Le monkeypox est un virus à ADN, donc assez stable, cousin de la variole, mais qui n’en a pas, loin de là, la gravité. La plupart des cas connus depuis 1958, surtout ceux du groupe Nigéria responsable de la diffusion actuelle, guérissent naturellement au bout de 3 semaines, la mortalité semblant cantonnée aux enfants, femmes enceintes et immuno-déprimés. Les personnes de plus de 50 ans, qui ont connu la vaccination anti-variolique, semblent relativement épargnés.
La variole du singe est une zoonose, avec un réservoir animal constitué de petits rongeurs, concentrés dans deux foyers connus, d’Afrique de l’ouest et du centre. Peu contagieuse, il faut des contacts physiques étroits avec la peau infectée ou ses résidus, ou peut-être un contact respiratoire étroit pour attraper la maladie. Elle n’a jamais pu déclencher de véritable épidémie en Afrique.
La double nouveauté, c’est l’émergence de cas de variole du singe sans notion de voyage dans les pays d’endémie, loin de tout réservoir animal connu d’une part, et la possibilité plus grande de transmission inter humaine, qui semble probable au vue de sa rapide diffusion à de nombreux pays. L’information du public et des professionnels de santé pour repérer et isoler les cas, sans stigmatiser une communauté comme au début du Vih avec le cancer gay, la moitié des cas documentés étant des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, est essentielle pour essayer d’étouffer la poussée épidémique à son début.
La vaccination des cas contact pose le problème de la disponibilité vaccinale et de la balance bénéfice-risque. Le vaccin, vivant atténué, de troisième génération présente beaucoup moins de risques que les anciens vaccins, et peut être utilisé chez les immuno-déprimés.
Comment ne pas être frappé par l’accélération de l’émergence de nouvelles pandémies. Chaque siècle avait sa pandémie. Mais depuis le début du 20e siècle, six pandémies majeures ont émergé, trois de grippe, le Vih, zika et le covid 19, sans parler des Nipa, Ebola, Sras, Mers, Chikungunya ou grippe porcine à H1N1. Une pandémie tous les 10 ans, 15, 20 ans. A chaque fois il s’agit de zoonoses, de virus issus de la faune sauvage, qui rompent la barrière d’espèce et arrivent à se diffuser à l’homme, puis entre les humains.
Or les zones de grande bio-diversité qui abritent ces virus sont agressées à une vitesse incroyable par la mondialisation capitaliste, alors qu’un processus d’urbanisation accéléré et sans contrainte de santé publique, qu’un processus de mondialisation accéléré des échanges, de marchandises, de travailleurs, de touristes, d’animaux sauvages ou d’élevage… favorise leur diffusion ultra rapide.
La destruction massive et rapide des dernières grandes forêts, souvent pour laisser place à la monoculture de palme ou la culture extensive de bétail de l’agro-capitalisme, favorise la proximité entre humains et animaux réservoirs ( virus Nipa chez les cueilleurs d’arbre à palme, qui abritent maintenant les chauves-souris fructivores, auparavant cachées dans les profondeurs des forêts).
Dans le même temps, le réchauffement climatique, ses feux de forêt, ses sécheresses, les échanges commerciaux favorisent les changements de territoire des animaux hôtes (chauves-souris porteuses du virus ebola au Congo, qui migrent vers l’Afrique de l’Ouest pour y déclencher l’épidémie de 2014 ; émergence d’une forme hémorragique de dengue par diffusion mondiale des 4 virus de la dengue ; transport de moustiques tigres, responsables du zika, dans des vieux pneus venant d’Asie du Sud Est ; 43 cas de Monkeypox aux Usa en 2003 après l’achat de chien contaminés par des rats de Gambie en animalerie). L’effondrement de la biodiversité élimine des espèces qui ne pouvaient pas héberger ou transmettre à l’homme certains pathogènes. Cet effet de dilution est mis aujourd’hui en danger.
Personne ne connait l’avenir du Monkeypox. Chaque épidémie a son mécanisme d’émergence. Mais toutes plongent au cœur de la mondialisation capitaliste.
Frank Prouhet