“Il y a dix ans, Kim Jong-un a pleuré tout au long des funérailles de son père Kim Jong-il. Le contraste avec l’image de ce dernier, qui n’avait pas montré ses émotions en 1994 lors du décès de son propre père, Kim Il-sung, était saisissant. Kim Jong-il n’avait alors fait aucune déclaration officielle, tandis que Kim Jong-un a promis dans son premier discours public, en 2012, que ‘[son] peuple n’aurait plus à se serrer la ceinture’. Dès cette première année de règne, il s’est montré en public en compagnie de son épouse, Ri Sol-ju, et a assisté à un concert où l’on a vu apparaître le personnage de Mickey et entendu, entre autres, la bande originale de Rocky. Certains disaient que l’ère de Kim Jong-un allait être différente de celles de son père et de son grand-père”, commente Chosun Ilbo.
Le journal sud-coréen ultraconservateur et anticommuniste cite ensuite plusieurs éléments – qui ne sont pas tous vérifiés – comme des exécutions sommaires, des éléments censés prouver que la réalité est tout autre, avant de conclure :
“On a récemment appris que des jeunes qui avaient regardé en cachette ‘Squid Game’ [série sud-coréenne diffusée sur Netflix et mettant en scène des jeux de survie] avaient été condamnés à de lourdes peines. Il paraît que, parmi les quelque 8 millions d’habitants de la Corée du Nord équipés d’un smartphone, beaucoup ont regardé la série et fait un rapprochement avec la réalité de leur pays.”
Un autre quotidien, plus modéré, Hankook Ilbo, estime que les jeunes Nord-Coréens constituent le “talon d’Achille de Kim Jong-un”. Il s’agit de générations qui sont habituées au marché noir (jangmadang) qui s’est développé pendant la grande famine des années 1990 et qui les a mis en contact avec les produits culturels sud-coréens et occidentaux, ce qui a obligé le régime à renforcer la surveillance et les contrôles afin de prévenir tout agissement contre le régime.
L’isolement du pays
Hankook Ilbo attire l’attention sur la mauvaise santé économique de la Corée du Nord :
“La mort subite de son dictateur de père survenue le 17 décembre 2011 a propulsé ce jeune homme de 27 ans sur le trône. Sous les regards inquiets de la communauté internationale, ce dictateur novice a tenu dix ans. Cependant, sa volonté de réformer le pays n’a pas abouti à l’amélioration de la qualité de vie de la population. La situation rappelle au contraire celle des années 1990, marquées par une dramatique pénurie alimentaire.”
En cause : l’isolement économique du pays, pénalisé par les sanctions internationales, isolement aggravé par l’échec des négociations avec les Américains et par la pandémie. Si Kim Jong-un a réussi à consolider sa position de chef unique en rééquilibrant le pouvoir entre l’armée et le parti et à enrichir l’arsenal nucléaire, ce dernier le soumettrait, d’après le journal, à un dilemme : “Si Kim Jong-un continue à augmenter les capacités nucléaires de son pays, la disette se poursuivra ; s’il veut relancer l’économie, il sera obligé de renoncer au nucléaire.”
De l’autre côté de la frontière, le journal officiel nord-coréen, Rodong Sinmun, a commencé à publier dès le 14 décembre une série d’éditoriaux pour célébrer ce dixième anniversaire et encenser les exploits du “camarade aimé et respecté Kim Jong-un, qui a fait avancer le peuple au cours de dix années d’un périple sacré vers la révolution”, intitulant le premier texte : “Le chemin de la victoire parcouru en compagnie du Général”.
Jeong Eun-Jin
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