Les gesticulations du candidat Sarkozy n’ont rien à envier à celles du président Sarkozy. À peine élu, le nouveau locataire de l’Élysée comptait effacer, en un dîner, le séisme provoqué par le « non » français au traité constitutionnel européen (TCE), le 29 mai 2005. Tout simplement ! Ce mercredi 16 mai, en fin d’après-midi, le président Sarkozy s’est donc envolé pour Berlin afin d’y rencontrer la chancelière allemande, Angela Merkel, en charge de la présidence de l’Union européenne (UE) ce semestre. Mission : sortir l’Europe « de sa paralysie actuelle » en s’appuyant sur « l’amitié franco-allemande ».
Au-delà des symboles, il est d’abord légitime de douter, dans la construction européenne, du moteur franco-allemand, dans une Europe élargie à Vingt-Sept en 2007, alors qu’il avait été défini, il y a 50 ans, pour une Europe à six. Ensuite, il apparaît impossible de fusionner deux positions irréconciliables : celle du minitraité de Sarkozy, et celle de la ratification du TCE que défend Merkel.
Si la proposition de réduction du TCE au fonctionnement institutionnel de l’UE peut trouver un écho favorable auprès des plus eurosceptiques - le Royaume-Uni, la Pologne, les Pays-Bas (l’autre pays du « non ») et la République
tchèque -, aucune position commune ne se dégage. Chacun pose ses exigences : le Royaume-Uni ne veut plus du titre de « ministre des Affaires étrangères européen », de l’extension du vote à la majorité qualifiée à une quarantaine de domaines et de la Charte des droits fondamentaux ; de son côté, la Pologne ne veut pas entendre parler du nouveau système de vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres, système qui la désavantage par rapport au traité de Nice actuellement en vigueur, puisqu’il prend en compte la population réelle. Quant à Sarkozy, il souhaite reprendre toutes les novations juridiques du traité constitutionnel et abandonner tout ce qui faisait de ce texte une Constitution : le terme lui-même, mais aussi le préambule, les valeurs et les objectifs, les symboles de l’Union, etc. En clair, il ne veut garder du traité défunt que ce qui est « opérationnel ».
À l’opposé, les dix-huit pays ayant déjà ratifié la Constitution refusent que l’on touche à la « substance » du projet. Pour Angela Merkel, il n’est pas question de laisser les eurosceptiques décider de l’avenir de l’Union et elle refuse un minitraité. C’est la quadrature du cercle pour le TCE, dont l’avenir ne se limite, au mieux, qu’à une renégociation institutionnelle d’ensemble. Et les traités sans finalité politique, sans objectif précis autre qu’institutionnel, se sont toujours terminés par un échec. Les impossibles manœuvres commenceront lors du Conseil européen des 21 et 22 juin prochain. Mais que ce soit le minitraité de Sarkozy, sorte de règlement intérieur au service du libéralisme, ou la ratification du TCE constitutionnalisant le libéralisme, les salariés et les peuples n’ont rien à y gagner, dans un cas comme dans l’autre.