La frontière sud est un symbole douloureux du racisme institutionnel, un lieu où les droits humains sont violés en toute impunité et où les personnes migrantes sont criminalisées et dénigrées sans vergogne. La même barbarie se répète ailleurs dans le monde comme aux Etats-Unis où ce lundi 27 juin une cinquantaine de migrant·es ont trouvé une mort horrible dans un camion près de San Antonio au Texas.
Il est essentiel de rappeler et de souligner que les personnes migrantes du Sud proviennent pour la plupart de pays affaiblis par des siècles de néocolonialisme. Leurs économies sont actuellement asphyxiées par l’endettement auprès d’institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM). Ces dettes sont, dans de nombreux cas, odieuses, illégales et illégitimes, contractées contre les intérêts des populations. Il s’agit de pays dont les ressources naturelles ont été pillées et saccagées par les multinationales qui approfondissent le modèle extractiviste. Des pays dont les populations subissent l’imposition de politiques néolibérales et d’austérité qui priorisent le remboursement du fardeau de la dette au détriment des dépenses publiques dans les politiques sociales. Tout cela se traduit par une situation de pauvreté chronique, de fortes inégalités, de guerres et, par conséquent, des migrations vers le Nord à la recherche d’une vie meilleure.
Au lieu de prendre ses responsabilités, la réponse du Nord est une gestion criminelle des frontières, à travers des politiques migratoires mortifères et un non accueil des personnes qui migrent. Preuve en est, le fait que le budget de l’agence européenne Frontex (« European Border and Coast Guard Agency ») ne fait qu’augmenter (le budget prévu est de 5,6 milliards d’euros d’ici 2027), au même rythme que ses investissements dans des opérations de surveillance et de fortification des frontières. La gestion de l’immigration devient également une monnaie d’échange pour les pays voisins où le contrôle des frontières et la maltraitance des migrants ont été externalisés. C’est le cas du Maroc, principale porte d’entrée des Africains en Europe, qui fait pression pour obtenir une série de faveurs (comme, par exemple, un changement de la position du gouvernement espagnol sur le Sahara occidental) en échange d’une gestion restrictive du passage de ses frontières par des pratiques meurtrières, comme ce fut le cas le vendredi 24 juin.
Face à cette grave crise humanitaire et politique à la frontière sud, qui prend des vies de manière injuste et inhumaine, le CADTM INTERNATIONAL estime qu’il y a plusieurs urgences :
• Tout d’abord, nous tenons à exprimer nos condoléances et notre solidarité à l’égard de toutes les victimes de la frontière sud. Nous exigeons qu’une prise en charge sanitaire adéquate et de qualité soit dispensée à toutes les personnes hospitalisées ; la réalisation d’une enquête judiciaire sur les conditions dans lesquelles les victimes sont mortes, ainsi que l’identification et la restitution des dépouilles aux familles.
• Nous exigeons la fin de la répression criminelle des personnes migrantes et la fin des pratiques et politiques meurtrières pour contrôler le flux migratoire, financées par l’Union européenne et avec la complicité de nombreux États de la frontière sud, comme c’est le cas du Maroc.
• Dans les pays qui se situent aux frontières de l’Europe, en finir avec les dispositifs militaires tels que les murs et clôtures, les systèmes de surveillance, etc.
• La fermeture des centres d’internement de personnes migrantes, qui sont de véritables prisons.
• En finir avec la criminalisation et les lois qui catégorisent des personnes migrantes comme des personnes « illégales » ; en finir également avec les distinctions moralisantes entre bon-ne-s migrant-es (ceux et celles ayant l’accès à l’asile, celles et ceux ayant accès au marché du travail) et mauvais-es migrant-es (« illégaux »). Aucune personne n’est illégale !!
• Nous exigeons la mise en place de véritables dispositifs d’accueil des personnes migrantes, dans des conditions dignes, qui garantissent l’accès aux services publics ainsi que la possibilité d’utiliser des voies sûres (tant physiques que juridiques) pour que les personnes puissent migrer.
• Nous exigeons l’annulation des dettes dues au FMI, à la Banque mondiale, aux autres banques multilatérales, aux États créanciers et aux créanciers privés, sans conditionner cette annulation à la mise en œuvre de politiques d’austérité et de privatisations ; l’arrêt immédiat de l’accaparement des terres et des ressources naturelles des pays du Sud par des multinationales et leur restitution ou des compensations justes et équitables, pour garantir la souveraineté économique, politique et alimentaire des populations du Sud Global.
• Le respect des droits humains fondamentaux, aussi bien à travers le droit à la libre circulation et d’établissement des personnes, qu’à travers le droit à mener une vie digne ; etc.
Il faut faciliter les cadres juridiques et administratifs nécessaires pour assurer la circulation des personnes dans des conditions sûres, afin que nous puissions faire de la migration un choix, pas une nécessité mortelle. Ni les politiques d’immigration ni l’aide au développement ne pourront compenser les populations africaines pour des siècles de pillage de leurs ressources naturelles et humaines, un pillage qui se solde par une immense dette écologique, et qui les a plongés dans le sous-développement et la violence, qui a leur tour entraînent déplacement forcé et demande d’asile. La richesse naturelle et humaine que le continent possède aujourd’hui est en mesure de garantir aux peuples d’Afrique un véritable développement, et une vie sûre qui ne les forcera pas à se déplacer, si ces peuples peuvent exercer leur souveraineté sur les richesses de leur pays. L’assurance d’une vie décente et sûre pour les peuples du continent est liée à leur contrôle sur la prise de décision, qui doit échapper aux politiques néolibérales et aux mécanismes néocoloniaux (Banque mondiale, Fonds monétaire international, Organisation mondiale du commerce). Ces alternatives seront forcément liées à l’instauration de régimes démocratiques, ainsi qu’au renforcement de l’auto-organisation de ces peuples contre leurs régimes actuels et pour leur souveraineté.
PAS EN NOTRE NOM.
CE N’EST PAS UNE TRAGÉDIE, C’EST UN MASSACRE.
NI CLÔTURES NI FRONTIÈRES, LES POLITIQUES MIGRATOIRES TUENT
BLACK LIVES MATTER
CADTM International