Le journal The Sun [une pièce de l’empire médiatique du réactionnaire Rupert Murdoch] a annoncé samedi 3 décembre : « Rishi Sunak envisage de nouveaux « pouvoirs d’exception » pour mettre fin à un hiver de grèves. Downing Sreet [le 10 Downing Street : la résidence du premier ministre] a demandé aux ministres de fournir davantage d’options pour interrompre les tentatives coordonnées des syndicats de paralyser la Grande-Bretagne. » L’article poursuit ainsi : « Des mesures viendraient s’ajouter à la législation actuellement en cours d’examen au Parlement pour garantir un niveau de service minimum les jours de grève dans des secteurs clés, comme le rail. Cet ensemble de mesures pourrait inclure la possibilité pour les patrons de remplacer plus facilement les grévistes de façon permanente. »
Le Times, autre journal de l’empire médiatique de Rupert Murdoch, a publié un éditorial disant que la « décision de Rishi Sunak de faire accélérer les décisions législatives afin d’exiger des syndicats qu’ils garantissent un niveau de service minimum pendant les grèves est encourageante ». L’article affirme que si les Tories veulent se redresser électoralement, ils doivent montrer qu’ils sont capables de faire face à des problèmes majeurs. Et qu’« il n’y a pas de défi plus urgent que d’éviter la vague de grèves qui menace de paralyser de larges pans des secteurs public et privé ».
Selon le Times, obliger les travailleurs et travailleuses à assurer les services ferroviaires les jours de grève pourrait être assorti de « lourdes amendes pour les syndicats qui ne respectent pas leurs exigences ». Il y a une « raison pour étendre les obligations de niveau de service minimum à des secteurs tels que les soins infirmiers ». [Les infirmières du National Health Service ont voté majoritairement – la première fois depuis 106 ans pour le Royal College of Nursing – un calendrier de jours de grève en décembre 2022 et janvier 2023 : voir l’article publié sur ce site en date du 11 novembre 2022.]
D’autres défenseurs du pouvoir patronal réclament également des mesures. Ben Marlow, commentateur en chef du Telegraph, a écrit cette semaine : « Le gouvernement doit rester ferme et affronter les syndicats. Il est impératif que les ministres accélèrent la législation sur le service minimum afin que la majorité du pays ne puisse plus être prise en otage par les tactiques d’intimidation d’une minorité, prête à tous pour susciter la ruine. »
Ce serait faire preuve d’une désinvolture désastreuse que de penser que les Tories ne font que rabâcher la rhétorique des lois antisyndicales pour plaire à leurs député·e·s d’arrière-ban. Un gouvernement qui a fait passer en force des mesures visant à limiter les manifestations et à criminaliser les actions directes des manifestant·e·s pour l’environnement est tout à fait capable de renforcer les lois contre les grévistes.
Les ministres conseillent aux patrons du rail et de la poste [Royal Mail : voir le dossier, fait de deux articles, publié sur ce site le 3 décembre] de résister à tout accord que les syndicats pourraient présenter comme une victoire.
Cela a encouragé Royal Mail, par exemple, à viser les représentants syndicaux du Communication Workers Union (CWU). Zareena Brown, la « directrice des ressources humaines » de la firme Royal Mail, a écrit cette semaine que 90 représentants du CWU font actuellement l’objet d’accusations graves qui ont conduit à des suspensions et à des dénonciations à la police.
Face à de telles attaques, le CWU et le syndicat du rail RMT (National Union of Rail, Maritime and Transport Workers) se doivent de passer à la grève totale. La pire réponse est de reculer et de prétendre que la poursuite de grèves journalières (non-coordonnées) permettra de gagner. Pourtant, des dirigeants syndicaux tentent de faire croire à leurs membres que des victoires faciles sont possibles.
Quelque 70 000 salarié·e·s du secteur universitaire ont fait grève cette semaine et, grâce à la pression de la base, ont organisé de grandes marches qui ont appuyé les grévistes. Mais la responsable syndicale de l’UCU (University and College Union), Jo Grady, a déclaré quelques jours plus tard que les syndicats avaient rencontré les employeurs et qu’il y aurait « des négociations urgentes entre maintenant et le 31 janvier 2023 ». Elle a précisé que ces négociations étaient prévues « en vue de résoudre à la fois le cycle de négociations salariales 2022/23, sur lequel repose le conflit actuel, et le cycle de négociations salariales 2023/24 ».
Jo Grady exhorte les membres à continuer à préparer des actions « si nous devions les déclencher ». Cela fait suite à la méthode ratée des dirigeants syndicaux du RMT et du CWU, qui a consisté à dire que les patrons peuvent être battus par des discussions plutôt que par des grèves. Les dirigeants de l’UCU n’osent même pas mentionner que le Comité de l’enseignement supérieur du syndicat, suivant l’exemple des sections, a voté pour un boycott de la notation et de l’évaluation à partir de janvier 2023 et une grève totale à partir de février.
Les grèves, telles que celles prévues par les infirmières du NHS les 15 et 20 décembre et les ambulanciers les 20 et 21 décembre, bénéficient d’un soutien massif de la population [ce qui est confirmé par tous les sondages et rapporté par la BBC – réd]. Elles devraient devenir un point de convergence pour l’ensemble de la classe laborieuse et un tremplin pour une action plus large et plus soutenue. Si les Tories dévoilent de nouvelles lois antisyndicales, ce sera une raison supplémentaire d’appeler à une journée de débrayage unitaire pour les plus de 500’000 de salarié·e·s qui ont voté à plus de 50% [seuil minimal légal de participation et de vote] en faveur de la grève.
Selon le Times, les grèves sont « un test que Rishi Sunak et les Tories ne peuvent se permettre d’échouer ». Les travailleurs et travailleuses paieront un lourd tribut si les grèves ne sont pas gagnées, mais des victoires peuvent briser les plans des Tories et ouvrir la voie à l’éviction du gouvernement.
Charlie Kimber