“Ce qui devait arriver est finalement arrivé”, soupire le Süddeutsche Zeitung. Après la chute mortelle d’un homme devant un bar de Mayence en novembre dernier, la police allemande a franchi une ligne rouge : elle a récupéré les informations personnelles de vingt et un possibles témoins via l’application Luca, utilisée au départ pour identifier les cas contacts et les personnes positives au Covid-19. “L’utilisation de ces données pour des enquêtes policières est pourtant expressément interdite.”
Pour le journal de centre gauche, ce n’était qu’une question de temps avant qu’un tel incident ne survienne. “On a là les conséquences d’une gestion de la pandémie qui mise sur une technique dont les responsables ne perçoivent pas du tout les effets, explique-t-il. Il y a eu assez de mises en garde contre Luca, une application que treize Länder se sont fait fourguer – entre autres par le rappeur Smudo […], qui est un de ses investisseurs – et que peu d’administrations utilisent encore.”
Développée par une entreprise privée, l’application est surtout critiquée pour sa méthode de stockage de données, jugée peu fiable. Si elles sont cryptées, les informations des utilisateurs de Luca sont en effet conservées et centralisées sur des serveurs privés, appartenant à la start-up berlinoise Culture4Life. Les autorités sanitaires allemandes peuvent y avoir accès grâce à une clé de déchiffrement, mais elles n’ont pas besoin de l’accord préalable des personnes concernées.
Alimenter la défiance
En ces temps de pandémie, ces reproches ont pourtant été mis de côté par les responsables politiques. “Ils se sont tournés aveuglément vers la technologie”, analyse le titre, pour qui “des masses de données suscitent toujours des convoitises”. La police de Mayence a assuré avoir mal interprété la législation en vigueur, mais, pour le média, elle a surtout cédé à la facilité.
Dans un pays marqué par la surveillance de masse de la Stasi, la police politique de la RDA, une telle insouciance pose question. À la suite de l’affaire de Mayence, la région du Schleswig-Holstein a décidé de rompre son partenariat avec l’application. Les douze autres Länder ayant recours à Luca devront se prononcer sur le sujet dans les semaines à venir.
Selon le Süddeutsche Zeitung, leur décision aura des répercussions claires sur “la confiance des Allemands” et sur leur attitude future vis-à-vis des restrictions sanitaires.
Süddeutsche Zeitung
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