Il a fallu attendre 11 heures (heure locale) ce lundi 20 décembre pour que l’ensemble des bulletins de vote aient fini d’être dépouillés, rapporte le site Hong Kong Free Press. Pour autant, aucune surprise n’était attendue. “Tous les candidats modérés, à l’exception d’un seul, ont perdu, offrant au camp pro-Pékin une victoire écrasante”, commente le South China Morning Post.
Candidates who self-identified as centrist, moderate, pro-democracy or non-pro-establishment, largely failed to galvanize voters in Sunday's "patriots only" election.
Traditional pro-Beijing & pro-establishment figures swept into the legislature. In full : https://t.co/65EGxZ0VZO pic.twitter.com/rwwbDdvaMF
— Hong Kong Free Press HKFP (@hkfp) December 20, 2021
Ce scrutin, organisé pour la première fois après la refonte, en mars dernier, du système électoral, présentait très peu d’enjeux. Et ce à double titre : seuls des candidats “patriotes”, en d’autres termes loyaux à Pékin, pouvaient s’y présenter et seuls 20 élus du Legco, le Conseil législatif de la région spéciale administrative (RAS), étaient désignés au suffrage universel. Les 70 restants sont choisis par des comités acquis au régime chinois.
“Une campagne vigoureuse”
Voilà pourquoi un grand nombre de Hongkongais ont préféré le boycotter. Hong Kong Free Press parle d’une abstention record, 30,2 % des inscrits s’étant déplacés. Soit “5,6 % de moins que le précédent record, qui datait de 1995, sous l’administration britannique”. Pourtant, ajoute le média, les autorités de Pékin et de Hong Kong avaient mené “une campagne vigoureuse” pour inciter les électeurs à voter. Pour rappel, en novembre 2019, lors des élections des conseils de district, la participation s’était élevée à 71 % et “les électeurs avaient soutenu à une majorité écrasante les candidats prodémocratie”.
Cette abstention en forme de désaveu n’a pas empêché Carrie Lam, la chef de l’exécutif de Hong Kong, de saluer le résultat, qui, selon elle, marque “le début d’un nouveau chapitre de bonne gouvernance”. “Ses seuls objectifs, explique Hong Kong Free Press, seront de s’assurer qu’à partir de maintenant le système sera gouverné par des ‘patriotes’.”
Pékin n’a pas manqué non plus de saluer ce résultat, qu’il considère comme le succès de “sa stratégie visant à développer ‘une démocratie avec des caractéristiques propres à Hong Kong’”, selon un livre blanc rendu public ce lundi 20 décembre et repris par le South China Morning Post. “Les améliorations du système électoral […] garantissent un développement sain sur le long terme de la démocratie à Hong Kong”, souligne le document. Il est probable que les 70 % d’abstentionnistes ne partageront pas cette vision des choses.
Plus de 70 % d’abstention aux élections qui doivent renouveler le Parlement du territoire
Les élections législatives, dont les candidats pro démocratie étaient exclus, enregistrent le plus faible taux de participation jamais observé à Hong Kong.
À 23 h 13 (heure locale), alors que la plupart des bureaux de vote venaient de fermer à Hong Kong (quelques-uns jouaient encore les prolongations du fait de “difficultés techniques” survenues au cours de la journée), l’agence de presse officielle Xinha était la seule à se féliciter du taux de participation censé “refléter la confiance du public dans la nouvelle législature”, rapporte le South China Morning Post, qui titrait pour sa part à la même heure sur une participation “encore inférieure à 30 %” pour ce scrutin destiné à renouveler le Parlement du territoire.
Des candidats sélectionnés pour leur “patriotisme”
En réalité, seuls 20 sièges sur les 90 que compte le Conseil législatif (Legco) depuis la refonte du code électoral imposée en mars dernier par Pékin étaient appelés à être renouvelés au suffrage universel direct par les habitants du territoire, rappelle le journal. Les autres étaient réservés aux candidats élus par les corporations professionnelles acquises à Pékin et par les 1 448 membres désignés du “comité électoral”.
Soit “un paysage politique considérablement modifié”, selon les termes du South China Morning Post, d’autant plus qu’un comité d’étude de l’éligibilité des candidats avait également été prié de vérifier leur “patriotisme” selon les critères édictés par la loi dite de “sécurité nationale”, excluant de fait les candidats pro démocratie.
Résultat : seuls les membres désignés du comité électoral et les électeurs représentant les entreprises du continent se sont déplacés en masse ce dimanche : pour ces deux collèges électoraux, le taux de participation se situe autour de 99 %.
Mandats d’arrêt lancés contre des militants pro démocratie
Pourtant, samedi 18 décembre, les autorités hongkongaises avaient tenté un “ultime effort” pour inciter les électeurs à aller voter, raconte le journal. “Dans un geste sans précédent, le bureau électoral de la ville a procédé à un envoi massif de SMS. ‘Votre vote pour Hong Kong – notre maison ! L’élection du Legco est importante pour vous et pour l’avenir de Hong Kong ! Allez voter dans votre bureau de vote’, indiquait le message en anglais.”
Les militants pro démocratie n’avaient pas hésité en revanche à renouveler leurs appels au boycott de ces élections sur les réseaux sociaux. “Les vrais partisans de la démocratie ne devraient pas participer à cette élection s’ils ne veulent pas se faire les complices du régime et participer au scénario du Parti communiste chinois consistant à présenter une fausse apparence de paix”, expliquait sur Facebook le militant de l’opposition Sunny Cheung Kwan-yang. Dix personnes ont été arrêtées sur instruction de la Commission indépendante contre la corruption pour incitation au boycott, un délit désormais passible de trois ans de prison.
Courrier International
South China Morning Post
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