Le 27 octobre dernier, la police laotienne a fait un coup d’éclat dans la province de Bokeo, une région frontalière de la Birmanie et de la Thaïlande, avec la découverte de 55,6 millions de cachets de méthamphétamine et 1,5 tonne de crystal meth dissimulés dans un camion.
“C’est le chaos depuis février, et surtout ces derniers mois”, explique à The Economist Jeremy Douglas, de l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime. “Il est évident qu’après le coup d’État militaire en Birmanie, la déliquescence de l’administration et des forces de sécurité dans les zones où sont produites les drogues ont des conséquences.”
Les saisies de cette drogue de synthèse n’ont fait qu’augmenter en Asie du Sud-Est durant la décennie 2011-2020, poursuit l’hebdomadaire britannique, mais ces derniers mois, les quantités ont bondi dans les pays voisins de la République de l’Union du Myanmar.
“Les laboratoires de meth qui alimentent la dépendance de l’Asie sont installés dans l’État Shan, une zone de non-droit située dans l’est de la Birmanie. Même avant le coup d’État militaire de février 2021 en Birmanie, cette région était un haut lieu de la production de méthamphétamine. Mais le putsch a détourné l’attention des autorités, déjà négligentes, ce qui a rendu la zone d’autant plus intéressante aux yeux des cartels.”
“Le plus gros marché du monde”
La stratégie des cartels est à l’origine d’une véritable épidémie dans la péninsule indochinoise. S’ils cherchaient autrefois à maintenir le prix de la meth à un niveau relativement élevé, les trafiquants veulent désormais inonder le marché avec un produit abordable et hautement addictif pour attirer de nouveaux clients. Même si The Economist précise que les données en la matière sont peu nombreuses, l’appétit de la région pour le produit est certain :
“En Asie de l’Est et du Sud-Est, 0,61 % des personnes âgées de 15 à 64 ans ont déjà consommé au moins une fois par an des substances assimilées aux amphétamines, y compris de la meth. La moyenne mondiale est de 0,54 %. Cela correspond à 10 millions de personnes, soit le plus gros marché du monde pour ce stupéfiant.”
Le produit est désormais préféré à l’héroïne – autrefois prééminente dans la région. Il est prisé autant chez les travailleurs cherchant à lutter contre la fatigue que chez les fêtards en quête de sensations fortes. Le problème sanitaire est aggravé par les comportements à risques adoptés par les consommateurs. Injections et relations sexuelles non protégées conduisent à une augmentation des cas de sida chez les personnes concernées.
Les experts interrogés par The Economist déplorent également la réponse des gouvernements de la région. La criminalisation des consommateurs, envoyés en cure obligatoire, n’est pas efficace pour enrayer la dynamique, affirme le journal. “Tant que les budgets alloués à la lutte contre les dépendances ne seront pas transférés de la police aux agences de santé, le nombre de toxicomanes continuera d’augmenter, à la grande satisfaction des cartels qui les approvisionnent.”
The Economist
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