Après la disparition de l’Apple Daily, principal quotidien d’opposition hongkongais, en juin dernier, puis la fermeture du site d’information Lichang (Stand News), précipitée par des arrestations dans ses rangs fin décembre, le site Zhongxinwen (CitizenNews) a annoncé cesser ses activités ce 3 janvier 2022, par crainte de ne pouvoir évaluer correctement les risques encourus à chaque publication.
Le grand quotidien hongkongais Ming Pao, qui modère généralement ses penchants pro-Pékin par des positions affirmées en faveur de la liberté de la presse, donne à voir sur une pleine page de une l’étendue de son embarras. Il demeure l’un des rares journaux hongkongais à tenter une couverture fournie et équilibrée de l’événement, à commencer par établir les faits. “Le 29 décembre, plusieurs responsables éditoriaux, anciens et actuels, du site d’information indépendant Lichang ont été arrêtés, accusés de sédition, ce qui a entraîné la fermeture du site. Le 3 janvier, c’était au tour de Zhongxinwen, créé en 2017 par des journalistes d’investigation, d’annoncer sa fermeture”, raconte le Ming Pao.
C’est après une perquisition par la police de sécurité nationale des locaux du site prodémocratie Lichang que sept personnes ont été arrêtées. L’ancien rédacteur en chef Chung Pui-kuen, le rédacteur en chef actuel Patrick Lam, l’ancienne députée Margaret Ng, la chanteuse et militante des droits LGBT Denise Ho, sont accusés de “conspiration en vue de publication séditieuse”.
Conséquence de ces arrestations, le site a cessé toutes ses activités. Dans une page d’adieux aux lecteurs, Lichang rappelle avoir été créé en décembre 2014 en tant que site “indépendant, défendant la démocratie, les droits de l’homme, la liberté, l’État de droit et la justice comme valeurs cardinales de Hong Kong”.
La profession effrayée
Quelques jours plus tard, la situation a ébranlé leurs confrères du site Zhongxinwen. Ancien président de l’Association des journalistes, l’éditorialiste Chris Yeung “avait commenté la fermeture de Lichang en estimant que la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong ‘était une épée de Damoclès’”, rappelle le Ming Pao. L’arrestation des sept membres de la rédaction de Lichang implique désormais trop d’incertitudes sur ce qui peut ou non être retenu comme publication illégale, indique Yeung, d’où la décision de fermer Zhongxinwen. “En pleine tempête, nous devons préserver en priorité la sécurité des personnes qui sont sur le navire”, expliquent les responsables dans une déclaration.
Dans ce contexte, les médias hongkongais “pourraient se montrer très conservateurs, et ‘jouer la sécurité’ en coopérant avec la ligne la plus fortement orientée”, note Bruce Lui, journaliste de télévision et enseignant au département de journalisme de l’Université baptiste de Hong Kong, cité dans un autre article du Ming Pao. Le journal lui fait répondre par la voix d’Alice Mok, ancienne représentante de la Fédération des syndicats de Hong Kong (pro-Pékin) au Conseil législatif, pour qui “la liberté de la presse n’a pas été écrasée à Hong Kong”, qui dit “ne pas comprendre pourquoi les employés de Zhongxinwen ne se sentent pas en sécurité”.
Ming Pao
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