C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris le décès de l’historien Claude Liauzu. Né en 1940, à Casablanca, militant du PCF puis pour l’indépendance de l’Algérie, il a été l’un des premiers à défricher le vaste chantier de l’histoire coloniale.
Longtemps enseignant en Tunisie, puis professeur à l’université Paris VII, il concevait le métier d’historien à la fois dans une indépendance totale et dans un engagement citoyen. Il a été l’un des initiateurs de la pétition d’historiens qui se sont opposés à la loi du 23 février 2005, initiée par la droite, qui tentait, sous la pression des nostalgiques du temps des colonies, d’imposer une histoire officielle vantant le « rôle positif de la colonisation ». Dans le même temps, il n’hésitait pas à critiquer les chefs d’État des pays du Maghreb, qui utilisent la mémoire de la colonisation pour faire diversion sur leurs propres turpitudes. Il refusait également toute essentialisation du statut des colonisés, s’inquiétait de la concurrence des mémoires et combattait les théories bâties autour du « choc des civilisations ». Il venait récemment encore de diriger un très intéressant Dictionnaire de la colonisation française (Larousse), récemment chroniqué dans Rouge (n° 2206, 17 mai 2007) [voir ci-dessous].
Plus que par des condoléances ou des hommages ritualisés, la meilleure façon d’honorer la mémoire d’un historien est sans doute d’utiliser ses œuvres et ses recherches pour accomplir un nécessaire travail de mémoire.
* Paru dans Rouge n° 2209 du 7 juin 2007.
Dictionnaire de la colonisation française, sous la direction de Claude Liauzu, Larousse, 26 euros.
À l’heure où le président nouvellement élu affirme haut et fort son opposition à toute repentance, ce dictionnaire permet d’apporter un point de vue d’historiens et de faire le point des recherches sur la colonisation française. L’article 4 de la loi du 21 février 2005 prétendait obliger historiens et enseignants à mettre en avant le « rôle positif de la colonisation française ». Une telle conception n’a pas de sens d’un point de vue historique, car il s’agit de chercher à comprendre les mécanismes de la colonisation, non d’affirmer un point de vue normatif.
Cet ouvrage se veut un outil de vulgarisation des acquis de la recherche sur les coloniales. Il se présente sous la forme d’un dictionnaire à plusieurs entrées (thèmes, individus, zones géographiques…), précédé d’éléments sur la chronologie de la colonisation et d’une introduction qui tourne autour de plusieurs questions : pourquoi la colonisation, a-t-elle eu un rôle « positif » ou « négatif » ? Peut-on parler de sociétés postcoloniales ? Un outil qui tombe à pic dans le contexte actuel.
Sylvain Pattieu
* Paru dans Rouge n° 2206 du 17 mai 2007.