Les participants dont de nombreux enfants ont été intéressés par cette animation et ont pu admirer la diversité des papillons de nuit et quelques autres insectes. La température clémente et l’absence de vent ont été favorables et nous ont permis d’inventorier une vingtaine d’espèces de Lépidoptères dont la présence de 4 d’entre-eux n’avait pas encore été signalée du parc.
Le protocole de Science participative sur les papillons de jour SPIPOLL (Suivi Photographique des Insectes POLLinisateurs a été présenté par Fabienne. J’ai présenté sommairement l’intérêt de la connaissance des Hétérocères.
Le lecteur pourra retrouver ces aspects dans les deux anciens posts sur le site de BNEV.
La très grande majorité des lépidoptères sont de mœurs nocturnes. En effet, même si les papillons de jours (Rhopalocères) sont bien connus, leur effectif ne représente pas plus de 5 % de l’ensemble des espèces (environ 5300 en France)
En plus de l’utilisation des pesticides et de l’urbanisation, les papillons volant la nuit sont affectés par la pollution lumineuse.
En effet cette pollution ou disparition de la nuit due en grande partie à l’éclairage urbain et des sites industriels est nocive pour les espèces animales nocturnes.
23 % de la surface mondiale terrestre est éclairée dont 88 % pour l’Europe. Le taux annuel de la raréfaction de la nuit était en 2016 d’environ 6 % à l’échelle mondiale.
30 % des vertébrés et 60 % des invertébrés sont affectés par l’éclairage urbain. Différentes études assez récentes ont prouvé que les papillons de nuit descendent moins dans la végétation pour se nourrir dans les zones éclairées. Ceci affecte aussi leur reproduction [1].
Rappelons que les radiations ultraviolettes que notre système oculaire ne permet pas de détecter sont analysées par les yeux à facettes des Lépidoptères nocturnes. Ils se déplacent souvent la nuit dans une direction faisant un angle constant avec les rayons UV provenant de la lune, qui est sur un court laps de temps un point fixe à l’infini.
Ils sont donc leurrés par l’éclairage urbain (et les lampes utilisées pour les attirer) et viennent tournoyer ou se poser près des lampes.
Lors de ce samedi quelques insectes d’ordres différents se sont posés sur le drap.
Quelques Coléoptères diurnes se sont joints aux papillons de nuit. Nous avons noté plusieurs Coccinelles asiatiques et un représentant de la famille des Cantharides : Le Téléphore livide Cantharis livida.
Téléphore livide, Cantharis livida, Beaumonts 21 mai 2022, cliché André Lantz
La mare perchée n’étant pas éloignée de la lampe, quelques Diptères dont des Chironomes ont été attirés.
Chironome, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
Enfin quelques punaises aquatiques ont été également attirées. Ces petites espèces qui ne dépassent pas 5 à 7mm de longueur possèdent des pattes qui leur permettent de ramer à la surface de l’eau. L’espèce photographiée ressemble à Callicorexa praeusta. La photographie de la face ventrale aurait peut être permis de confirmer cette espèce.
Callicorexa praeusta à confirmer, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
Pour les papillons de nuit (Hétérocères) on peut artificiellement distinguer les espèces d’assez grandes tailles supérieure à environ 1,5 cm désignées communément par Macrohétérocères des espèces de taille plus petite : Microhétérocères ou usuellement microlépidoptères.
Une famille originale de papillons est celle des Hépiales (Hepialidae). Cette famille fait partie de l’infra-ordre des Exoporia. Leurs antennes sont courtes et ils ne possèdent pas de palpes maxillaires. La nervation des ailes antérieures et postérieures est assez semblable.
Les chenilles se nourrissent de racines de diverses plantes. La nymphose se fait donc dans le sol. La France compte 9 espèces d’Hépiales dont certaines ne se trouvent que dans des biotopes montagnards.
Ce sont des papillons de taille modeste allant d’une envergure de 6 à 7mm pour les plus petits à plusieurs cm pour les plus grands. Nous avons vu une petite dizaine de Louvettes (Korscheltellus lupulinus). Cette espèce discrète est rarement observée de jour mais est bien détectée à la lampe. La chenille consomme les racines de diverses plantes basses : Graminées, Plantain, Ortie, Carotte…
L’espèce est univoltine (une seule génération annuelle) et vole en mai et juin.
La Louvette, Korscheltellus lupulinus, Beaumonts 21 mai 2022, cliché André Lantz
Les tordeuses
Dans les microlépidoptères la famille des Tordeuses compte environ 600 espèces en France. Leur envergure s’étale de 5 à 7mm pour les plus petits à 2,5 à 3 cm pour les plus grands.
Les ailes antérieures recouvrent les ailes postérieures au repos. Elles se replient en toit sur le corps. Les ailes antérieures sont assez larges et en général de couleurs plus ou moins vives et possédant divers motifs qui peuvent permettre une identification aisée pour certains le leurs représentants. Les ailes postérieures sont en général uniformes. Les chenilles enroulent ou tordent les feuilles afin de pouvoir les consommer tout en restant cachées. Cette particularité est à l’origine du nom de la famille.
52 espèces de tordeuses ont déjà été répertoriées au Parc des Beaumonts. Lors de cette sortie nocturne trois nouvelles espèces ont pu être observées. En dehors des tordeuses très courantes et celles qui occasionnent des dégâts comme le Carpocapse des pommes qui vit à l’intérieur du fruit et qui le rend invendable, la majorité des espèces n’ont pas de nom vernaculaire mais ne possèdent que la désignation latine binominale.
La plus grande est Choristoneura hebenstreitella. Son envergure est d’environ 2,3 cm. Elle ne semble pas avoir été détectée récemment en Seine-Saint-Denis. La chenille polyphage se nourrit aux dépens de nombreux arbres : Saules, Pommiers, Poiriers, Noisetiers, Chênes, Bouleaux, Pruniers, Sureaux et aussi des Ronces. L’époque de vol de l’adulte en France s’étalerait de mai à juin.
Choristoneura hebenstreitella, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
La seconde espèce de taille un peu plus petite est Ptycholoma lecheana. L’imago attiré par la lampe est déjà un peu défraîchi et ne possède pas les couleurs des imagos fraîchement éclos. Il est quand même reconnaissable au pli formé sur l’apex de l’aile antérieure. J’ai déjà trouvé cette espèce en Seine-Saint-Denis et dans le bois de Vincennes (Paris). Sa chenille est également polyphage sur les essences d’arbres et d’arbustes.
Ptycholoma lecheana, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché studio : André Lantz
Ptycholoma lecheana, Bois de Vincennes, 23 avril 2020 ; cliché André Lantz
Enfin la troisième est nettement plus petite et joliment colorée. Selon l’orientation de la lumière sur l’aile antérieure on peut admirer des bandes argentées. Le point noir sur chaque aile est formé d’une touffe d’écailles noires qui se dresse perpendiculairement au plan de l’aile. Il s’agit d’Acleris bergmanniana. Ce spécimen s’est posé sur le pantalon de Sylvain. Elle vole en fin d’après-midi de juin à juillet mais est également attirée par la lumière.
Acleris bergmanniana, Beaumonts, 21 mai 2022 ; cliché : André Lantz
Les Pyrales
Les Pyrales sont représentées par environ 500 espèces en France.
Leur taille est plus variable que celles des tordeuses car si certaines ne dépassent pas 1 à 1,5 cm d’envergure, d’autres dépassent la taille des Piérides ! La Pyrale de l’Ortie est une pyrale de grande taille des plus communes. Les Pyrales se caractérisent également par la présence d’écailles à la base de la trompe. Le parc des Beaumonts accueille 45 espèces. Certaines espèces sont diurnes comme la Pyrale de la menthe et celle du plantain. D’autres sont attirées par la lumière. Les ailes sont de forme assez allongée. Les ailes antérieures recouvrent les ailes postérieures au repos.
Deux Pyrales ont observées lors de cette session. La première, l’Eudorée pâle [2] Eudonia pallida, possède une envergure de 16 à 18mm. Cette espèce est assez terne et possède moins de dessins que les autres représentants de la sous-famille des Scopariinae. Les chenilles de cette sous-famille se nourrissent de mousses ou le lichens. L’Eudorée pâle se nourrit de mousses terrestres où elle tisse un abri de soie. Elle avait déjà été découverte de jour sur la friche centrale du parc où se trouvent maintenant les vaches et les chèvres.
L’Eudorée pâle, Eudonia pallida, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
La seconde, beaucoup plus commune et riche de motifs bien contrastés, est L’Eudorée commune [3] Eudonia mercurella. Sa chenille forme également une galerie de soie sur les mousses. L’imago est observé de mai à septembre. Il a été observé de nombreuses fois sur le parc posé sur des troncs.
L’Eudorée commune, Eudonia mercurella, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
Les Yponomeutes
Les Yponomeutes sont regroupés dans un ensemble de plusieurs familles. Si le genre Yponomeuta est représenté par des imagos blancs à petits points noirs, d’autres Yponomeutes ont une livrée bien différente. En particulier dans la famille des Plutellidae cet Eidophasia messingiella est très caractéristique. Les ailes sont brun-noir entrecoupées d’une ligne blanche. Les antennes sont noires sur environ les 2/3 et la partie terminale est blanche. Les écailles noires très épaisses sur les antennes sont celles d’une femelle. Le mâle présente aussi des écailles noires mais moins grandes. Un imago avait déjà été découvert par hasard de jour en passant un coup de filet dans la végétation basse où pousse une de ses plantes favorites ; le Cardaire drave ou le Passerage drave : Cardaria drava ou Lepidium drava. Cette espèce est univoltine et l’adulte vole de juin à juillet.
Eidophasia messingiella, Beaumonts 21 mai 2022, cliché studio : André Lantz
Les Macrohétérocères sont essentiellement représentés par deux grandes familles : Les Géomètres et les Noctuelles.
Les Géomètres
Les Géomètres (environ 600 espèces en France) tirent leur nom de la manière dont se déplacent les chenilles. Ne possédant pas de fausses pattes, elles doivent s’arc-bouter pour se déplacer telle la chaîne de l’arpenteur ou du géomètre. Le corps est assez grêle. Les ailes sont posées à plat sur le support et les postérieures sont visibles. Les dessins et stries sont en continuité et souvent cryptiques lorsqu’elles sont posées sur les écorces d’arbres ou dans la végétation.
Il a été recensé aux Beaumonts, mais surtout en journée, une petite cinquantaine d’espèces.
Nous avons vu lors de cette nuit :
l’Alternée : Epirrhoe alternata
La Géomètre à barreaux : Chiasmia clathrata
L’Acidalie dégénérée : Idaea degeneraria
l’Acidalie dégénérée, Idaea degeneraria, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
La Boarmie rhomboïdale : Peribatodes rhomboidaria
On notera les antennes bipectinées de ce mâle qui se réduisent avant d’atteindre l’extrémité. Les antennes permettent en particulier à l’adulte de détecter une faible quantité de molécules émises par la femelle et de pouvoir ainsi s’en approcher la nuit.
La Boarmie rhomboidale, Peribatodes rhomboidaria, cliché André Lantz
L’Horisme jumeau : Horisme radicaria
Cette espèce est très voisine de l’Horisme élégant : Horisme tersata . les chenilles de ces deux papillons s’alimentent de la Clématite. L’Horisme jumeau présente en général une coloration plus ocre que celle de l’Horisme élégant qui est plus grise. Les stries sont moins visibles chez l’Horisme jumeau que chez l’Horisme élégant. L’examen des pièces génitales a montré que ces deux espèces cohabitent au parc des Beaumonts. Selon Patrice Leraut, sur une même station où se trouvent les deux espèces, H. radicaria préfèrerait les biotopes ensoleillés et assez secs.
Horime jumeau, Horisme radicaria, Beaumonts, 21 mai 2022 ; cliché André Lantz
Le Céladon : Campaea margaritata
Cette belle espèce est arrivée le dimanche matin vers 0h20. Elle n’est pas venue sur le drap mais s’est posée sur l’herbe où elle a été photographiée. La chenille de cette espèce se nourrit de feuilles d’essences arbustives diverses : Saule, Charme, Aulnes, Hêtre, Chênes, Fruitiers, Érables… La chenille hiverne et les adultes émergent en mai-juin. Une seconde génération dont les adultes sont de plus petite taille a lieu en août-septembre.
Le Céladon, Campaea margaritata, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
Les Noctuelles
Les Noctuelles forment la famille la plus importante en nombre d’espèces (plus de 900 en France). Les ailes antérieures recouvrent les postérieures au repos. Le corps est trapu et le vol rapide et vigoureux. Nous n’avons recensé qu’une cinquantaine d’espèces aux Beaumonts.
Lors de cette nuit nous avons vu :
Le Gamma ou Lambda : Autographa gamma,
Le Hibou : Noctua pronuba
La méticuleuse Phlogophora meticulosa. Nous avons pu observer le repliement des ailes antérieures.
La Troënière Craniophora ligustri que nous avions déjà observée lors de notre première séance nocturne. Plusieurs exemplaires de cette espèce se sont posés sur le drap ainsi que deux exemplaires entièrement noir (forme nigra).
La Troënière, Craniophora ligustri, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
Forme noire de la Troënière : Craniophora ligustri f. nigra, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
L’écaille tigrée (Spilosoma lubricipeda) a séduit les participants et participantes par sa jolie livrée.
Deux imagos de cette belle espèce se sont posés sur le drap.
Ecaille tigrée, Spilosoma lubricipeda, Beaumonts, 21 mai 2022 ; cliché André Lantz
Enfin une espèce du genre Oligia, à savoir Oligia strigilis, la Procude du Dactyle, a été observée et collectée. Plusieurs imagos de ce papillon se sont posés sur le drap. Elle fait partie d’un complexe de trois espèces qui peuvent être confondues : Oligia strigilis (Procude du Dactyle), Oligia versicolor (Procude versicolore), Oligia latruncula (Procude trompeuse). L’analyse des pièces génitales est souvent nécessaire pour lever l’indétermination. Cette analyse a été effectuée au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) par Jérôme Barbut, spécialiste des Noctuelles, sur des spécimens récoltés au parc des Beaumonts, ce qui a permis de confirmer la détermination. Les chenilles de ces trois espèces vivent sur les graminées de la famille des Poacées. Elles volent de mai à août.
Procude du Dactyle, Oligia stigilis, Beaumonts, 21 mai 2022, cliché André Lantz
La Procude du Dactyle, Oligia strigilis, Beaumonts 21 mai 2022, cliché studio, André Lantz
Cette espèce n’avait pas encore été observée dans le parc.
André Lantz et Fabienne Dueymes, membres de l’OPIE (Office Pour les Insectes et leur Environnement)
le 28 mai 2022.