTAN (y compris des personnages peu suspects d’être des colombes comme Kissinger et Sarkozy) soit vent debout contre toute intégration à court ou moyen terme de l’Ukraine et de la Géorgie. Le Kremlin, d’ailleurs, avait déjà freiné les rêves des faucons occidentaux en 2008 par l’intervention armée « de soutien à la révolte séparatiste » ossète neutralisant de fait la Géorgie, puis en créant les « zones grises » au Donbass et en Crimée en 2014, sans que l’Occident ne bouge autre chose que le petit doigt pour gronder très sévèrement… un peu économiquement et surtout verbalement la Russie.
Les crypto-campistes admettant le principe du multi-impérialisme, on aurait pu penser que les études sur les ennemis fassent partie du projet anti-impérialiste. Il n’en est rien : aucune analyse sur l’état désastreux de l’OTAN avant février 2022, après sa retraite piteuse d’Afghanistan et le retrait des troupes US et leurs alliés d’Irak, sur sa « mort clinique » suite au mandat de Trump, sur ses contradictions internes pourtant largement visibles depuis le début de l’offensive russe, entre les USA et l’Europe, entre européens de l’Est et de l’Ouest, avec en outre une Hongrie peu disposée à la solidarité européenne, sans compter le jeu trouble de la Turquie… Pas une seule analyse non plus de l’impérialisme russe qui s’étend hors de sa zone d’influence traditionnelle vers la Syrie par l’obtention d’une base aérienne à Hmeymim depuis 2015 – en plus de la base navale de Tartous sur la Méditerranée depuis 1971- pour paiement de son aide « fraternelle », et en Afrique par le biais du groupe Wagner et une série de coups d’état militaires troubles, avec les compagnies notamment minières qui avancent plus ou moins discrètement derrière…
Reconnaître trop de torts à la Russie, c’est faire le jeu de l’OTAN. Les crypto-campistes vont donc s’acharner à trouver toutes les fautes possibles du côté de l’Ukraine et de l’Occident, et reprendre une bonne partie des arguments du campisme : la « présence en masse de nazis », la défense des russophones contre le « génocide », l’interdiction de partis « de gauche », en fait staliniens pro-Kremlin ou propriétés d’oligarques de la même vision aux visées fort peu sociales, etc.
Quelques différences notables cependant : les crypto-campistes n’abandonnent pas la lutte de classe et se font l’écho des dangereux projets de lois antisociales… du gouvernement Zelinski ! Ils effleureront parfois et, seulement si on les y force, la situation sociale en Russie… en la déplorant.
La guerre en cours en Ukraine, contre le danger impérialiste pour les campistes, est analysée comme inter-impérialiste pour les crypto-campistes, qui y calquent de manière rigoureuse un schéma revenant à la situation de la première guerre mondiale : deux armées classiques, l’agresseur russe et l’impérialiste de l’OTAN « par ukrainiens interposés ». L’analyse de la défense ukrainienne comme lutte de libération nationale sera donc farouchement niée, les populations considérées comme de simples victimes mais surtout pas des acteurs, et les acteurs un peu gênants dans cette vision, comme les groupes de gauches, syndicats et ONG seront vitupérés pour avoir cédé aux « sirènes de l’Union sacrée », mais pas comme réagissant aux bombardements et aux massacres de leurs quartiers et de leurs villes, et en défense de leurs valeurs sociales, sociétales et politiques !
Leur vision de Zimmerwald, conférence des socialistes pacifistes de 1915, est plus gauchiste et léniniste que celle des campistes : Là où les campistes plaident pour la paix à tout prix et des négociations au plus vite avec Poutine, avec les conséquences prévisibles, les crypto-campistes y ajouteront un plaidoyer pour… la révolution ouvrière en Ukraine et en Russie comme aide au retour de la paix entre les peuples ! Une vision des masses fantasmée sans aucun rapport avec la réalité, mais magnifiée par l’espérance révolutionnaire… et les dogmes : la phrase de Karl Liebknecht « L’ennemi principal de chaque peuple est dans son propre pays ! », largement utilisée par la mouvance campiste comme crypto-campiste, est sortie de son contexte et se trouve transformée avec le temps en « chaque peuple doit combattre son propre impérialisme ». La solidarité internationaliste est devenue : « chacun pour soi ! » Les crypto-campistes le déplorent, comme ils déplorent leur impuissance à agir. Mais est-ce cette seule compassion et ce sentiment d’impuissance qui peuvent remplacer la solidarité ?
Résumons :
– La lutte contre l’hégémonie étatsunienne et occidentale reste la lutte prioritaire de l’internationalisme, même s’il existe d’autres impérialismes qui ne sont pas des amis… Mais chacun pour soi contre son propre impérialisme !
– Nous sommes aussi sur le concept géopolitique classique de créer sa politique par rapport à l’Ennemi… principal. Les autres attendront. Il faut des priorités.
– Les États qui luttent contre l’hégémonie ne sont pas forcément des alliés, mais si leur discours et leur politique vont dans un sens anti-impérialiste, il faut quand même en tenir compte, ils ont probablement raison.
– La forte référence à la première guerre mondiale permet de « dépolitiser » les peuples. C’est la faute aux gouvernants et les sociétés ne sont que des victimes, pas des acteurs, dans le sang ou le piège supposé de « l’Union Sacrée »
– Le discours crypto-campiste est un discours qui a du mal à sortir de la propagande de l’agresseur. Les peuples ne peuvent, dans cette compréhension, n’en sortir que s’ils se révoltent contre la guerre et pour le socialisme, dans la droite ligne enseignée par les minoritaires de Zimmerwald, et s’ils ne le font pas, ce sont des traîtres ou des manipulés par l’oligarchie. Le discours de classe existe quasi-uniquement pour dénoncer le gouvernement victime de l’agression, pas l’agresseur. De fait, les campistes restent les agents d’influence des États porteurs du discours « anti-impérialiste » unique.
Les crypto-campistes le nieront ! Ils ont pourtant oublié un archéo-campiste célèbre, qui lui n’avait pas hésité à retourner la situation dans le célèbre discours d’Alger de 1965 où il faisait violemment remarquer que ce n’était pas aux révolutionnaires de se mettre aux service des États « anti-impérialistes », mais l’exact contraire, faute de quoi ils se feraient les complices de l’impérialisme : « Que pagan, carajo ! » « Qu’ils payent, bordel ! » Ernesto Che Guevara réalisera lors de son retour à Cuba que ce discours ne sera, ni oublié par les « payeurs », ni pardonné. C’est, en grande partie, du non-soutien des partis pro-soviétiques qu’adviendront sa défaite et sa mort en Bolivie.
Aux sources empoisonnées du campisme
On trouvera quelques points point communs à tous les régimes « anti-impérialistes » volontairement ou de facto soutenus par ces mouvances : la répression ultra-violente et l’écrasement de tout mouvement social indépendant menaçant le pouvoir en place.
On ne trouvera jamais dans les discours des campistes, et rarement chez les crypto-campistes malgré leurs références appuyées au mouvement ouvrier mondial, un quelconque soutien aux mouvements sociaux comme aux rébellions émancipatrices de masse, qu’elle qu’en soit la nature, qui peuvent advenir dans ces pays. Ces mouvements seront « oubliés », comme la récente révolte ouvrière au Kazakhstan, écrasée par les troupes russes à la tête de la coalition OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective, équivalent de l’OTAN sur la zone de l’ancienne URSS). Plus souvent, ils seront dénigrés : les mouvements de masse sont immédiatement accusés d’être manipulés par les services occidentaux, et leur autonomie, ou la complexité inhérente à tout mouvement de rébellion, farouchement niée. Ce sera le cas des diverses révolutions de « couleur » sur l’espace ex-soviétique contre le népotisme, la corruption et l’autoritarisme de leurs dirigeants.
Ces tendances ont ainsi applaudi les révolutions arabes, tant qu’elles se passaient dans les pays pro-occidentaux, mais ont immédiatement dénoncé les « manipulations de la CIA » en Libye ou au début de la révolution syrienne, pour en faire une unique contre-révolution islamique, niant l’importance des comités locaux de coordination et autres projets auto-organisés qui ont géré et/ou animé les zones libérées de manière civile sans liens organiques avec les groupes armés. L’action des groupes des droits-humains, l’action des femmes, des communistes d’opposition, socialistes révolutionnaires, et tout simplement des groupes auto-organisés des quartiers et des villages sont simplement passés sous le silence de l’oubli… Syrie, Bélarus, Ukraine orange de 2004 ou du Maïdan, Géorgie, Kirghizistan… La liste devient longue des « complots » supposés de la toute puissante CIA…
En Ukraine, les campistes se sont largement étendus sur le « coup d’État nazi de la junte de Kiev », qui a pourtant donné la société civile la plus puissante et dynamique de la région tandis que l’ensemble de l’extrême-droite s’écroulait à moins de 5 % des suffrages ; ils ont dénoncé le « génocide des populations russophones » à l’Est depuis 2014, d’autant plus inexistant que la majorité des prétendus « génocidés » se sont réfugiés … dans le reste de l’Ukraine, et furent dès les premières heures dans la résistance à l’invasion, ce qui est la première explication de l’échec des troupes russes les premières semaines dans les zones russophones, de Kharkiv à Marioupol ; ils vitupèrent contre le président actuel (juif russophone largement élu par les populations de l’est), une « marionnette otaniste va-t-en-guerre », qui est pourtant celui qui, dès le début de son mandat, a tenté contre son opinion publique de régler avec Poutine le conflit dans le Donbass, ce dernier largement entretenu par le fameux « régiment nazi Azov », pourtant largement dénazifié dès 2016 et entré dans l’armée régulière. Pour les crypto-campistes, certes, la Russie n’est pas une démocratie, mais l’Ukraine « nazie » et/ou oligarchique, malgré ses élections libres et sa société civile active, ses syndicats, ses associations multiples, de droits humains, de défense des migrants, des femmes, des LGBT… ne vaut pas mieux. Pourquoi la défendre ?
Cette tendance complotiste à voir partout la « manipulation » des masses révoltées, sans laisser voir une possible autonomie de pensée et d’action est profondément gênante chez des militants se déclarant de gauche. Il s’agit en effet à l’origine, dès la contre-révolution française, d’une pensée d’extrême-droite cherchant une explication à une révolte contre le « bon roi » Louis XVI et la trouvant qui chez les Illuminés de Bavière (marquis de Luchet ), qui chez les Francs-Maçons (Abbé Barruel), dans tous les cas dans un groupe occulte et tout puissant… Comme semblent l’être l’OTAN ou les services secrets occidentaux… Encore plus gênant, le discours ethniciste revendiqué, sur l’Ukraine, en défense des russophones pris comme un tout, sans aucune réflexion sur le fait qu’être russophone ne signifie pas pour autant être pro-russe, comme le montrait, pendant la révolution du Maïdan, le très haut pourcentage des discours en russe, ou l’activisme pro-unitaire des nombreuses organisations de réfugiés russophones de l’Est, et d’une grande partie de la jeune gauche ukrainienne… Jamais la gauche campiste ne citera le nom d’Ivan Reznichenko, l’un des leaders du syndicat indépendant des mineurs du Donbass, assassiné par les milices séparatistes en 2015, parce que syndicaliste, et pourtant russophone.
Il y a une logique : le discours ainsi porté à la connaissance des « milieux ouvriers de l’Occident » a une source quasi-unique : la propagande des États « anti-impérialistes », déclinée ensuite via les divers canaux médiatiques de chaque pays : presse embedded de groupes ou de partis campistes, sites complotistes, voire, mais oui, d’extrême-droite pro-russes, organisations internationales tenues par le campisme, comme la Fédération Syndicale Mondiale, actuellement dirigée par le syndicat grec PAME -émanation du Parti communiste de Grèce (KKE) qui est resté stalinien, donc traditionnellement pro-Kremlin-, auquel on rajoutera des groupes de la vieille gauche post-soviétique, comme le KPRF en Russie, et dont les concepts tant de socialisme que d’opposition sont restés assez élastiques, comme ceux des groupes communistes syriens participants au Front national progressiste dirigé par… le parti Baas de Bachar El-Assad…
Pour les campistes, qu’importe la vérité et l’éventuel confusionnisme, l’essentiel par dessus tout étant la lutte contre l’Hégémonie !
Les crypto-campistes ne peuvent se détacher de cette logique, d’abord par la priorité de leur combat, mais surtout par le fait qu’ils n’ont aucune autre source possible et crédible à laquelle se référer : ils n’ont pas, et ne veulent pas avoir, et ne veulent pas chercher des sources sur les zones concernées, pourtant nombreuses, tant politiques que syndicales, sans compter les nombreuses associations de droits humains, féministes, etc… Exception particulière : en 2014, le jeune groupe marxiste-léniniste ukrainien « Borotba » fut le seul interlocuteur du parti de gauche allemand Die Linke. A préciser que c’est « Borotba » qui est venu vers les milieux germaniques et pas le contraire, pourvoyeur d’un discours clairement anti-Maïdan et pro-russe. Die Linke mit quelques mois à réaliser qu’un interlocuteur par ailleurs ouvertement allié à toute l’extrême-droite russe n’était peut-être pas très crédible, même contre les « nazis » ukrainiens. La plupart des militants de « Borotba » sont depuis allés chercher asile à Moscou. Malheureusement, cela n’empêcha pas plusieurs députés de Die Linke d’être observateurs de l’ersatz de « référendum » en Crimée en 2014 ou de se déplacer dans le Donbass séparatiste, cornaqués par des guides peu indépendants et très pro-russes, chaque fois aux côtés de figures célèbres de l’ultra-droite occidentale…
En résumé encore : les sources d’information des campistes, et du coup des crypto-campistes se résument à la propagande des États anti-OTAN, directement ou par le biais d’organisations staliniennes ou de médias aux ordres, voire complotistes, confusionnistes et même parfois d’extrême-droite. Au mieux, les partis « communistes » de la région, tous directement liés au Kremlin et dont le socialisme n’est plus qu’une pensée vide de sens… Les campistes et crypto-campistes deviennent, volontairement ou non, les agents d’influence des dictatures.
Les sentiers arides des « grassroots »
« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » La devise des shadocks pourrait à merveille être celle des « grassroot », comparés aux précédents courants aux logiques plus basiques.
En effet, avec eux, on entre dans la complexité assez absente dans les faits des précédents courants.
Déjà, la mouvance est multiple et pas toujours homogène entre les « politiques », anarchistes ou trotskystes, les écologistes, les syndicalistes, les militants transcourants de la solidarité internationale, les militants pacifistes et non-violents agissant sur la prévention et la résolution des conflits, et bien d’autres à la fibre politique agissant à l’international, proches ou au sein d’ONG…
La géopolitique comme définition de l’ennemi n’est pas dans la culture des « grassroots ». Ils ne se battent pas d’abord « contre », mais « pour, » dans le cadre de l’émancipation humaine, donc de fait sur une vision et une pratique internationalistes de solidarité mutuelle face aux diverses oppressions, avec des personnes et des organisations des zones concernées. Dans ce cadre, on assiste à la création d’une « diplomatie par en-bas », visible dans les grands rendez-vous internationaux et altermondialistes, essentielle dans les périodes de pré-conflit, de conflit et de post-conflit, elle-même participant à une informelle mais présente « géopolitique des peuples » qui se forme dans des événements comme les révolutions « de couleur » dans l’espace post-soviétique ou les révolutions arabes, qui contaminent elles-même l’Afrique subsaharienne au Burkina Faso, provoquant la chute du régime de Blaise Campaoré en 2014 ou la révolution soudanaise.
Sur le terrain européen, on a vu donc les « grassroots » soutenir les syndicalistes de Solidarnosc en Pologne dès la fin des années 70, faire campagne contre les euromissiles de l’OTAN à l’Ouest, comme les campistes pro-soviétiques, tout en apportant leur solidarité avec les dissidents de l’Est luttant contre leurs propres euromissiles, et, dans les deux cas, participant activement, au niveau de la société, à la fin de la « prison des peuples »… Pendant la Perestroïka, puis la dislocation du bloc soviétique, on assistera à un petit afflux de militants occidentaux, une mouvance trotskyste britannique, des anarchistes allemands, des syndicalistes, écologistes, féministes, militants des Droits humains, pour aider les activistes locaux au développement des sociétés civiles dans leurs pays… Pendant la guerre en ex-Yougoslavie, les mêmes courants aideront leurs partenaires croates, serbes, bosniaques, monténégrins, kosovars, à garder les contacts au-delà des lignes de front guerrières et nationalistes, et des militants assureront les « convois ouvriers pour la Bosnie » en direction des mineurs de Tuzla, dont les actuels convois ouvriers vers l’Ukraine, parrainés par divers syndicats (CGT, FSU, SUD Solidaires… pour la France) sont les héritiers directs.
Le courant, si on se base strictement sur les héritiers du mouvement ouvrier, n’est pas nouveau, il est aussi vieux que la Première internationale. La pratique n’est pas nouvelle non plus, et les « grassroots » peuvent bien aussi se réclamer de Zimmerwald, où la plupart des congressistes anti-guerre se connaissaient.
Comme le nombre de participants à Zimmerwald, par contre, le courant est très faible, et n’échappe pas à la désaffection qui concerne les zones où il n’y a pas une tradition ancienne de liens, contrairement au Maghreb ou à l’Amérique Latine.
L’afflux de la solidarité reste donc très faible au regard des besoins et surtout des appels de la société civile au moins dans sa tendance progressiste : outre la faiblesse des « grassroots » sur la zone, une grande partie de la gauche occidentale, de cette époque jusqu’à aujourd’hui, est restée rigoureusement bloquée sur les logiques de guerre froide, et une vision géopolitique prenant plus pour base les États que les sociétés.
Elle est aussi bloquée, dans une stricte logique fondamentaliste et conservatrice héritée du léninisme, sur le monde ouvrier et éventuellement les colonisés et/ou les petites nations ; toutes les autres oppressions, médias, féministes, LGBT, environnementales, racistes anti-migrantes, religieuses, moralistes et concernant les autres droits humains essentiels… sont purement et simplement oubliées…
Et puis, ne serait-ce pas « faire le jeu de l’impérialisme » (occidental) que d’aider à affaiblir ou renverser un « allié anti-impérialiste » ? Les « grassroots » sont donc forcément, pour les campistes, des idiots utiles voire des alliés de la CIA et de l’OTAN. Aider la société civile ukrainienne, c’est prendre le parti de Zelinski, « marionnette de l’OTAN et des oligarques ». Impossible pour les campistes de penser qu’une société civile puisse avoir son propre agenda. Une révolte cache forcément un putsch, une résistance ne peut être qu’un stupide ralliement à « l’Union Sacrée ».
Mais pour les « grassroots », quel que soit l’endroit du monde, c’est aux principaux concernés, à la société civile, de désigner les besoins, définir l’oppression, l’ennemi vital, dans un lieu ou un temps donné par l’actualité.
En Syrie, et selon les régions et dans le même temps, pour les populations libérées, l’ennemi pouvait être le pouvoir de Damas, soutenu par l’impérialisme russe ou l’impérialisme iranien par le biais de troupes de pasdaran ou le Hezbollah libanais ; Daesh travaillant à sa propre extension territoriale ; tel groupe islamiste ou proto-islamiste soutenu par le micro-impérialisme turc, ou qatari, ou saoudien, ou l’impérialisme turc directement… Certains combattants internationalistes de tendance campiste venus soutenir les conquêtes révolutionnaires au Rojava (dont d’anciens combattants pro-russes au Donbass) ont dû être passablement remués idéologiquement de devoir leur vie ou leurs victoires… à l’aide apportée par les bombardements US sur les lignes de Daesh…
Pour la gauche ukrainienne, comme pour ses soutiens immédiats dans les pays d’Europe de l’Est qui ont connu la férule soviétique, gauche polonaise ou tchèque, anarchistes russes et syndicalistes bélarusses, le danger vital impérialiste a une couleur et une origine directement reconnaissable depuis de longues années : le pouvoir russe. Si le capitalisme, oligarchique ou international, est bien présent et toujours combattu en même temps que la guerre, l’oppression otaniste en tant que telle, subie et réelle sur d’autres points du globe, n’est pas vraiment le sujet du jour : ce n’est pas lui qui a commencé et continue à bombarder aveuglément les populations civiles, viole, torture et tue impunément dans les quartiers et les villages.
Les crypto-campistes appellent la classe ouvrière a se révolter contre la guerre et les mesures anti-sociales de Zelinski, mais aucune de leurs organisations n’a mené la moindre campagne internationale contre ces mesures, pourtant médiatisées en Europe par les courants de gauche et syndicalistes ukrainiens, et même la CGT qui soutient officiellement ses partenaires ukrainiens subit de violentes attaques campistes en interne. Le gouvernement Zelinski, d’abord hésitant au vu des premières réactions internationales, a finalement pu passer la loi au vu de la faiblesse des protestations.
Les sociaux traîtres ne sont pas forcément là où les voient les staliniens, inventeurs du terme…
La guerre en Ukraine, contrairement à ce que voient les campistes (agression de l’OTAN), est analysée par les Ukrainiens comme par les « grassroots » comme une guerre impérialiste menée par la Russie (but : reprendre la main sur son ancienne zone d’influence impériale), colonialiste (« L’Ukraine n’existe pas. Les Ukrainiens sont des Russes » a clairement affirmé Poutine), politique et idéologique (éradiquer par le feu et la répression ultime toute idée nationale ukrainienne, disait un article de Novosti aux forts relents fascistes, mais aussi éliminer la société civile dynamisée par la révolution du Maïdan – « il n’y aura pas de Maïdan en Russie » déclare Poutine depuis 10 ans). La résistance ukrainienne, dans toutes ses composantes civiles et militaires dans laquelle s’inscrivent tous les secteurs politiques de gauche et anarchistes, syndicalistes et associatifs est perçue profondément comme une guerre de libération nationale, à laquelle se greffent la résistance sociale contre les lois anti-sociales du gouvernement Zelinski. On ne peut donc parler d’Union Sacrée : si toutes les forces politiques se retrouvent effectivement sur le front, les raisons de s’y trouver n’ont qu’un point commun : repousser un envahisseur qui vise à l’anéantissement de toutes les visions possibles de l’Ukraine, ultra-nationalistes pour les uns, libérales-démocrates pour d’autres, démocratiques, sociales et sociétales pour les acteurs de la société civile et du mouvement ouvrier.
Guerre idéologique ? On a connu à gauche plus de rapidité à détecter les signes du fascisme dans diverses dictatures, et si, pour les chercheurs universitaires, l’analyse est toujours en cours, toute l’extrême-droite européenne a choisi son maître, et les néo-nazis russes de toute obédience sont aux ordres, à commencer par le chef de la milice Wagner, qui exhibe sans complexes ses tatouages SS. Le discours ethnique et guerrier sur l’Ukraine est lui aussi sans ambiguïtés, comme la forme de l’agression qui vise bien les civils en tant que tels, sans fioritures de langage sur les dommages collatéraux. Les Ukrainiens ont formé le néologisme de « rashism » (Russian fascism) pour définir le type de guerre en cours.
« On n’est pas en Espagne 36 », « ce n’est pas la défense d’une révolution », « c’est la maudite Union Sacrée de 14, pas la résistance au nazisme », lancent en cœur les campistes et crypto-campistes. Le très vieux débat entre démocratie et fascisme avait aussi existé en 1940 : l’essentiel des anarchistes et trotskystes… français sont ainsi restés pendant toute la guerre dans l’expectative dans laquelle se tiennent maintenant les campistes. Pour les mêmes raisons : ne pas s’engager dans une guerre inter-impérialiste. L’essentiel des anarchistes et trotskystes… espagnols et européens réfugiés en France se sont retrouvés, eux, logiquement dans les maquis. Entre justifications pseudo-théoriques et analyse pratique, ça paraissait parfaitement évident pour ceux qui savaient depuis 3 ans et plus (pour les Italiens et les Allemands des brigades internationales, notamment), ce qu’était la différence entre démocratie et fascisme. Et les « grassroots », confrontés dans leurs solidarités aux soutiens des résistants aux dictatures, ne peuvent opter pour une neutralité qui signifie, politiquement et physiquement, la fin de leurs partenariats… et de leurs partenaires… Certains préfèrent oublier les leçons de l’Histoire. Sur le front ukrainien, on trouve, entre autres, des antifascistes russes et des libertaires bélarusses. Pas vraiment de liens avec Zelinski, ses oligarques et l’OTAN.
Nul ne nie donc, chez les « grassroots », la nécessité pour le peuple ukrainien de se défendre contre une telle agression. Les débats, entre les individus et les tendances furent par contre souvent difficiles entre les partisans d’une défense violente et non-violente. Les ukrainiens eux-mêmes ont répondu, notamment à travers l’initiative du réseau libertaire « Opération Solidarité », animant aussi bien la solidarité humanitaire que l’aide en matériel aux militants sur le front. Autre pierre d’achoppement : peut-on laisser l’OTAN, impérialisme occidental, équiper l’armée ukrainienne ? Ce sont les pays de l’OTAN, par leurs tergiversations sur les armes et le type d’armes, leurs premières aides au compte-goutte, les déclarations de plusieurs chefs d’État, dont Emmanuel Macron, sur l’appel à la négociation, la Hongrie qui garde une neutralité bienveillante envers le Kremlin, la Turquie qui joue son propre jeu…, qui ont eux-mêmes répondu : si, dans un passé pas très lointain, l’OTAN n’a pas respecté son accord tacite de respecter les frontières russes, il n’y a depuis plusieurs années aucune vision d’ensemble, aucune stratégie offensive en direction de la Russie, et toujours pas aujourd’hui.
La guerre implique, pour les « grassroots », dans la logique de la « diplomatie par en-bas » et les contacts au-delà des lignes de front, comme au temps de la fracture yougoslave, le soutien aux forces anti-guerre russes, et à la résistance bélarusse, dont le gouvernement est allié du Kremlin. La récente condamnation à de lourdes peines de prisons de 16 dirigeants et militants du BKDP, syndicat indépendant bélarusse appelant à la résistance anti-guerre, n’a guère ému les tendances campistes et crypto-campistes… Encore une fois, pour certains, l’internationalisme ouvrier se trouve de curieuses limites…
En résumé :
– La solidarité à la base vers la société civile dans son ensemble et les victimes d’oppression est la priorité des « grassroots ». Ce sont les partenaires qui désignent les oppresseurs, intérieurs et impérialistes. Et ces derniers ne se résument pas à l’occident et à l’OTAN : l’impérialisme varie selon les zones, et pour l’Ukraine, il est d’abord russe. Loin du « A chacun de lutter contre son propre impérialisme », les grassroots adoptent une position solidaire envers toutes les victimes d’un impérialisme.
– Les « grassroots » n’en restent pas à la solidarité ouvrière. Les oppressions sont plus larges et concernent tout le spectre des droits humains. Ce qui permet un fonctionnement en réseau beaucoup plus large, essentiel, notamment pour la recherche d’informations et d’analyses, et pour la recherche de solutions ou de soutiens, et, au-delà, à la construction et à la consolidation de la société civile.
– Les États ont leurs visions diplomatiques et géopolitiques. Les « grassroots » ont la leur, la « diplomatie par en-bas » entre sociétés civiles, elles-même actrices, parfois, d’une géopolitique des peuples. Les sociétés civiles sont donc des acteurs autonomes, pas forcément des objets manipulés ou des sempiternelles victimes
– Dans ce cadre, l’analyse de la guerre et la position des « grassroots » ne peuvent se contenter d’un universel « non à la guerre » mettant sur le même plan agresseurs et agressés. Les « grassroots » sont solidaires des agressés, et maintiennent le lien et leur soutien aux forces anti-guerre dans le pays agresseur.
Eric Simon
23/01/2003