Dans un commentaire publié dans un organe de presse du régime, la junte a accusé le dirigeant ukrainien et son peuple d’être responsables de l’agression de la Russie. La junte militaire du Myanmar a de nouveau exprimé son soutien au président russe Vladimir Poutine, dimanche, en rejetant la responsabilité de l’invasion de l’Ukraine sur le dirigeant de ce pays et son peuple. Dans un commentaire publié dans un organe de presse en langue birmane à ses ordres, Myanma Alin, le régime a également accusé les États- Unis et leurs alliés de l’OTAN de comploter pour monter la Russie et l’Ukraine l’une contre l’autre. Intitulé « Les leçons de l’Ukraine pour ceux qui n’ont pas appris de l’histoire », ce commentaire de deux pages a été rédigé sous le pseudonyme de « Myint Myat ». Qualifiant le président ukrainien Volodymyr Zelensky de marionnette de l’Occident, l’auteur ne tarit pas d’éloges sur Poutine, qu’il considère comme un dirigeant visionnaire ayant eu la clairvoyance de renforcer discrètement la puissance militaire et économique de son pays.
En revanche, Zelensky est « incapable et manque de rationalisme » – des défaillances qui ont entraîné des destructions et des pertes que son pays doit maintenant subir, affirme l’auteur.
« Il n’est pas faux de dire que le peuple ukrainien est également responsable de ce qui se passe actuellement, car il a lui-même choisi un mauvais dirigeant », ajoute-t-il. Il est également établi un lien entre la situation en Ukraine et celle du Myanmar, où la conseillère d’État destituée Aung San Suu Kyi est régulièrement présentée dans les médias d’État comme un pion des puissances étrangères. « Les politiciens et les individus qui se prennent pour des grands parce qu’ils peuvent bluffer les gens sur les droits de l’homme et la démocratie devraient comprendre que la sécurité de notre propre peuple, la puissance de notre pays et nos propres intérêts nationaux sont plus importants que les droits de l’homme et la démocratie » écrit-il. Ce commentaire intervient deux jours seulement après que le porte-parole de la junte, Zaw Min Tun, a défendu les actions de Poutine dans une interview accordée au service en langue birmane de Voice of America. « Le point n°1 est que la Russie a travaillé à la consolidation de sa souveraineté. Je pense que c’est la bonne chose à faire. La deuxième raison est de montrer au monde que la Russie est une puissance mondiale », a-t-il déclaré.
Il n’est pas vraiment surprenant que la junte se soit rangée du côté de Poutine dans son agression contre l’Ukraine, qui a été largement condamnée par la majeure partie du reste du monde. Plus de 7000 officiers de l’armée du Myanmar ont reçu une formation militaire et des bourses universitaires en Russie, qui est également devenue un important fournisseur de matériel militaire pour un régime confronté à un embargo sur les armes de la part de l’Occident.
Il existe également une affinité naturelle entre les deux régimes autoritaires, comme l’a noté le rap- porteur spécial des Nations unies sur le Myanmar, Tom Andrews, dans un récent tweet. « Les oiseaux de malheur volent ensemble. Le monde doit se tenir aux côtés du peuple ukrainien et du peuple du Myanmar en paroles et en actes », a-t-il écrit. Ce lien est particulièrement marqué depuis l’année dernière, lorsque les militaires ont renversé le gouvernement populaire de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Suu Kyi.
Une semaine avant le coup d’État du 1er février, le général Sergey Shoigu, ministre russe de la défense, était à Naypyitaw pour signer un contrat portant sur la vente de systèmes de missiles sol-air russes Pantsir-S1, de drones de reconnaissance Orlan-10E et d’installations radar. Moins d’un mois plus tard, l’armée avait importé pour 14,7 millions de dollars d’équipements radar, a rapporté en avril le Moscow Times. Fin mars, le général de corps d’armée Alexander Vasilyevich Fomin, vice-ministre russe de la défense, s’est rendu à Naypyitaw pour assister à une cérémonie marquant la Journée des forces armées.
Le 20 juin, quelques jours seulement après l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies d’une résolution exigeant la fin des violences militaires contre les civils et demandant l’arrêt des exportations d’armes vers le Myanmar, le chef du coup d’État, Min Aung Hlaing, est parti pour une visite d’une semaine en Russie. Il s’agissait de son deuxième voyage à l’étranger depuis qu’il a pris le pouvoir, et seulement du septième de sa carrière militaire. Ce voyage est également intervenu une semaine après la visite secrète au Myanmar d’une délégation russe composée de 20 membres.
L’objet de cette visite n’était pas clair, mais il semblait être lié aux affaires navales, car elle était dirigée par le commandant en chef adjoint de la marine russe, le vice-amiral Vladimir Lvovich Kasatonov. La visite n’a pas été rapportée par les médias d’État des deux pays. Depuis le coup d’État, des généraux de haut rang, dont le général Soe Win, commandant en chef adjoint des forces armées, et le général Maung Maung Kyaw, alors chef des forces aériennes, qui a depuis été démis de ses fonctions, se sont également rendus en Russie. Le journaliste Bertil Lintner, observateur de longue date du Myanmar, a fait remarquer en juillet de l’année dernière que la Russie s’est rapprochée de l’armée du Myanmar non seulement parce qu’elle est un gros acheteur de matériel militaire russe, mais aussi parce qu’elle veut utiliser l’exemple au Myanmar à ses propres fins, la Russie s’efforçant de perturber les efforts occidentaux de promotion de la démocratie en Asie et ailleurs.
Le média birman The Irrawaddy a rapporté lundi que le conseil militaire a tenu une réunion d’urgence pour discuter des implications de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Citant une source anonyme, le rapport indique que les membres du conseil ont spéculé sur la possibilité que la Chine procède à une invasion similaire du Myanmar si ses investissements et ses infrastructures dans le pays continuent d’être attaqués par les forces de résistance. Ils ont conclu que l’armée devrait déployer davantage de troupes le long des gazoducs chinois et sur d’autres sites qui ont déjà subi des attaques, selon le rapport.
Pendant ce temps, le gouvernement d’unité nationale du Myanmar, formé à la suite du coup d’État de l’année dernière, a dénoncé les attaques russes comme des « actes de guerre » et a déclaré vendredi que ce n’était « pas un bon exemple au 21e siècle ». Il a appelé la Russie à respecter l’intégrité territoriale, l’indépendance et la souveraineté de l’Ukraine et a déclaré que les attaques constituent « une violation flagrante de la charte des Nations unies et du droit international ». Les manifestants anti-coup d’État du Myanmar ont également exprimé leur solidarité avec le peuple ukrainien. « Nous nous inspirons de la guerre menée par l’Ukraine pour défendre la démocratie », a déclaré Raymond, membre du comité de grève du mouvement démocratique à Dawei, la capitale de la région de Tanintharyi, dans un discours enregistré dimanche : « Tout comme le peuple ukrainien, le peuple du Myanmar continuera à se battre pour libérer le pays de la junte militaire », a-t-il déclaré, ajoutant que la lutte de l’Ukraine contre le « fascisme » a besoin du soutien des peuples du monde entier. « Si Poutine gagne en Ukraine, il soutiendra encore plus le coup d’État militaire ici au Myanmar et les ennemis de la démocratie partout dans le monde », a-t-il ajouté. Selon le groupe militant Justice For Myanmar, la Russie, qui continue d’armer les militaires du Myanmar, utilise maintenant ses armes contre le peuple ukrainien dans le cadre d’une invasion illégale.
Myanmar Now