Le Cachemire sous contrôle pakistanais a subi, le 8 octobre dernier, le pire tremblement de terre depuis sept décennies, voire plus d’un siècle. La Province de la frontière du Nord-Ouest a elle aussi été durement frappée, bien que moins gravement ; ainsi que le Cachemire sous contrôle indien.
A l’heure où cet article est écrit, le nombre des victimes est officiellement évalué par le Premier Ministre pakistanais à plus de 53.000 morts (40.000 au Cachemire et 13.000 dans la province frontalière), 67.000 blessés et 3,3 millions de personnes jetées à la rue. Que sont les chiffres réels et les connaîtra-t-on jamais ?
L’information sur la situation dans les zones sinistrées reste parcellaire. Les grands médias internationaux quittent peu Islamabad (la capitale du Pakistan) et Muzzaffarabad (la capitale du Cachemire sous contrôle pakistanais). La « couverture » de l’événement est bien moindre que lors du tsunami de décembre 2004. Ce dernier concernait certes une région plus vaste et les confins du Cachemire sont difficiles d’accès. Mais on ne peut s’empêcher de penser que l’absence de complexes touristiques dans cette région sur pied de guerre (le face-à-face indo-pakistanais le long de la « ligne de contrôle ») est pour quelque chose dans cette différence de traitement médiatique. Quant à l’armée, particulièrement omniprésente sur cette frontière « chaude », elle ne fait comme à l’accoutumé que dans la propagande.
Populations à l’abandon
Le caractère parcellaire de l’information ne nous interdit pas de soulever quelques questions. Dix jours après le tremblement de terre, la situation des villageois survivants, dans les zones reculées, est toujours dramatique. Ils doivent tenter de rejoindre à pied (en vingt-quatre ou quarante-huit heures parfois) les centres urbains, alors que l’hiver s’annonce : pluies, neige, gel nocturne. De grands blessés ont souvent passé une semaine sans soins et avant d’être transportés par des moyens de fortune vers les antennes médicales. Nombre d’entre eux sont morts en attendant les secours.
L’administration des Nations unies a déclaré que le pays avait « désespérément » besoin d’hélicoptères. Or, des hélicoptères, il y en a pléthores dans cette région ultra-militarisée (l’Afghanistan est à une heure de vol). Ils ne sont arrivés qu’au compte-goutte. Les habitants de la Nouvelle Orléans, envahie par les eaux, ont déjà payé au prix fort les priorités impériales de leur gouvernement : les fonds publics destinés à l’entretien des digues avait été détournés au profit de l’occupation irakienne. C’est aujourd’hui le tour des sinistrés du Cachemire d’en subir les conséquences. Leur territoire n’est considéré que comme un cul-de-sac stratégique qui ne mérite pas l’ample mobilisation de moyens que nécessite les secours en montagne.
Autre parallèle. Comme sur les côtes de l’océan Indien, la solidarité entre pauvres et gens du commun a commencé a opéré bien avant que les secours gouvernementaux n’arrivent, fort lentement. Face aux critiques, le président du Pakistan, le général Pervez Musharraf, a eu beau jeu de répondre qu’on ne saurait lui reprocher de n’avoir pas fait beaucoup mieux que George Bush lors de l’ouragan Katrina, alors que ce dernier est à la tête du pays le plus riche du monde. Mais derrière l’auto-absolution que se décernent les chefs d’Etat, on sent poindre la même indifférence à l’égard des pauvres (petit peuple de la Nouvelle Orléans, montagnards du Cachemire), littéralement « invisibles » aux yeux des puissants.
Dans un article destiné à absoudre le gouvernement pakistanais, le Daily Times de Lahore a exprimé de façon saisissante cet aveuglement social. Les grandes villes n’ont été que marginalement touchées, ce qui lui fait écrire que « le Pakistan a subi des dégâts relativement légers », comparé à d’autres séismes (article traduit dans le Courrier international du 13 octobre 2005). Des villages entiers sont pourtant rayés de la carte, le chiffre des morts dépassera peut-être les 100.000. Le pourcentage de victimes par rapport à la population totale est souvent particulièrement élevé. A Muzzaffarbad —une capitale !— 70% de l’habitat est détruit. Les destructions avoisinent les 90% dans la ville de Balakot. Mais c’est au Cachemire...
Il est évidemment difficile de se prémunir contre un puissant tremblement de terre, mais il serait intéressant de savoir quels moyens ont été mis pour doter les habitations et l’infrastructure (routes...) de standards anti-sismiques. Car chacun savait que le drame se reproduirait un jour, les plaques continentales indiennes et eurasiatiques se heurtant sous ces contreforts himalayens. On craint de connaître la réponse : aucun, dans le Cachemire rural du moins. Quant à l’armée, elle contrôle l’Etat et une part notable de l’économie. Pourtant, dans ce pays à haut risque, « elle n’a jamais été entraînée à la gestion de crise, et comme elle a le contrôle absolu sur tout et dirige l’administration civile, vous avez le pire scénario » note une responsable de l’International Crisis Group citée dans Le Monde du 15 octobre 2005.
Annulez la dette !
De petites équipes médicales et militaires occidentales ont été envoyées dans le nord du pays. Le président pakistanais en appelé à l’aide financière internationale. La Banque mondiale a offert 20 millions de dollars et la Banque asiatique de développement 10 millions. Mais, comme le souligne le Comité français pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM), « ces chiffres ne doivent pas cacher que dans le même temps, pays riches et institutions multilatérales continuent cyniquement de recevoir, de la part des pouvoirs publics pakistanais, des sommes bien plus importantes en remboursement d’une dette devenue illégitime. En effet, en 2003, le Pakistan a envoyé vers ses riches créanciers environ 2,5 milliards de dollars, dont plus de 500 millions de dollars pour la Banque mondiale et 600 millions de dollars pour le FMI. »
« De plus, note le CADTM, les politiques d’ajustement structurel imposées par ces institutions pilotées par les dirigeants des pays riches, avec la complicité du général Musharraf, privent l’Etat des moyens de faire face à cette terrible catastrophe, laminant les services de santé, de prévention et d’urgence notamment. [Or, la dette] a déjà été plusieurs fois remboursée : le Pakistan a remboursé plus de 5 fois ce qu’il devait en 1980 mais il est 3,5 fois plus endetté. »
L’un des mesures de solidarité les plus urgentes, conclu le CADTM, devrait être « l’annulation totale et immédiate de la dette extérieure publique du Pakistan et l’abandon des politiques d’ajustement structurel qui favorisent les investisseurs internationaux et les grandes entreprises au détriment des populations en détresse. Nous devons refuser que ce séisme vienne multiplier les tragiques effets de la dette et de la pauvreté. »
Auprès des mouvements pakistanais
Face à l’incurie de l’administration, de nombreuses initiatives ont été prises par des ONG pakistanaises ou internationales, des associations, syndicats, partis et organisations diverses. Les courants islamistes fondamentalistes mobilisent aussi leurs réseaux et espèrent renforcer leur implantation à cette occasion ; certains expliquent ainsi que le tremblement de terre est une punition de Dieu.
Notre association, Europe solidaire sans frontières (ESSF), a décidé de soutenir en ce domaine la Fondation d’Education ouvrière (Labour Education Foundation) qui établit des camps de secours dans les régions sinistrées, en collaboration avec le réseau d’Entraide des travailleuses (Women Workers Help Line), la Fédération nationale syndicale (NTUF) et le Parti du travail (LPP, Labour Party Pakistan). Nous pensons qu’il est important, pour le mouvement social en occident, d’appuyer en priorité les efforts d’organisations pakistanaises plutôt qu’internationales (pour renforcer le tissu associatif local) et notamment celles qui développent la solidarité dans une démarche laïque et progressiste, véritablement indépendante des pouvoirs d’Etat. C’est l’une des façon les plus efficaces d’inscrire l’action ponctuelle d’urgence dans la durée.
La LEF a récolté sur place et en quelques jours plus de 5.000 dollars en liquide et en biens, ce qui lui a permis d’envoyer trois premiers camions d’aide dans les camps de secours avec de la nourriture, des tentes, des couvertures... (voir les articles publiés sur cette question dans la rubrique anglaise de notre site). Elle doit pouvoir compter sur la solidarité internationale.
Pierre Rousset
POUR ENVOYER DES DONS :
Pour envoyer de l’argent au Labour Education Foundation, les virements doivent transiter par la City Bank aux Etats-Unis, puis par Karachi avant d’atteindre Lahore. Les indications sont données ci-dessous. Vous pouvez aussi passer par ESSF
POUR CHEQUES ET VIREMENTS A ESSF
L’association Europe solidaire sans fronitères (ESSF) apporte son soutien à la LEF. Vous pouvez y aider en envoyant des contributions (avec la mention « solidarité Pakistan »).
Envoi de chèques
Chèques à l’ordre de ESSF à adresser à l’adresse suivant :
ESSF
2 rue Richard-Lenoir
93100 Montreuil
France
Virements :
Compte bancaire / Bank Account :
Crédit lyonnais
Agence de la Croix-de-Chavaux (00525)
10 boulevard de Chanzy
93100 Montreuil
France
Références bancaires nationales (RIB) :
Banque : 30002
Indicatif : 00525
N° de compte : 0000445757C
Clé : 12
Compte au nom de ESSF
Références bancaires internationales / Bank account details :
IBAN : FR85 3000 2005 2500 0044 5757 C12
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Account holder : ESSF
POUR VIREMENTS A LA LEF :
LABOUR EDUCATION FOUNDATION A/C No. 01801876 BANK ALFALAH LTD., LDA PLAZA, KASHMIR ROAD, LAHORE, PAKISTAN Route :
Please advise and pay to Citi Bank, New York, USA Swift CITI US 33 for onward transfer to BANK ALFALAH LTD., KARACHI, PAKISTAN A/C No. 36087144 and for final transfer to BANK ALFALAH LTD., LDA PLAZA, KASHMIR ROAD, LAHORE, PAKISTAN Swift : ALFHPKKALDA for A/C No. 01801876 OF LABOUR EDUCATION FOUNDATION.
MEDICINES AND FOOD can be sent to :
Labour Education Foundation
Sufi Mansion, 7 Edgerton Road
Lahore, Pakistan.
Tel : 0092 42 6303808, Fax : 0092 04206271149
Labour Party Pakistan, 40 Abbot Road, Lahore, Pakistan
Tel : 92 42 6315162