Le désespoir de Jair Bolsonaro croît chaque jour avec la consolidation du leadership de Lula dans les sondages. L’ancien président apparaît, même avec la possibilité d’une victoire au premier tour [le ticket présidentiel et vice-présidentiel, « inséparable », sera composé de Lula et de l’ancien dirigeant du PSDB et ex-gouverneur – 2001-2006 et 2015-2018 – de l’Etat de São Paulo, Geraldo Alckmin qui n’a pas ménagé, alors, ses combats contre les masses populaires ; afin de « rejoindre » le camp de Lula, il a passé du PSDB – après 33 ans d’adhésion – au dit Parti socialiste brésilien]
Outre la perte de la présidence, Bolsonaro craint qu’une défaite électorale n’ouvre la voie à son arrestation, à celle de ses enfants et de ses proches alliés. Après tout, la liste des crimes commis par la famille et ses associés est bien connue. Mais le « milicien » n’est pas un ennemi abattu. Au contraire : il dispose d’une force politique et sociale et d’une volonté de se battre pour le pouvoir.
Avant de suggérer deux stratégies pour assurer la victoire de Lula, il est important de connaître les principales tactiques du bolsonarisme dans cette bataille historique.
Les paris de Bolsonaro pour tenter de modifier la donne
Le premier est d’utiliser sans vergogne la machine publique pour en tirer profit électoralement. L’objectif est de réduire l’avantage de Lula et d’amener la course au second tour [le premier tour a lieu le 2 octobre, le second tour le 30 octobre]. Le stimulus électoral propre à la Proposition d’amendement de la Constitution (PEC) qui augmente et crée de nouvelles prestations sociales – [entre autres une augmentation limitée de la Bolsa Familia, rebaptisée Auxilio Brasil, et de Alimenta-Brasilà, et une aide aux transports collectifs] – la veille des élections, ne laisse aucune place au doute. Bien que, face à une insécurité alimentaire et à une misère alarmantes, il soit nécessaire d’augmenter immédiatement la valeur de l’aide brésilienne à 600 R$, le caractère électoral de cette PEC est évident, puisque l’augmentation ne sera valable que jusqu’en décembre de cette année ! Pour faire passer ce projet au Congrès, la coalition d’extrême droite, qui réunit les militaires, le Centrão [coalition d’élu·e·s de partis qui vivent de la vente de leurs bons services politiques] et les bandes fascistes, est prête à utiliser tous les moyens, licites et illicites, pour ne pas perdre la clé du coffre.
Le deuxième pari consiste à maintenir les menaces de coup d’Etat en vue d’une nouvelle manifestation fasciste le 7 septembre [voir à ce sujet l’article « La parade du 7 septembre sur la plage de Copacabana : la démonstration golpiste de Bolsonaro » publié sur ce site le 6 août], quelques semaines avant les élections. Bolsonaro sait que Lula est le favori pour la victoire. C’est pourquoi il prépare sa base de soutien la plus radicalisée en vue : de mettre en cause le système électoral, en utilisant le prétexte d’une prétendue fraude dans les urnes électroniques. Des actions violentes pour tenter de tout saccager et de salir, dénaturer le différend pourraient se produire, à l’instar de ce qui s’est passé aux Etats-Unis en 2021, avec l’invasion du Capitole (siège du Congrès américain) parrainée par Trump.
Le troisième pari est de produire un flot de fake news dans les mois à venir [en s’appuyant, entre autres, sur les courants évangélistes réactionnaires] pour provoquer une panique morale dans des segments de la société, comme cela a été fait en 2018. Il faut s’attendre à tout : des fake news pour associer Lula et le PT à des systèmes de corruption, des attaques contre les « valeurs » familiales chrétiennes et des menaces contre les biens des gens. Les faux rapports diffusés sur les médias sociaux n’auront probablement pas le même effet qu’il y a quatre ans. Mais l’impact potentiel sur les secteurs sociaux plus conservateurs pourrait être encore significatif
Deux stratégies pour la victoire de Lula : la mobilisation et un programme de gauche
La première doit impliquer la construction d’une campagne-mouvement qui mobilise des centaines de milliers de personnes. L’orientation du soutien à la candidature de Lula doit miser sur une campagne militante qui soit présente dans la rue et s’organise dans les quartiers, les écoles, les universités et sur les lieux de travail.
Les premières activités ouvertes avec la participation de Lula démontrent une capacité significative à attirer les citoyens et citoyennes. Par exemple, lors de la célébration de l’indépendance de Bahia [initiée en février 1822 et réalisée le 2 juillet 1823], le 2 juillet 2022, l’ancien président a entraîné une foule derrière lui dans les rues de Salvador. Un large public est également attendu à l’événement à Cinelândia, à Rio de Janeiro, qui aura lieu ce jeudi 7 juillet. [Ce meeting de Lula s’est tenu le 7 juillet au centre de la ville de Rio, étaient présents la présidente du PT Gleise Hoffman, le sénateur Randolfe Rodrigues membre de Rede Sustentabilidade (dirigé par Marina Silva, ancienne ministre de l’Environnement du gouvernement Lula de 2003 à 2008, ce parti inclut Heloisa Helena, une des fondatrices du PSOL, son spectre va du centre gauche au centre droit). Etait aussi présent le précandidat au poste de gouverneur de Rio de Janeiro, Marcelo Freixo, du PSB, parti actuel de Geraldo Alckmin qui était aussi présent.]
Faire une campagne-mouvement a pour but d’élargir l’adhésion à la candidature Lula et à obtenir la victoire au 1er tour, mais surtout à construire une majorité dans la rue pour contrer le coup d’Etat. Bolsonaro veut montrer qu’il est en tête dans les relevés de « DataPovo », qui mesurent la popularité de candidats sur les réseaux sociaux. Bolsonaro essaiera d’attirer beaucoup de monde lors de ses rassemblements électoraux et, en particulier, lors de la manifestation golpiste du 7 septembre.
Face à ce scénario, il est très important de faire la démonstration que la gauche et les défenseurs des libertés démocratiques sont également majoritaires dans la rue, ne laissant pas au bolsonarisme l’hégémonie sur ce terrain. L’objectif doit être de rassembler des foules à chaque manifestation et meeting en faveur de la candidature de Lula dans les villes et de construire une grande manifestation de masse pour le 11 septembre à l’occasion de la campagne « Fora Bolsonaro » et pour la défense de la démocratie. Avec cela, pourra être restreint l’espace politique favorable au développement d’une tentative de coup d’Etat.
La deuxième stratégie doit être la présentation d’un programme de gauche qui réponde aux besoins les plus ressentis des travailleurs et travailleuses et des opprimé·e·s. Divers secteurs des élites dominantes veulent pousser la campagne de Lula [Alckmin] plus à droite, répondant ainsi aux exigences des marchés financiers, des banquiers et des grands hommes d’affaires. Ils veulent que Lula recule sur les points les plus progressistes de son programme. Céder à ces pressions est une erreur stratégique.
Il s’agit d’une campagne qui, plus encore que les précédentes, doit susciter un engagement massif autour d’un programme, puisque cette campagne-candidature fait face à un adversaire fasciste qui mobilise et organise sa base de soutien en défendant ouvertement des idées d’extrême droite.
En outre, les mots d’ordre que Lula défendra détermineront son engagement en faveur des changements nécessaires dans le pays. En ce sens, la défense de propositions concrètes adressées aux majorités sociales est essentielle, afin que les grandes masses – en particulier les secteurs les plus opprimés et exploités, les Noirs, les femmes, les jeunes, les LGBT, les pauvres, les travailleurs et travailleuses, les habitants du Nord-Est, etc. – s’identifient à la campagne et y adhèrent.
Quelques axes pour un programme de gauche
• Pour un programme d’urgence et une lutte contre l’inflation avec : (a) la fin du prix de la parité internationale (IPP) à Petrobras [c’est-à-dire la variation des prix du carburant brésilien en fonction de la cotation du pétrole et de ses dérivés sur les principaux marchés commerciaux], afin de faire baisser les prix du carburant et du gaz ; (b) l’institution du déclenchement de la hausse des salaires de manière automatique en fonction de l’inflation [échelle mobile des salaires] ; et (c) le gel des prix des articles du panier alimentaire de base.
• Défendre l’abrogation des (contre)réformes de la législation sur le travail et de la sécurité sociale, ainsi que toutes les privatisations réalisées ces dernières années, comme la vente des actifs et des entreprises de Petrobras. L’annulation de l’héritage néfaste de Michel Temer [président d’août 2016 à décembre 2018] et de Bolsonaro doit être la priorité.
• Défendre la création de millions d’emplois par des investissements publics dans un programme audacieux d’infrastructures et de travaux sociaux (écoles, universités, hôpitaux, crèches, logements sociaux, etc.) et une réelle revalorisation du salaire minimum. Pour disposer de ressources à cet effet, il est nécessaire de mettre fin au plafonnement des dépenses [initié par Michel Temer et renforcé par Paulo Guedes] et à tous les avantages accordés au grand capital, tels que les exonérations fiscales et les paiements exorbitants de la dette publique.
• Défendre un accroissement substantiel des montants et de la portée des programmes de transfert de revenus et de ressources pour l’éducation et la santé publiques. Pour disposer de l’argent nécessaire afin de financer cette augmentation, il faut taxer les grandes fortunes, les bénéfices et les dividendes des grands capitalistes et des banquiers.
• Défendre les droits reproductifs des femmes, avec l’élargissement du droit à l’avortement, afin que des milliers de femmes pauvres ne perdent pas la vie ou ne souffrent pas de graves séquelles lors d’interruptions clandestines de grossesse. [Les restrictions au droit à l’IVG ont encore été durcies sous Bolsonaro, appuyé par les évangéliques, alors que les viols de fillettes et de jeunes filles sont courants – voir l’article du Monde du 20 août 2020.]
• Défendre l’extension des quotas raciaux et la démilitarisation de la police, pour avancer dans la lutte contre le racisme structurel.
• Défense de l’enseignement de l’éducation sexuelle à l’école [Bolsonaro a supprimé toute éducation sur la sexualité à l’école], y compris le thème de la diversité sexuelle, pour avancer dans la lutte contre les LGBTphobies.
• Interdiction de la déforestation, défense de la délimitation de toutes les terres indigènes et quilombos [terres historiquement occupées par les esclaves qui ont échappé à l’esclavage ou ayant été libérés et leurs descendants] ; investissement important dans les énergies propres, afin de faire face sérieusement à la destruction de l’environnement et au réchauffement de la planète.
• Défense d’une vaste réforme agro-écologique, avec expropriation des propriétaires terriens qui commettent des crimes environnementaux, afin d’étendre la production d’aliments de qualité et bon marché pour nourrir les villes.
Resistência
Voici quelques-unes des propositions programmatiques de Resistência, un courant au sein du PSOL. Elles ont été présentées pour le débat à gauche.
La rédaction d’Esquerda Online