En bon VRP du libéralisme, le président Sarkozy essaye de forcer la vente de son minitraité auprès des dirigeants européens. Peut-être compte-t-il, là aussi, sur des capitulations et des trahisons, à l’instar de personnalités politiques françaises. Toujours est-il qu’au cours des deux semaines suivant son investiture, Sarkozy a rencontré la plupart des dirigeants de l’Union : l’Allemande Angela Merkel, le jour de son arrivée à l’Élysée, Hans-Gert Pöttering, le président du Parlement européen, sans compter Blair et le président de la Commission, José Manuel Barroso, lors d’un voyage express à Bruxelles, puis l’Italien Romano Prodi, et enfin l’Espagnol José Luis Zapatero.
Le Premier ministre socialiste espagnol a donc vu débouler, jeudi 31 mai, Nicolas Sarkozy, entouré d’une équipe de choc - Bernard Kouchner (ministre des Affaires étrangères), Jean-Pierre Jouyet (ministre des Affaires européennes) et Michèle Alliot-Marie (ministre de l’Intérieur). En l’espace d’un après-midi et d’une moitié de soirée, il a bouclé une rencontre avec le Premier ministre, un entretien avec le leader de la droite, Mariano Rajoy, et un dîner avec le roi Juan Carlos. Les contraintes du calendrier, en l’occurrence le sommet européen de clôture de la présidence allemande qui se tiendra à Bruxelles, les 21 et 22 juin prochains, expliquent la raison de ces visites intempestives.
À ce sommet européen, Sarkozy tentera le tout pour le tout, afin d’arracher un accord des chefs d’État et de gouvernement européens sur son minitraité, pour pouvoir ensuite faire ratifier son « règlement intérieur du libéralisme » par voie parlementaire au cours de la présidence française de l’Union européenne, en 2008, et clore ainsi le débat avant les élections européennes de juin 2009. Ce minitraité à la mode Sarkozy repose sur deux idées force : premièrement, il propose la fin de la présidence tournante de l’Union, au profit d’un président nommé pour deux ans et demi et, deuxièmement, de mettre fin à la règle de l’unanimité, pour la remplacer par la majorité qualifiée concernant les décisions à 27.
Si la proposition d’un minitraité fait, pour l’instant, l’objet d’une écoute polie dans les capitales européennes, elle est loin de convaincre la chancelière allemande, Angela Merkel, en charge actuellement de la présidence de l’Union européenne et, plus généralement, les représentants des dix-huit pays ayant déjà ratifié le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Mais les agitations du président français révèlent la valeur qu’il accorde aux votes des parlementaires et, surtout, aux résultats des référendums, négatifs en France ou en Hollande, ou positifs en Espagne et au Luxembourg. C’est-à-dire, pas grand-chose...
* Paru dans Rouge n° 2209 du 7 juin 2007.
Brève
Le grand mensonge
Rouge
À Strasbourg, le 2 juillet, Sarkozy a tenu un meeting sur le thème de l’Europe, quelques jours avant l’ouverture, le 23 juillet prochain, de la conférence intergouvernementale chargée de régler les détails du traité européen sur lequel se sont mis d’accord les Vingt-Sept au sommet de Bruxelles.
Par ce traité, il ne s’agit que d’imposer, aux populations qui l’ont rejetée, une nouvelle mouture de la Constitution européenne, obtenue à l’issue de laborieux marchandages entre les gouvernements. Qu’à cela ne tienne, Sarkozy s’est présenté en « sauveur » de cette Europe qu’il aurait réussi à « débloquer », grâce à un traité qui ferait la « synthèse entre le “oui” et le “non” ». Cette synthèse, c’est un peu « d’Europe de la paix », un peu d’Europe des « nations » et des « frontières » pour complaire aux souverainistes et aux chauvins, un peu d’Europe de la « démocratie », pour laisser croire que les populations auraient leur mot à dire. C’est une « Europe qui refuse la mondialisation sans règle », c’est-à-dire, comme l’a précisé Sarkozy, qui conteste que les États-Unis obtiennent de l’OMC des dérogations qu’elle-même n’obtiendrait pas.
Sarkozy croit pouvoir faire accepter « l’Europe puissance », qui impose les intérêts de ses bourgeoisies, et des plus riches d’entre elles, face à leurs rivales américaine et asiatiques. Il croit pouvoir faire des travailleurs les fantassins volontaires de cette guerre économique qui ruine la société. Hubert Védrine, ex-ministre socialiste, à qui il a confié la rédaction d’un rapport sur la mondialisation, participera sans doute à cette entreprise de mystification. Pour nous, c’est toujours « non »
* Paru dans Rouge n° 2213 du 5 juillet 2007.