Après le mois de juin, une nouvelle canicule s’installe en France pour les dix prochains jours, avec des chaleurs extrêmes annoncées. Depuis 2003, les pouvoirs publics multiplient mesures et campagnes de prévention avant et pendant ces épisodes, afin d’aider la population à adopter les bons comportements et à avoir accès au matériel de base pour mieux lutter contre la chaleur. Car la canicule tue, chaque année encore, les plus fragiles, les moins informés, les moins protégés.
Mais, comme souvent, les détenus sont oubliés et le système pénitentiaire doit se débrouiller seul pour affronter la crise, alors que la situation est déjà extrêmement tendue, du fait de la surpopulation. Au 1er juillet, près de cinquante prisons étaient occupées à plus de 150 %, dont certaines à plus de 200 %, comme celles de Perpignan, de Nîmes, de Foix, de Carcassonne et de Bordeaux, selon l’Observatoire international des prisons.
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En temps normal, la surpopulation rend la détention extrêmement difficile, avec des conditions d’hygiènes déplorables, des soins peu accessibles voire inexistants, des équipements déjà vétustes qui s’usent plus rapidement, des détenus ne pouvant pas travailler, des tensions, des violences et des relations dégradées avec des surveillants débordés.
Responsabilité de l’Etat
Tout cela est connu, dénoncé régulièrement par les professionnels et les associations, et il est aujourd’hui possible de saisir le juge des libertés et de la détention, si l’on estime que nos conditions de détention sont indignes. Mais la procédure est longue et n’est pas adaptée à l’urgence qui est la nôtre cette semaine. Car, dans les prisons surpeuplées et déjà surchauffées, la canicule va rendre inhumaines, indignes et invivables les conditions de détention de la plupart des détenus du territoire.
Pour les plus fragiles d’entre eux, le risque de mourir d’un coup de chaud est bien réel. Il s’agit ici de la responsabilité de l’Etat, et tant que l’Etat n’engage pas une vraie politique de rénovation et de construction des prisons afin de les adapter à ces épisodes climatiques, des mesures doivent impérativement être prises, dans l’urgence.
La crise liée au Covid-19 a permis de constater qu’en cas d’absolue nécessité il est possible de faire diminuer la population carcérale en très peu de temps. Plusieurs mesures sont donc envisageables : remises de peine exceptionnelles (type RPE Covid) octroyées en urgence pour les détenus en fin de peine ; directives au parquet pour prioriser, cette semaine, les peines aménageables, les contrôles judiciaires et les mesures alternatives aux poursuites ; en détention, des distributions de bouteilles d’eau, de serviettes, etc., et une surveillance accrue des plus fragiles.
Surveillants pénitentiaires affectés
Il est également primordial que les juges, dans leurs décisions, prennent en considération la surpopulation carcérale en période de canicule. Les avocats ont ainsi un rôle important à jouer pour le leur rappeler. Sans une action globale et immédiate des pouvoirs publics avec le concours des acteurs judiciaires et pénitentiaires, il est à peu près certain que les prisons vont droit vers de nombreuses catastrophes, cette semaine.
Rappelons que les détenus ne sont pas les seuls affectés, mais qu’il en va aussi de la sécurité et des conditions de travail de quelque 30 000 surveillants pénitentiaires. Enfin, au-delà de cette semaine, nous devons acter que ces épisodes de chaleur exceptionnelle vont se répéter de plus en plus fréquemment.
Par conséquent, il serait plus qu’opportun de créer un mécanisme législatif, une sorte de plan d’urgence canicule pour les prisons, permettant de déclencher rapidement et efficacement les mesures nécessaires.
« Cinq détenus dans une cellule à 50 degrés, c’est compliqué. » (Source : France 3 Carcassonne – 15 juin 2022)
Marc Gallix
avocat au barreau de Montpellier
Paul Gallix
avocat au barreau de Montpellier