Donc nos sœurs moscovites une fois encore ont affronté
la rue, ce
dimanche 27 mai. Une rue hostile. Une rue anxyogène.
Une rue
interdite. Ainsi, des Marches de la Fierté, presque
quarante ans après
Stonewall, continuent à être réprimées. Rien que pour
ça, elles sont
nécessaires. Elles obligent à tomber les masques.
En même temps, on peut difficilement dire que Poutine
et ses amis
mafieux agissent masqués. Les charniers de
Tchétchènes, quelques
cadavres deci-delà de journalistes trop curieuses, les
répressions des
militantEs en témoignent. Font pas beaucoup d’efforts.
Mais pourquoi
en feraient-ils ? Le silence de nos États est
assourdissant.
Donc nos sœurs moscovites une fois encore ont affronté
la rue, ce
dimanche. « Être solidaire, c’est encourir les mêmes
risques », disait
l’autre. Alors, légitimement, nous affirmons : hier,
aujourd’hui,
comme tous les jours, nous sommes solidaires de nos
sœurs un peu
partout dans le monde, qui peuvent craindre, à chaque
instant, pour
leurs corps, pour leurs vies. Cette peur, cette
intériorisation de la
peur, nous la vivons aussi, nous ne la connaissons que
trop bien.
Quand on dit ça, généralement, le monde straight
proteste : « on
exagère », « on en fait trop », « on hystérise », « ça
s’est
énormément amélioré ».
Ah bon ?
On n’en a pas vraiment l’impression. Il n’y a pas un
nous « civiliséEs
» et un eux « attardés »... Les injures et les
tabassages : c’est une
menace que connaît, avec des régularités et des degrés
différents,
toutE transpédégouine.
Mais « la peur est réactionnaire », disait l’autre. Et
le monde est
suffisamment réac’ pour qu’on n’en rajoute pas une
couche.
C’est la peur qui a fait voter Sarkozy.
C’est la peur de Sarkozy qui a fait voter contre
Sarkozy.
On voit où nous en sommes...
Et puis : aucune politique émancipatrice ne peut
s’inventer à partir
de la peur. Aucune.
Alors :
Nous devrions être honteuses, nous sommes fières.
Nous devrions être invisibles, nous sommes inévitables
et
resplendissantes.
Nous devrions avoir peur, nous sommes invincibles.
Donc nos sœurs moscovites une fois encore ont affronté
la rue, ce
dimanche. Et nous voudrions leur adresser un signe de
solidarité. Mais
si « être solidaire, c’est encourir les mêmes risques
» , il faut
aussi affirmer que ce qu’elles vivent est sans commune
mesure avec nos
Prides. Ici, la haine politique est plus larvée,
camouflée. Elle est
moins frontale.
Certes, Christine Boutin est rentrée au gouvernement
(et on ne peut
que craindre pour les assocs de quartier, notamment
celles pour les
droits des femmes ).
Certes, Vanneste parade à Matignon.
Certes, L’Alliance Parlementaire.
Certes, Sarkozy.
Etc.
Mais nos Pride attirent moins les fascistes et les
flics que les
politiques et les marchands. Ce qu’on affronte, nous,
dans nos
Marches, ce sont (pour les encore-placardiséEs) les
risques de la
visibilité et (pour beaucoup) le poids de
l’homo-normativité. Ni la
répression policière, ni les attaques de groupes
d’extrême-droite, ni
la violence d’État. Nous avons ici des revendications
que le pouvoir
combat. Là-bas, avant même toute revendication, c’est
leur droit à
être dans la rue, collectivement, en tant que
TransPédéGouines, qui
leur est refusé.
Et c’est ce qui s’est passé ce dimanche à Moscou :
arrestations,
tabassages...
Donc : notre sort n’est pas le leur.
Enfin si : il l’est. Car nous ou elles c’est tout
comme. Ou : il faut
que cela le devienne.
Que les États comprennent qu’on ne peut impunément
s’attaquer à nos
sœurs là-bas sans encourir des réactions ici. Que
notre État comprenne
que nous exigeons la même protection, les mêmes droits
pour elles que
pour nous. Que nous n’en avons pas fini avec nos
combats ici - mais
que nous les articulons avec leurs combats là-bas.
Qu’ils sont
indissociables.
Bref, une solidarité intraitable, inconditionnelle.
Tout cela, pour l’instant, ce ne sont encore que des
paroles. C’est à
nous, transpédégouines, de nous organiser pour faire
valoir nos
exigences nécessairement internationalistes.
Pour forcer nos États à réagir. Pour peser réellement
face à leur
cynisme, leur indifférence. Pour mettre en pleine
lumière la
complicité des États - contre les populations.
C’est le minimum.
Ils ne feront rien sans qu’on ne les y oblige. Ni pour
nos droits, ni
pour ceux de nos sœurs.
Et puis, à force de nous battre, peut-être qu’un jour,
toutes les
Pride du monde seront autorisées.
Mais ce ne sera pas fini : il nous restera à en
chasser les marchands.
Et à créer enfin un monde où toute fierté sera devenue
inutile.
On mène tous les combats en même temps, incapables de
choisir. On
voudrait tout tout de suite.
Car nous ne rêvons pas d’un monde plus tolérant. Nous
rêvons d’un
monde différent.
TaPaGeS
le 28 mai 2007
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TaPaGeS - TransPédéGouines de Strasbourg
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