ll faudrait donc « normaliser » les relations entre la France et le continent africain. La petite musique, déjà audible sous la présidence Hollande, a repris de plus belle depuis quelques années, jusqu’à constituer l’un des piliers de la politique étrangère d’Emmanuel Macron. On « normalise » avec le Rwanda, on « normalise » avec l’Algérie, on « normalise » de manière « décomplexée »...
Il existe pourtant, plantées sur le continent africain, une cinquantaine de bâtisses qui nous rappellent qu’entre France et Afrique, la relation ne pourra jamais être « normale » : les ambassades de France. Tout, dans ces chancelleries, leur histoire et leur fonctionnement, rappelle directement ou indirectement l’histoire de cette relation caractérisée par la domination : de la manière dont ont été acquis les terrains qui accueillent les bâtiments diplomatiques français (à des conditions très favorables lors de « négociations patrimoniales » précédant les indépendances) à l’imaginaire colonial, ethnicisant et infantilisant qui continue de nourrir les mémoires rédigés par de nombreux ambassadeurs et ambassadrices, en passant par le sentiment d’être en « terrain conquis » qui semble imprégner certain·es diplomates, tant dans les boîtes de nuit qu’ils et elles fréquentent que dans le huis clos des salles de réunion.
C’est ce que démontre efficacement le livre du journaliste Michael Pauron (ancien de Jeune Afrique et collaborateur régulier de Mediapart), Les Ambassades de la Françafrique. L’héritage colonial de la diplomatie française, qui paraît ce jeudi 22 septembre.
« En dépit de tous ses discours adroits et lissés qui cherchent à gommer l’asymétrie de pouvoir héritée de la colonisation, le diplomate français en Afrique reste un des maillons de sa perpétuation », analyse le journaliste.
Nourri de la consultation d’archives, du travail d’historien·nes, de nombreux reportages et entretiens menés sur le continent – en particulier en Afrique de l’Ouest – et de certains documents inédits, l’ouvrage jette une lumière crue sur celles et ceux qui sont chargés de représenter Paris de l’autre côté de la Méditerranée. Pas tous : Michael Pauron ne prétend pas à l’exhaustivité. Son travail est une enquête journalistique et non une thèse de sociologie. Mais l’un de ses intérêts est de ne pas s’arrêter à un catalogue d’anecdotes croustillantes – ou navrantes, c’est selon – livrées pêle-mêle, leur préférant une patiente démonstration nourrie de travaux de recherche.
Il démontre, in fine, le pouvoir d’influence persistant des ambassadrices et ambassadeurs français, les nouvelles formes que prennent leurs tentatives d’ingérence dans les affaires des pays où ils et elles sont en poste et l’idée tenace, chez certain·es d’entre elles et eux, que « dans les anciennes colonies, tout est permis » - recours à la prostitution, détournements de fonds et employé·es de recrutement local traité·es avec bien peu de considération.
Mediapart publie ses bonnes feuilles : deux extraits qui évoquent les conditions de vie et de travail, souvent éloignées du faste des chancelleries, des « petites mains » des ambassades.
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À Abidjan, l’ambassade est située en plein centre-ville, dans le quartier du Plateau, à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de la présidence. Depuis peu, comme dans d’autres chancelleries françaises, un mur est venu doubler l’enceinte historique, rendant désormais le bâtiment principal invisible depuis la rue. Deux sas blindés permettent de passer chacune de ces protections. Devant la porte principale destinée aux piétons, deux vigiles font le pied de grue en plein soleil. L’un d’eux ouvre une porte vitrée sans tain. Elle donne accès à un premier local gardé par trois autres agents, équipé d’un scanner et d’un portique de détection. L’organisation est la même pour le second sas. Tous les gardes sont employés par une société locale, Siga Sécurité. Pantalon bleu et polo jaune, aucun n’est armé ni équipé de gilet pare-balles – si la législation ivoirienne interdit aux vigiles de porter des armes, elle ne leur interdit pas de se protéger. Une première ligne bien fragile si des hommes armés et déterminés se présentaient à eux.
Un garde a accepté de parler sous couvert d’anonymat, après s’être inquiété de savoir si je ne travaillais pas pour la société qui l’embauche. Padou (le prénom a été changé) travaille pour Siga Sécurité depuis une quinzaine d’années. Marié, père de quatre enfants, il vit dans le quartier populaire de Yopougon, à une quinzaine de kilomètres de l’ambassade, à l’ouest de la ville. « Tous les matins, à 5 h 20, je rejoins à pied une navette pour aller au travail », explique-t-il. Il estime son emploi précaire. « Nous n’avons pas de représentants syndicaux, et chaque fois que nous avons voulu en élire un, la direction a menacé de nous licencier », dit-il. Il prend son service à 6 h 30. Sa journée dure 12 heures, entrecoupée d’un déjeuner pris sur place. À raison de six jours sur sept, il travaille 72 heures par semaine.
« Le droit du travail est pourtant clair : la durée hebdomadaire légale est de 56 heures par semaine », assure Jérémi Kouassi Yao, responsable du secteur de la sécurité privée au sein de la Confédération ivoirienne des syndicats libres. « En réalité, les vigiles font effectivement 72 heures, et les heures supplémentaires ne sont pas payées. » Padou touche 110 000 francs CFA par mois, primes comprises, soit environ 170 euros (230 dollars canadiens). À l’embauche, le salaire est plutôt de 90 000 francs (137 euros, 185 dollars), soit le salaire minimum (60 000 francs) auquel s’ajoutent 30 000 francs de prime de transport. Il précise par ailleurs que certains équipements, dont ses chaussures de sécurité, ont été payés de sa poche. « Nous cotisons à la Caisse nationale de prévoyance sociale, mais il n’y a aucune autre assurance ou prime de risque », ajoute Jérémi Yao, lui-même vigile.
En mars 2019, des salariés de Siga Sécurité ont exprimé leur colère lors d’une manifestation devant les locaux de leur employeur. Ils dénonçaient des ponctions sur leur salaire qu’ils considéraient comme injustes. Parmi celles-ci, « 30 000 francs pour la formation, 5 000 francs pour leur imperméable, 15 000 francs pour les chaussures », relate un journal local. Et « malgré la présentation d’un certificat médical, les jours non travaillés pour cause d’arrêt maladie ne sont pas pris en compte par l’entreprise ».
Même les contrats ne sont pas pérennes. « Ces sociétés jouent avec la loi, reprend le syndicaliste. Normalement, les contrats à durée déterminée (CDD) ne peuvent dépasser deux ans. Au bout de ce délai, le salarié doit être passé en contrat à durée indéterminée (CDI). Dans les faits, ils sont mis en CDD un an, parfois deux ans, au terme duquel on leur accorde des congés d’un mois ou deux. Puis on leur refait un CDD. » Aucun des vigiles interrogés pour cette enquête n’avait signé de CDI. « Mon salaire me permet tout juste de payer la maison et les charges. Ma femme est une commerçante qui gagne peu d’argent. Je suis obligé de faire des petits jobs à côté pour subvenir aux besoins de ma famille », conclut Padou.
Jérémi Yao, qui tente non sans mal d’organiser la profession afin de mieux la défendre, estime que les vigiles ivoiriens ne sont « ni équipés ni protégés correctement. Beaucoup de nos amis sont morts dans l’exercice de leur fonction, comme lors de l’attaque de Grand-Bassam [le 13 mars 2016, une attaque terroriste dans la station balnéaire de Grand-Bassam a fait 22 morts]. Nous ne pourrons assurer correctement notre mission que si nous-mêmes sommes considérés et en sécurité ».
Siga Sécurité emploie quelque 3 000 vigiles dans tout le pays. Elle gère aussi le gardiennage de la résidence de France. Dirigée par une Française, Maryse Malaganne-Delpeuch, la société a été créée par son père en 1970. La patronne est, depuis au moins 2011, l’une des deux conseillers du Commerce extérieur de la France en Côte d’Ivoire. Siga Sécurité est une filiale du premier groupe de sécurité français, Seris. Dirigé par la famille Tempereau, entrée dans le palmarès des 500 familles les plus riches de l’Hexagone, ce groupe ne compte pas moins de 43 000 salariés, et son chiffre d’affaires mondial atteint 662 millions d’euros en 2020, selon son site internet. C’est ainsi : l’État français sous-traite le gardiennage de ses ambassades à une société française de droit local, qui profite des conditions minimales qu’offre une législation approximative pour faire de substantiels bénéfices.
« Aujourd’hui, le marché est autour de 250 000 francs [CFA] par vigile et par mois, le ministère tire régulièrement les prix vers le bas », confie une source au sein du ministère français des Affaires étrangères. Charge au sous-traitant de s’en arranger. Mais, même à 380 euros par mois, l’entreprise engrange une jolie marge, équivalente à plus de deux fois le salaire minimum ivoirien par vigile (sur la base d’un salaire de 122 euros bruts, soit le salaire minimum avec cotisation patronale). Contactés, ni Siga Sécurité ni Seris n’ont souhaité s’exprimer.
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Une autre catégorie d’employés low cost existe au sein des ambassades et des résidences officielles. Ils sont embauchés directement par le ministère des Affaires étrangères et bénéficient d’un statut particulier : les agents de droit local, ADL dans le jargon du Quai d’Orsay, sont employés selon le Code du travail du pays de résidence. Les chauffeurs et les employés de maison de l’ambassadeur (une dizaine d’employés en moyenne), du consul et des conseillers, certains agents administratifs travaillent selon cette règle. De nombreux conjoints ou conjointes de diplomates ont également ce statut quand ils trouvent un travail dans une des antennes de la chancellerie (lycée français, Institut français…).
David Delfolie, Marc Loriol et Françoise Piotet sont sociologues du travail. Dans le cadre de leur enquête au long cours Splendeurs et misères du travail des diplomates, Marc Loriol s’est immergé en 2007 pendant onze jours au sein d’une ambassade de France en Afrique de l’Ouest. Son travail a relevé quelques disparités de traitement et de satisfaction selon les postes occupés par les employés africains. Ainsi, les employés administratifs se plaindraient moins que les chauffeurs ou les gardiens. Tous cependant rapportent au minimum des remarques désobligeantes liées à leur africanité de la part des agents français. Certains ressentent constamment un comportement paternaliste et néocolonial. Ils l’acceptent et courbent l’échine car, disent-ils, travailler pour l’ambassade de France est prestigieux et procure quelques avantages – comme une obole à l’occasion d’un décès, ainsi que l’a rapporté un chauffeur au sociologue.
Mettre en avant le « prestige » de la chancellerie française pour accepter des conditions de travail difficiles en dit long d’un point vue symbolique. La culture et les valeurs françaises seraient supérieures à celles des Africains : cette domination culturelle a infusé l’esprit des anciens colonisés. Ce legs colonial est perpétué par les relais de la France en Afrique. À titre d’exemple, aux compétences exceptionnelles des employés d’un restaurant cinq étoiles – qui met l’accent à ce titre sur la qualité du service et de sa carte –, la diplomatie privilégie la docilité et l’allégeance aux « valeurs » françaises.
« Je ne suis pas un boy »
Fred (le prénom a été changé) a fait l’école hôtelière d’Abidjan, section cuisine et pâtisserie, dont il est sorti diplômé en 2013. Cet homme trapu d’une trentaine d’années, marié et père d’un petit garçon, a travaillé dans les cuisines de prestigieux hôtels de la capitale économique ivoirienne, dont l’hôtel Tiama. Son restaurant, L’Ambassadeur, est aujourd’hui tenu par un chef français, Bruno Oustric. La cuisine est prisée des expatriés internationaux : on y déguste un subtil mélange de saveurs locales et du monde. C’est là que Fred a rencontré le consul général d’Abidjan, Laurent Souquière. « Il me faisait régulièrement des compliments », raconte le jeune homme, rencontré à Abidjan en novembre 2020. Lorsqu’il apprend que l’ambassade de France recherche un cuisinier, il décide de postuler. Après plusieurs entretiens, il comprend que le poste est situé à la résidence de Laurent Souquière. Il se dit que le consul l’aura sans doute recommandé. « Sur un CV, travailler pour la chancellerie française est prestigieux, précise Fred. Ce n’est pas tant pour le salaire que j’ai accepté, puisque je gagnais mieux ma vie au Tiama. »
Avant son embauche effective, la gestionnaire comptable de l’ambassade lui demande un certain nombre de documents, dont un « certificat médical de bonne santé », qu’il obtient auprès d’un médecin agréé par la Commission nationale de la francophonie. Plus précisément, un courrier électronique lui indique qu’il doit fournir « un certificat médical d’aptitude à [ses] nouvelles fonctions et qu[’il n’est] pas porteur de maladies contagieuses ». « Maladies contagieuses » : un terme extrêmement flou. « Le médecin m’a alors conseillé de faire aussi un test VIH. Ce que j’ai fait, et fourni à l’ambassade. » Une pratique plus que douteuse qui serait formellement condamnée en France. Fred a-t-il fait du zèle ? La pratique est-elle habituelle dans les ambassades de France ? Ou la demande est-elle à l’initiative seule de Laurent Souquière ? Alexandre Bairo, avocat au barreau d’Abidjan et spécialiste du droit du travail au sein du cabinet KSK, nous cite le Code du travail et conclut sans appel : la pratique est parfaitement illégale.
Fred répond à toutes les conditions et commence sa période d’essai de trois mois (renouvelables, selon son contrat) début janvier 2020. Il travaille 38 heures et demie, du lundi au samedi, pour un salaire de 348 671 francs CFA, auxquels s’ajoute une prime de transport de 30 000 francs, soit au total environ 577 euros (790 dollars canadiens). Une bonne rémunération dans un pays où le salaire minimum légal est de 91 euros et le salaire moyen de 121 euros. Mais à relativiser : au regard des compétences nécessaires – le consul peut recevoir des hôtes de marque –, des règles d’hygiène et de confidentialité à respecter dans le cadre d’un tel poste, ainsi que du coût de la vie à Abidjan, un salaire supérieur serait tout à fait justifié.
La solde d’un cuisinier français est, quoi qu’il en soit, bien supérieure à ce tarif. Un intendant français d’une résidence en Afrique précise sous couvert d’anonymat : « Il y a très peu de cuisiniers locaux puisqu’on recherche le prestige de la gastronomie française. Quand c’est le cas, on arrive à les motiver, mais on est assez coincés sur les salaires. Heureusement, travailler pour une ambassade de France reste prestigieux. C’est pour ça qu’il y a très peu de turnover chez les employés locaux quand ils sont embauchés. »
Fred attend beaucoup de cet emploi, pourquoi pas une formation en France, pays de la gastronomie ? D’ailleurs, Laurent Souquière ne tarit pas d’éloges et profite du passage d’un chef étoilé français, Benjamin Collombat, pour lui faire goûter les plats de son nouvel employé lors d’un déjeuner. Le chef de renom les trouve « propres et bons ». Fred vit cela comme un adoubement, mais aussi comme un coup de pression.
Sa fiche de poste ne semblait pas souffrir d’incertitude (« cuisinier à la résidence du consul général de France »). Pourtant, Fred estime devoir effectuer des tâches qui ne correspondent pas à ses attentes. « Non seulement je devais servir à table, mais aussi débarrasser et faire la vaisselle. On m’a même demandé de faire le ménage dans le couloir, en dehors de ma cuisine… »
Chaque jour, il prépare la liste des produits nécessaires pour le lendemain afin que les employés de la résidence se chargent des courses. Il lui est finalement demandé d’effectuer les achats lui-même. « Je devais attendre que la femme du consul se lève pour lui demander de l’argent. Je n’aimais pas cette position. Je n’avais pas de glacière, j’avais parfois honte de devoir ramener des produits frais, comme le poisson, juste emballé dans un sac… La chaîne du froid n’était pas respectée, les conditions d’hygiène n’étaient pas optimales, ce n’est pas ce que j’ai appris, ce n’est pas comme ça que j’envisage le métier. S’il y avait eu une intoxication alimentaire, j’aurais été tenu responsable. »
Fred est-il trop ambitieux ? A-t-il une trop haute opinion de lui-même ? N’a-t-il pas pris la mesure de la tâche qui lui incombait ? Il finit par s’en ouvrir au couple. La réponse est catégorique : il n’aura pas d’autre aide. Tout juste consentent-ils à lui épargner le ménage, mais pas la plonge. « À partir de ce moment-là, poursuit-il, les relations se sont dégradées. Chaque jour, j’entendais : “Allez dire à Fred qu’il peut venir débarrasser.” Je me suis senti humilié. Ce qu’ils voulaient, c’était un homme à tout faire. Je suis cuisinier, j’ai un diplôme, je ne suis pas un boy ! » Sa déception est grande, après avoir travaillé dans des cuisines où il dirigeait toute une brigade.
Quelques jours seulement avant la fin de sa période d’essai, début avril, Fred est convoqué à l’ambassade. « La personne qui m’avait recruté m’explique que le couple est très satisfait de ma cuisine, mais que mon activité annexe n’est pas tolérée, et donc que le contrat est rompu. » Fred est en effet le propriétaire d’un petit établissement de grillades : il a un employé et gère cette affaire à distance. « J’y allais une fois de temps en temps le soir, jamais sur mes horaires de travail évidemment », assure-t-il. Surtout, Fred précise avoir informé la chancellerie de cette activité dès son embauche. L’expérience prend fin brutalement. Un an après, lors d’un entretien d’embauche pour un grand restaurant dans Abidjan, le recruteur se renseigne auprès du consul. Celui-ci le met en garde : Fred ne serait pas « franc du collier ». Il n’a pas obtenu le poste.
Laurent Souquière semble avoir une piètre opinion de ses employés. Il adopte sans complexe les codes de la bourgeoisie coloniale. L’un de ses anciens chauffeurs en a fait les frais. Lors d’une mission dans le nord du pays, le consul, sans doute un conducteur hors pair, n’a pas arrêté de lui faire la leçon. Peut-il utiliser le frein moteur et freiner moins brusquement ? A-t-il pris toutes les instructions de la mission avant le départ ? Il lui met la pression : « Vous avez une conduite trop brusque, je suis sûr que si je mets un verre d’eau sur le tableau de bord, vous le renversez », lui dit-il. Il finit même par prendre le volant. Personne n’avait eu à se plaindre de ce chauffeur depuis qu’il avait été recruté à la chancellerie, cinq ans plus tôt.
Drôle de personnage que ce diplomate, passé par le Bénin, et qui a effectué sa deuxième mission à Abidjan (nommé consul général de 2017 à 2021), après un premier séjour de 2011 à 2014, au lendemain de la crise postélectorale. Réputé sévère avec ses collaborateurs – en 2020, plusieurs d’entre eux ont dénoncé des cas de harcèlement moral auprès du déontologue du Quai d’Orsay, sans suite –, il est aussi un « gros bosseur » selon plusieurs sources l’ayant côtoyé, et son entregent au sein de la classe politique ivoirienne en ferait un fin connaisseur du pays sur lequel s’est appuyé l’ambassadeur Gilles Huberson.
Ces qualités doivent expliquer en partie l’entorse au règlement du Quai : marié à une communicante ivoirienne, il n’aurait pas dû exercer dans le pays de sa femme – une mesure généralement respectée afin d’éviter tout conflit d’intérêts. Par ailleurs, il devient proche d’un des hommes forts du pays : Hamed Bakayoko, ancien ministre de l’Intérieur, nommé premier ministre en juillet 2020 et décédé en mars 2021 des suites d’un cancer. Et aussi du comité Miss Côte d’Ivoire : en facilitant l’accès aux visas des miss et de ses dauphines, il s’est assuré de beaux clichés aux bras de jeunes femmes à l’occasion de pots « bruyants » au consulat, confie une source interne.
Malheureusement, l’attitude du consul général d’Abidjan envers ses salariés africains est loin d’être un cas isolé. « En deux années de mission en Afrique de l’Ouest, je suis parti en retenant un magnifique souvenir des Africains, mais en détestant les Blancs », confie cet agent qui a décidé d’écourter son séjour sur le continent.
Michael Pauron
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Michael Pauron, Les Ambassades de la Françafrique. L’héritage colonial de la diplomatie française, Lux, septembre 2022, 232 pages, 18 euros.