À la lumière de la récente série de fusillades de masse aux États-Unis, l’appel au contrôle des armes à feu et le fait de blâmer les Républicains et leur base de la National Rifle Association pour le blocage de mesures anti-armes sérieuses sont évidemment corrects. L’accord républicain-démocrate de dimanche dernier sur la vérification des antécédents des jeunes de moins de 21 ans n’est qu’un petit pas en avant. Mais nous devons aller plus loin et examiner la question de savoir pourquoi l’Amérique est bourrée d’armes, pourquoi il est si facile de se procurer des armes légales et illégales, pourquoi la violence est si courante dans la culture populaire - et pourquoi les armes sont devenues des symboles fétiches d’hyper-masculinité, à tel point qu’une publicité notoire pour un fusil d’assaut proclame « Votre carte de virilité rééditée ».
Pour entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de considérer la violence armée non pas comme un phénomène isolé, mais comme le produit de caractéristiques clés du fonctionnement du capitalisme américain et de la culture populaire qu’il génère. Les principales caractéristiques de la violence armée sont les suivantes : la militarisation de la police, la violence raciste, la montée des milices d’extrême droite, la violence armée contre les femmes, un appareil militaire qui a massacré des millions de personnes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et la glorification de la violence armée dans la culture populaire. Et il y a un fait crucial à examiner : de tous les décès causés par les armes à feu, 54% sont des suicides. Qu’est-ce qui pousse les jeunes, principalement les jeunes hommes, à se suicider ?
Crédit Photo. Milice à Charlottesville, en 2017, lors du rassemblement Unite the right. Wikimedia commons
L’état de guerre et la culture populaire
À tous points de vue, les États-Unis ont la plus grande armée du monde et avec la plus grande portée mondiale. Plus de trois millions de militaires sont employés, ce qui crée automatiquement une base pour la glorification de l’armée, que l’on retrouve dans des films comme Top Gun (et sa nouvelle suite Top Gun : Maverick) et Officier et Gentleman. Cette version romantisée avec de beaux acteurs comme Tom Cruise et Richard Gere va de pair avec des versions plus brutales qui sont également glorifiées. Par exemple, American Sniper, basé sur l’autobiographie du tireur d’élite des Marines Chris Kyle, glorifie un maniaque de l’homicide qui revendique 255 « meurtres », dont beaucoup sont sans doute des civils. Dans le film, Kyle rentre chez lui et découvre que beaucoup de gens ne le comprennent pas, mais c’est lui qui est sain d’esprit et les libéraux au foyer qui sont dans l’illusion. Dans la réalité, Kyle a été abattu par l’un de ses amis sur un stand de tir, après avoir quitté les Navy Seals.
L’horrible violence américaine est également célébrée dans le film Black Hawk Down (La chute du faucon noir), dans lequel Ridley Scott dépeint le sauvetage de l’équipage d’un hélicoptère américain abattu en Somalie en 1993. Des centaines de civils et de paramilitaires somaliens ont été tués dans une orgie de violence lors de la tentative de sauvetage. Plus réaliste encore, la vidéo publiée par Wikileaks du massacre de civils en Irak, le « Crazy Horse », est représentée dans la célèbre installation publique new-yorkaise du même nom de Banksy, qui utilise la voix off de la vidéo des événements réels.
Lorsque les auteurs de The New American Century (Nouveau Siècle Américain) ont publié leur rapport très attendu en 1997, il s’agissait d’un siècle américain, fondé sur l’actualisation et le renouvellement de la domination militaire des États-Unis. Quatre ans plus tard, les attentats du 11 septembre ont justifié le lancement des invasions de l’Afghanistan et de l’Irak, qui, jusqu’au retrait américain de l’Afghanistan l’année dernière, ont causé la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes.
L’idéologie du militarisme américain repose sur le droit au leadership américain, qui repose à son tour sur les idées de l’exceptionnalisme américain, l’idée que les États-Unis sont une « lumière brillante sur une colline » - l’endroit le plus démocratique, prospère et créatif de la planète. Pendant la période de la « guerre contre le terrorisme », l’exceptionnalisme américain a rejoint les notions de ce qu’Edward Said a appelé l’orientalisme, l’idée du « choc des civilisations », selon laquelle la civilisation occidentale chrétienne (ou, dans certaines versions, judéo-chrétienne) est supérieure et plus rationnelle que les autres, en particulier la civilisation musulmane. L’orientalisme s’est incarné dans les écrits de Samuel P. Huntington1 et de son mentor Bernard Lewis2.
La guerre contre le terrorisme, qui n’est plus la priorité de la politique étrangère américaine, est devenue l’idéologie qui a remplacé l’anticommunisme de la guerre froide, disparu après l’effondrement de l’Union soviétique. À son tour, la guerre contre le terrorisme est remplacée par la préparation de guerres putatives contre la Russie et la Chine. En effet, le New American Century avait plaidé pour des préparatifs permettant de mener deux guerres majeures simultanément (évidemment contre la Russie et la Chine). Les idéologies militaires dominantes actuelles, la bataille mer-terre et la domination multi-domaine, sont basées sur la guerre contre la Chine.
L’industrie de l’armement est massive. Le budget militaire total est d’un trillion (mille millions) de dollars. Des sommes considérables sont investies dans l’armement, qu’il s’agisse d’armes de haute technologie comme l’arme militaire conventionnelle la plus efficace de la planète, le chasseur furtif F-35, ou de fusils et d’artillerie relativement peu sophistiqués. L’industrie américaine de l’armement est étroitement liée aux entreprises qui fournissent le matériel numérique dont les militaires ont besoin - même des entreprises comme Facebook et Amazon fournissent des services clés aux militaires, dans un processus que William I Robinson appelle « accumulation militarisée »3.
Les États-Unis sont le plus grand exportateur d’armes au monde, et ils utilisent leur domination militaire pour construire des alliances politico-militaires comme l’OTAN et l’AUKUS. Chaque occasion est saisie pour glorifier les forces armées américaines, ce qui explique que le Pentagone dispose d’un bureau permanent à Hollywood, et que l’utilisation de véritables équipements militaires et de soldats comme figurants dans les films nécessite l’accord du Pentagone sur le contenu du film. La glorification de la violence armée s’infiltre dans la culture populaire à tous les niveaux.
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que les États-Unis se tournaient vers l’extérieur pour renforcer leur propre puissance impériale, ils ont perpétré à l’étranger des actes de violence génocidaire qui n’ont d’égal que l’holocauste nazi. Environ deux millions de personnes ont été tuées au Vietnam pendant l’intervention américaine du début des années 1960 jusqu’en 1975. La majorité d’entre elles étaient des non-combattants.
Une police militarisée
En 2014, un soulèvement communautaire a eu lieu à Ferguson Missouri, une banlieue de Saint-Louis, pour protester contre le meurtre par la police de Michael Brown, un habitant du quartier. Les manifestants et les journalistes ont été étonnés par la réponse de la police. Les agents faisant face aux manifestants portaient tous des uniformes de type militaire et les armes déployées comprenaient des mitrailleuses lourdes et des voitures blindées. De toute évidence, la police locale a profité de la vente à bas prix des restes d’armes de la guerre du Golfe en 2003. Même les petites villes n’ont pas pu résister à la tentation d’avoir leur propre voiture blindée, leur propre hélicoptère ou l’équipement nécessaire pour constituer leur propre escouade SWAT - Special weapons and tactics, les brigades Armes et tactiques spéciales - justifiées à l’origine pour être utilisées contre les criminels armés. L’équipement militaire est devenu si répandu que toute personne soupçonnée de délits parfois même mineurs, tels que la possession de drogues pour usage personnel ou le non-paiement d’un loyer ou d’une amende, recevra la visite du SWAT. Les escouades du SWAT effectuent des « fouilles sans frapper », ce qui signifie entrer par effraction dans les maisons avec des fusils d’assaut à la main. De 2010 à 2016, 83 personnes ont été tuées au cours de ces perquisitions, ainsi que 13 policiers.4 Les perquisitions sans préavis sont un cas de prophétie auto-réalisatrice. Tous les criminels ou criminels présumés sont stéréotypés comme étant violents, et leur arrestation conduit à des fusillades et à la mort.
Lors des manifestations de Black Lives Matter en 2020, divers services armés, tels que des gardiens de prison ou des gardes-frontières, ont été utilisés contre les manifestants. À Seattle, les services des douanes et de la protection des frontières (CBP) ont utilisé du gaz CS et des flashballs contre les manifestants et procédé à des centaines d’arrestations, parfois avec une grande brutalité. Les affrontements mortels avec le CBP à la frontière mexicaine se multiplient : six « clandestins » seulement ont été tués par les gardes-frontières en 2010, puis 58 en 2021. Aucun chiffre ne permet de savoir combien de ces « clandestins » n’étaient pas armés. Au cours de l’année qui s’est achevée en mai 2022, 1009 personnes ont été abattues par la police américaine.
La violence est ancrée dans l’histoire des forces de police américaines. Dans les États du Sud, on les appelait souvent la « patrouille des esclaves », une déclaration ouverte de leur fonction consistant à garder les esclaves sous contrôle par la violence. Les premières forces de police étaient souvent utilisées contre le travail organisé en général, et les grèves en particulier5.
Mike Davis affirme6 que la classe ouvrière américaine et le mouvement ouvrier ont été sapés et détruits par deux choses : la violence de l’État et des patrons, et le racisme, qui, dès les premiers jours du capitalisme américain, a divisé la classe ouvrière - en particulier par l’hostilité envers la dernière vague d’immigrants, par exemple les Irlandais, les Juifs et les Allemands.
La violence contre les manifestants est monnaie courante. Le mouvement Occupy ! de 2010-2011 a été très impacté par les violences policières, un précurseur de la réponse au mouvement Black Lives Matter. De mémoire de beaucoup d’entre nous, le mouvement des Black Panthers, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, a été écrasé par une violence policière meurtrière. Le mouvement anti-guerre de la même période et la protestation étudiante ont également été confrontés à d’énormes quantités de violence, symbolisées par le massacre de la police à l’université d’État de Kent et l’attaque des manifestants lors de la conférence des démocrates en 19687. Mais tout au long des années 1960, le mouvement des droits civiques, principalement inspiré par des tactiques non violentes, a fait l’objet d’une violence policière extrême dans les États du Sud. Cette violence est symbolisée par l’assassinat par la police de trois membres du Congress of Racial Equality (CORE), Michael Schwerner, James Goodman et Andrew Chaney, dans le Mississippi8.
La montée des milices
Le mouvement des milices d’extrême droite est en pleine expansion depuis les années 1990, mais l’élection de Donald Trump en 2016 les a énormément encouragées. Des groupes armés avec leurs fusils d’assaut étaient bien visibles lors du rassemblement « Unite the Right » de Charlottesville en 2017. Selon les militants antifascistes, les milices d’extrême droite ont tué 329 personnes depuis 1990 (contre 92 par les terroristes islamistes). À Charlottesville, la manifestante antifasciste Heather Heyer a été tuée par le militant fasciste James Fields Jr. En 2020, un membre de la milice fasciste, Kyle Rittenhouse, a abattu deux manifestants de Black Lives Matter à Kenosha, dans le Wisconsin. Rittenhouse est devenu une tête d’affiche pour l’extrême droite. Un tribunal du Wisconsin l’a déclaré non coupable de meurtre au motif grotesque de la légitime défense. Peu importe qu’il ait voyagé depuis l’Illinois pour être présent à une manifestation de Black Lives Matter, restant dehors après le couvre-feu avec l’approbation apparente de certains des policiers présents. Il avait un fusil d’assaut AR-15 et un pistolet, afin de « défendre une propriété privée » selon la défense.
Bien que venues sans armes à feu, les milices ont joué un rôle clé le 6 janvier 2021 au Capitole. Personne ne sait vraiment combien de personnes font partie des milices armées, mais il y en a certainement des dizaines de milliers, et elles bénéficient d’une large approbation au sein du parti républicain - surtout après que Trump leur a dit de « se tenir prêts » pendant sa lutte pour annuler le résultat de l’élection présidentielle. Le soutien aux milices, et probablement l’adhésion aussi, est largement répandu dans la police ainsi que chez les républicains.
La violence armée et la communauté noire
Les principales victimes de la violence armée sont les communautés minoritaires, notamment la communauté noire. Ces deux dernières années, des fusillades de masse ont eu lieu contre la communauté noire (à Buffalo, dans l’État de New York) et la communauté asiatique à El Paso, au Texas.
Depuis 2012, le nombre d’Américains qui meurent de la violence armée est d’environ 40 000 par an. Parmi eux, près de 15 000 l’ont été au sein de la communauté noire. Bien qu’ils ne représentent qu’environ 13% de la population, les décès dans les communautés noires constituent environ 58% des meurtres par arme à feu - soit environ 15 000 par an. Seule une très faible proportion de ces décès est le résultat de tirs de la police. Les fusillades résultant de la violence des gangs de trafiquants sont beaucoup plus fréquentes. Et cela reflète à son tour les guerres de territoire dans les sections des quartiers noirs contrôlées par les gangs de la drogue. Ce qui reflète la pauvreté à une échelle gigantesque. La pression exercée sur les jeunes hommes des quartiers noirs pour qu’ils s’impliquent dans la criminalité liée à la drogue est énorme, brillamment décrite dans la série télévisée The Wire basée à Baltimore (et dans son équivalent londonien dans la série Netflix « Top Boy »).
Violence armée contre les femmes
Si la violence armée est l’apanage quasi exclusif des hommes, ce n’est pas le cas de ses victimes. Entre 2015 et 2019, plus de 11 000 femmes ont été tuées par balle. Chaque mois, en moyenne, 57 femmes sont abattues par un partenaire - autrement dit, la disponibilité des armes à feu et l’idéologie de l’hyper-masculinité (voir ci-dessous), entraînent de nombreux décès de femmes par arme à feu. En outre, chaque mois, 200 femmes en moyenne sont blessées dans des fusillades non mortelles ; plus d’un million de femmes en vie aujourd’hui ont été menacées par la violence armée. En général, les femmes ne sont pas directement impliquées dans les gangs de trafiquants de drogue ou les milices. Mais lorsqu’il y a plus d’armes à feu que de personnes dans un pays donné, et lorsque la violence armée est culturellement glorifiée, la violence armée contre les femmes s’ensuit inévitablement.
Entre 2015 et 2019, plus de 11 000 femmes ont été tuées par balle. Chaque mois, en moyenne, 57 femmes sont abattues par un partenaire - en d’autres termes, la disponibilité des armes à feu et l’idéologie de l’hyper-masculinité (voir ci-dessous), entraîne de nombreux décès de femmes liés aux armes à feu.
Il n’est pas non plus surprenant que la communauté LBGTQ+ ait été victime de fusillades de masse, la plus notoire étant l’attaque de 2016 contre la boîte de nuit Pulse à Orlando, en Floride, qui a fait 49 morts.
La personnalité néolibérale et l’hyper-masculinité
Si des millions d’Américains, jeunes et d’âge moyen, utilisent des fusils d’assaut pour « renouveler leur carte d’homme », c’est que quelque chose ne tourne pas rond, voire est pathologique, dans la culture dominante. Quelques heures passées à utiliser des jeux vidéo tels que Full Spectrum Dominance révèlent une glorification de la violence militarisée et para-militarisée, ainsi que des individus super-violents, La capacité de faire preuve de violence envers des rivaux commerciaux ou autres est célébrée dans les jeux vidéo et dans tous les films. Les services de police militarisés, la glorification de l’armée dans la culture populaire et la disponibilité généralisée des armes à feu constituent un mélange mortel qui génère des vagues successives de tireurs.
Les Républicains disent qu’il y a une crise de la santé mentale, et que c’est cela et non les armes à feu qui cause les fusillades de masse. Mais l’opposition des armes à feu à la crise de la santé mentale est insensée, car les deux choses sont étroitement liées. Les universités américaines et britanniques font état d’une crise de la santé mentale, en particulier (mais pas seulement) celle des jeunes hommes. Des décennies de néolibéralisme, un capitalisme férocement compétitif dans lequel l’individualisme, la capacité et la lutte individuelles, plutôt que la solidarité sociale, sont loués. Cette situation a créé ce que Henry G. Giroux appelle une « culture de la cruauté »9. C’est la glorification de la réussite individuelle et un mépris de « l’échec », de la pauvreté au manque d’attractivité personnelle socialement construit, en tant que résultat des échecs individuels, de l’inutilité personnelle, qui pèse lourdement sur les jeunes hommes. Cela pèsent tout aussi lourdement, et probablement davantage, sur les jeunes femmes. Les taux élevés de suicide chez les jeunes sont des symptômes de cette gamme de clichés néolibéraux, dans lesquels la « réussite » individuelle est tout, la solidarité sociale n’est rien ou, pire encore, quelque chose pour les « nuls ».Seuls les naïfs et les incapables se soucient des autres.
Les personnalités néolibérales qui réussissent sont généralement des sociopathes, une forme de trouble de la personnalité dans laquelle l’empathie et l’attention aux autres sont impossibles. Les autres sont des outils pour réussir, et non de véritables êtres humains avec des forces et des faiblesses, et sujets à des attributs humains défaillants comme la solitude et le sentiment de vide. Le film Up in the Air, dans lequel George Clooney joue le rôle d’un dirigeant d’entreprise itinérant qui réduit ses effectifs, montre comment un véritable être humain se débat dans un travail où il doit principalement licencier des gens. À la fin, leurs supplications lui parviennent. Une femme dit qu’elle va sortir du bureau, se rendre sur un pont près de chez elle et en sauter. Ce qu’elle fait.
Les troubles de la personnalité néolibéraux produisent un groupe de cadres supérieurs - chefs d’entreprises, d’hôpitaux et d’établissements d’enseignement supérieur, ainsi que des officiers supérieurs de la police et de l’armée - qui sont littéralement des sociopathes. S’ils n’instrumentalisaient pas les êtres humains, ils ne seraient pas en mesure de faire leur travail.
Des millions de jeunes et de membres de la classe ouvrière sont traités comme ce qu’Hilary Clinton a appelé des « déplorables », des personnes incapables de « réussir » dans l’idéologie tordue du néolibéralisme, ce qui suscite une colère massive, illustrée par le soutien massif à Donald Trump. Cette colère transparaît dans les messages finaux de nombreux tireurs. Un fait étonnant est que plus de 50 % des décès par arme à feu aux États-Unis sont des suicides. Un résultat tragique du capitalisme néolibéral et de la disponibilité généralisée des armes à feu.
L’hypermasculinité est une forme d’individualisme extrême, le mâle alpha dur à cuire qui est très séduisant, riche et qui peut « régler » toutes les difficultés de la vie, si nécessaire, par la violence. Et le personnage hypermasculin peut être créé, du moins en partie, en possédant et en exhibant des armes mortelles.
Le génocide impérial
Après la Seconde Guerre mondiale, alors qu’ils cherchaient à créer leur propre puissance impériale, les États-Unis se sont livrés à des actes de violence génocidaire à l’étranger, qui n’ont d’égal dans le monde de l’après-guerre que l’holocauste nazi et le régime génocidaire dérangé de Pol Pot au Cambodge. Environ deux millions de personnes ont été tuées au Vietnam pendant l’intervention américaine, du début des années 1960 jusqu’en 1975. La majorité d’entre elles étaient des non-combattants. Des centaines de milliers de civils ont été tués en Irak et en Afghanistan. Les bombardements américains ont tué plus de 10 % de la population de la Corée du Nord pendant la guerre de Corée10 - le célèbre général de l’armée de l’air Curtis Lemay a dit qu’il pensait que c’était environ 25 %.
On pourrait citer de nombreux autres exemples de violence américaine contre des ennemis internationaux. Ce qui est frappant, c’est la façon dont les civils ont été délibérément ciblés ou ont été victimes de l’indifférence des Américains à l’égard des « dommages collatéraux », comme le montre peut-être le plus clairement la façon dont ils ont détruit Manille en 1944-5 pendant leur campagne pour vaincre les occupants japonais des Philippines. Cette indifférence à l’égard des morts civiles est mise en parallèle aujourd’hui avec les tactiques russes en Syrie et en Ukraine. Le fait que l’Amérique soit le leader mondial en matière de massacre d’opposants internationaux et de civils ne justifie en rien le nombre de victimes civiles de la Russie ou ses tactiques meurtrières en Ukraine.
Grâce à leur puissance économique, les États-Unis ont pu, dans la première moitié du XXe siècle, s’imposer comme l’État le plus puissant du monde sur le plan militaire et, grâce à cette puissance, prendre la tête de l’Occident dans les alliances militaires, notamment l’OTAN.
Si vous avez un État qui est déterminé à se préserver et à s’enrichir par la force militaire et le recours à la violence, si vous ajoutez à cela la facilité d’accès à des armes de qualité militaire, si vous ajoutez à ce mélange une gigantesque crise sociale et des problèmes de santé mentale, alors vous créez des massacres par armes à feu.
Un dernier fait surprenant : des milliers d’armes illégales aux États-Unis proviennent de l’armée. Selon l’Associated Press : « Les dossiers gouvernementaux couvrant l’armée, le corps des Marines, la marine et l’armée de l’air montrent que des pistolets, des mitrailleuses, des fusils de chasse et des fusils d’assaut automatiques ont disparu des armureries, des entrepôts d’approvisionnement, des navires de guerre de la marine, des champs de tir et d’autres endroits où ils étaient utilisés, stockés ou transportés. Ces armes de guerre ont disparu à cause de portes non verrouillées, de troupes endormies, d’un système de surveillance qui n’enregistrait pas, d’effractions et d’autres manquements à la sécurité qui, jusqu’à présent, n’ont pas été signalés publiquement. Si AP s’est concentré sur les armes à feu, des explosifs militaires ont également été perdus ou volés, notamment des grenades perforantes qui ont fini dans une arrière-cour d’Atlanta. Les vols ou pertes d’armes[ph1] ont touché l’ensemble des installations militaires, d’un océan à l’autre, ainsi qu’à l’étranger. En Afghanistan, quelqu’un a coupé le cadenas d’un conteneur de l’armée et a volé 65 Beretta M9 - le même type d’arme retrouvé à Albany. Le vol est passé inaperçu pendant au moins deux semaines, lorsque des boîtes de pistolets vides ont été découvertes dans l’enceinte. Les armes n’ont pas été retrouvées. »
Partout où les militaires sont allés, des fusils et des armes de qualité militaire ont été volés.
Phil Hearse
Notes
[1] https://www.waterstones.com/book/the-clash-of-civilizations/samuel-p-huntington/9780743231497
[2] https://www.waterstones.com/book/the-crisis-of-islam/bernard-lewis/9780753817520
[3] Voir Global Police State, Pluto 2020
[6] https://www.versobooks.com/books/2759-prisoners-of-the-american-dream
Voir aussi https://www.versobooks.com/books/3752-set-the-night-on-fire
[8] https://en.wikipedia.org/wiki/Murders_of_Chaney,_Goodman,_and_Schwerner
[9] https://truthout.org/articles/the-culture-of-cruelty-in-trump-s-america/