Sale temps pour les libertés en Algérie, où plus d’une vingtaine de détenus d’opinion ont décidé d’observer une grève de la faim pour protester contre des incarcérations jugées “arbitraires”, rapporte le journal Le Matin d’Algérie. Souvent interpellés à la suite d’une participation à une manifestation contre le régime ou d’opinions exprimées publiquement, ces détenus sont victimes d’une justice expéditive qui les accable d’un certain nombre de chefs d’inculpation disproportionnés.
Le journaliste Abdelkrim Zeghileche, détenu à Constantine à la prison du Coudiat, est ainsi poursuivi pour “louange d’actes terroristes, utilisation des technologies de l’information et de la communication pour diffuser les idées terroristes”, indique le site d’opposition Radio M Le journaliste, fondateur d’une web radio hostile au régime, est également poursuivi pour “atteinte à l’intérêt national”.
Malgré une vague de protestations contre ces condamnations, les arrestations se poursuivent, indique le journal francophone Liberté Algérie. “Figure emblématique de la lutte pour les chômeurs” à Mostaganem (363 kimomètres à l’ouest d’Alger), Dalila Touat, hirakiste [en référence au mouvement de contestation le Hirak] de la première heure, a été interpellée le 31 janvier. Devant ses juges, le 7 février, elle devra répondre aux accusations classiques : “incitation à attroupement”, “outrage à corps constitué”, ou encore “diffusion de publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national”.
Instrumentalisation de la justice
Ce tour de vis du pouvoir algérien cible aussi les partis politiques, dont certains sont menacés de disparition. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), fondé en 1989, est depuis quelque temps dans le collimateur de la justice. Son président, Mohcine Belabbas, a été placé sous contrôle judiciaire. Officiellement, la justice algérienne enquête sur le décès d’un ressortissant marocain qui travaillait sur le chantier de sa résidence privée, selon le site d’information ObservAlgérie. Une décision de justice qui intervient quelque temps après une mise en demeure du ministère de l’Intérieur adressée au parti RCD, et ce, pour avoir tenu des réunions “contraires à la réglementation”.
“Jamais l’Algérie n’a connu une telle instrumentalisation de la justice”, assène Mohcine Belabbas, lors de son intervention, dimanche 30 janvier, sur la chaîne d’opposition basée à Londres, Al Magharibia TV.
Cette multiplication des arrestations et des poursuites judiciaires abusives a fini par installer un “climat de peur sans précédent”, commente le journal Liberté Algérie, qui estime que le pouvoir a verrouillé le débat.
“Un silence qui a asséché littéralement le débat public, au moment où le pays en a grandement besoin pour aider à résoudre les crises qui s’accumulent. Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fera baisser la fièvre”, écrit l’éditorialiste Hassane Ouali.
Malik Ben Salem
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