Bernard était militant du PSU de la création du parti en 1960 jusqu’à sa dissolution en 1989. Membre du Bureau national et responsable international de 1974 à 1984. Mémoire du mouvement avec son livre essentiel et sur lequel il a travaillé longtemps : Quand la gauche se réinventait. Le PSU histoire d’un parti visionnaire La Découverte 2016 et aussi, avec Gilles Manceron : Riposter à un crime d’Etat (sur la manifestation du 17 octobre 1961 et le rôle du PSU), éd du Croquant 2021… Et il ne cessera de participer aux luttes politiques et sociales en France.
Bernard était un militant anticolonialisme et internationaliste
Engagé dès sa jeunesse dans la lutte anticoloniale pendant la guerre d’Algérie (c’est une raison de son adhésion au PSU). Cela conditionnera ses engagements ultérieurs, anti-impérialiste et internationaliste, comme représentant du PSU dans de nombreuses campagnes et activités, avec un engagement particulier et personnel sur plusieurs terrains :
– La Méditerranée. Avec sa dimension « paix et sécurité » cf. ci-dessous. Une attention toute particulière aux pays du Maghreb et aux luttes qui s’y déroulent. Sa participation à la revue Confluences Méditerranée et de nombreux articles et ouvrages dont Méditerranée, le Nord contre le Sud L’Harmattan 1990, Comprendre l’Algérie L’Harmattan 1994, Passions franco-algériennes (avec Saïda Rahal-Sidhoun), L’Harmattan 1996, La Tunisie de Ben Ali : la société contre le régime L’Harmattan 2002 etc…
Il participera activement aux tentatives dès les années 1990 de développer une forme de Forum social Méditerranéen, et suivra avec attention l’expérience du Forum social Maghrébin déclinaison régionale du Forum social mondial.
Bien il sera toujours attentif à la lutte du peuple palestinien et à l’action pour une paix juste et durable dans la région, et premier Président de l’Association France Palestine Solidarité quand celle-ci sera fondée…
– Militant en France en permanence pour la défense des droits des migrants, (pas seulement originaires de la Méditerranée), il a écrit en 1993 un livre sur les Flux migratoires L’Harmattan 1993 et en 1995 Méditerranée l’impossible mur L’Harmattan 1995. Il s’est toujours tenus aux côté des organisations de travailleurs immigrés comme des collectifs de sans-papiers.
Ses engagements constants pour la paix et la question de la non-violence
Pour les mouvements de paix non-alignés
Non aligné : Représentant le PSU au Mouvement de la Paix, il quitte ce dernier devant son refus de poser la question des missiles soviétiques au début de la « crise des euromissiles », et s’implique dans le Mouvement pour la démocratie la paix et la liberté MDPL aux côtés de Claude Bourdet. Ce mouvement créé en 1963 (sous le nom de Mouvement contre l’armement atomique MCAA) s’inscrit dans le camp des mouvements de paix non-alignés, initié notamment par la CND britannique (Campaign for nuclear disarmament, crée en 1957 avec notamment le philosophe Bertrand Russell) refusant l’alignement plus ou moins marqué des mouvements liés au Conseil mondial de la paix sur les soviétiques)
Antinucléaire : Autre caractéristiques du MDPL être contre la « dissuasion nucléaire » française (acceptée par les socialistes et les communistes), et soutenir les mouvements d’objecteurs de conscience.
Au moment où démarre la crise des euromissiles, si Claude Bourdet espère fédérer les mouvements autour du MDPL, Bernard est de ceux qui vont plutôt proposer un cadre plus large, ce sera le CODENE (Comité pour le désarmement nucléaire eu Europe), ou se retrouvent le PSU, le CEDETIM, les mouvements non-violents (MAN, MIR…), le Mouvement rural de la jeunesse chrétienne, les paysans du Larzac, les objecteurs, les écologistes et bien d’autres. Le CODENE est partie prenante des « nouveaux mouvements indépendants » réunis autour de l’appel Russell de 1980 (ou appel END, European Nuclear Disarmament), lancé par la fondation Bertrand Russell en Grande Bretagne et signé par des personnalités d’un peu partout en Europe de l’Ouest, et quelques « dissidents démocrates » d’Europe de l’Est (les coopérations avec les dissidents vont se développer pendant les années 1980). Bernard participera activement au Comité de liaison END (organisateur des « Convention END » européennes qui se sont tenues annuellement de 1983 à 1992 dont celle d’Evry en 1986 et à la coordination opérationnelle IPCC initiée notamment par les néerlandais du Conseil inter-église pour la paix IKV. Il rédige à cette époque avec Huguette Bouchardeau et Claude Bourdet un manifeste Pour une France non-alignée, pour une charte de coopération avec le tiers-monde. Les propositions du PSU, Syros 1981.
Politique militaire et de sécurité. Pendant toute cette période, Bernard fait partie des (rares) militants de la gauche française qui réfléchissent sérieusement sur les questions de défense et de sécurité, tant en termes de politique militaire proprement dite que de sécurité collective. Il écrit à ce sujet de nombreuses contributions et articles, avec quelques permanences – antinucléaire, logique de défense « non agressive » sécurité collective ;
Il travaille avec la revue Damoclès et ce qui deviendra plus tard l’Observatoire des armements et d’autres structures comme l’Université de paix de Brest ou le GRIP de Bruxelles. La paix ce n’est pas simplement l’absence de guerre, mais une sécurité durable et commune fondée sur la justice et le droit international.
Très logiquement il applique ses réflexions sur les conditions de la sécurité à l’espace qu’il connait bien et rédige Vers une sécurité commune en Méditerranée, Observatoire des armements, 2000. Hélas, le sabotage du « processus de paix » israélo-palestinien et les logiques des puissances ruineront les espoirs un temps esquissés, de dynamique de paix et de coopération régionale ;
Face aux guerres. Avec Bernard nous sommes nombreux à être confronté aux guerres de dislocation de la Yougoslavie et à tenter de soutenir les facteurs de paix dans la région. Cela ne va pas sans débats et divergences entre nous notamment lors de l’épisode de la guerre du Kosovo et en particulier de l’intervention des forces de l’OTAN. Comment défendre le droit à l’autodétermination de la très grande majorité albanaise de la population de la province (qui vient de mener une lutte non-violente pendant plusieurs années contre le régime de Milosevic), faut-il s’opposer à une intervention militaire occidentale et comment. Quels sont les problèmes de droit international qui se posent. Des débats qui résonnent par rapports à d’autres conflits, ailleurs alors dans le monde et bien entendu actuels. Bernard écrit à ce sujet Kosovo, Une guerre de gauche ? Pour la paix à travers le droit. Editions Golias 1999 et Kosovo, le piège (avec Christophe Chiclet) éditions les Cahiers de confluence 2001.
De plus en plus, Bernard est persuadé qu’il faut, contre les tendances belligènes des Etats et militaristes y compris au sein de mouvements qui se veulent émancipateurs, qu’il faut privilégier la Non-violence stratégique. La première intifada palestinienne a produit (au moins dans un premier temps) plus d’effet que des années de luttes armées, il revient sur cette expérience dans La résistance palestinienne, des armes à la non-violence L’Harmattan 2017 puis de manière plus globale avec Le choix de la non-violence, éditions du croquant 2021 qu’il complétera avec le Cahiers de l’ITS de 2022 : Le choix de la non-violence. Crise du Covid-19, vulnérabilité, interdépendance et non-violence, un ultime message qu’il nous envoie alors que le monde s’enfonce dans les crises…
Bernard ne faisait pas partie de ceux qui jugent qu’il faut, à un moment, s’arrêter en chemin, quelques soient les difficultés rencontrées…
Bernard DREANO
Les obsèques de Bernard Ravenel
auront lieu le vendredi 27 janvier 2023 à 13h30
au cimetière du Père Lachaise
nous organiserons un hommage au Centre International de Culture Populaire
pendant la semaine anticoloniale, en mars 2023