Très nombreux, trop nombreux sont à gauche celles et ceux qui ne voient dans la guerre en Ukraine qu’une guerre par procuration. De « Die Linke » à Podemos, de la rédaction de Jacobin aux USA à celle d’il Manifesto en Italie, en France de la direction de France Insoumise au POI, POID jusqu’à Lutte ouvrière, ce sont l’OTAN et l’UE qui cherchent à étendre leur influence géopolitique et à mettre la Russie à genoux. La guerre en Ukraine serait donc principalement une guerre entre la Russie d’un côté et l’OTAN de l’autre. D’où les cris d’alarme à l’annonce des livraisons d’armes qui fermeraient la porte aux négociations et à la possibilité d’un cessez-le-feu.
Passons sur le fait que ces armes arrivent bien tard et au compte-goutte. Les USA ne livreront rien avant 2024. La RFA rien avant six mois, la Grande-Bretagne idem. La France, derrière les effets d’annonce, n’a engagé que deux milliards et demi de dépenses. Pour avoir un point de comparaison, LVMH a fait 14 milliards de bénéfices nets en 2022. Comment peut-on oser prétendre que l’argent qui va aux armes pour l’Ukraine serait forcément pris aux budgets sociaux ? Comment ne pas voir que l’Ukraine n’est qu’un prétexte au gonflement des budgets militaires, qui doit évidemment être combattu ?
Par ailleurs, il est sidérant de constater que les forces politiques de gauche qui prétendent mener campagne contre l’aide militaire à l’Ukraine n’ont aucune volonté ou sont incapables de mener campagne contre les ventes d’armes françaises à l’Egypte, aux monarchies pétrolières ou autres dictatures !
Refuser les livraisons d’armes à l’Ukraine combattante, cela revient à escamoter un élément essentiel : après un an de guerre, la volonté populaire de résistance qui a stoppé l’impérialisme russe dans les premières semaines est toujours massivement là, bien qu’elle soit entravée par les mesures d’un gouvernement néolibéral qui restreint les droits des travailleurs face à leurs patrons tandis que les oligarques corrompus s’enrichissent. Si cette résistance n’existait pas, les gouvernements des pays de l’OTAN ne se poseraient même pas la question de livrer ou non des armes, car ils auraient depuis longtemps avalisé le coup de force de Poutine.
Alors oui, il faut des armes, et du soutien matériel, des collectes de fonds, des convois de solidarité. Ne voir qu’une guerre par procuration conduit à refuser de considérer le peuple ukrainien comme un sujet agissant. C’est ignorer les appels de nos camarades des diverses sensibilités de la gauche radicale, engagés à la fois dans la défense des intérêts des travailleurs et dans la résistance civile et militaire.
Pierre Vandevoorde