J’ai eu le plaisir de côtoyer Silke depuis le Forum Social Mondial de Belém en 2009. Elle a largement participé avec Frédéric Sultan à ce que la question des communs y soit représentée. On s’est retrouvé à Dakar en 2011, puis à Hambourg pour présenter les communs lors du festival Kampnagel (j’ai le souvenir d’une longue promenade dans la ville ensoleillée et la visite d’une exposition Turner). Et bien sûr lors des « Rencontres de Berlin ».
Silke a utilisé toute sa capacité de contact pour tisser une toile mondiale entre les activistes des communs, aidée en cela de son don pour les langues (elle parlait l’allemand, mais aussi l’anglais, le français, le portugais et l’espagnol, ce qui faisait d’elle une des grandes ambassadrices du mouvement des communs et plus largement des mouvements altermondialistes).
Silke a créé avec David Bollier et Michel Bauwens le « Commons Strategy Group » pour s’efforcer de penser les capacités des communs à réellement couvrir l’ensemble des activités et des notions qui constituent une démocratie véritable.
Elle a participé avec Heike Loeschmann de la Heinrich Boëll Fundation à l’organisation des « Rencontres de Berlin » qui réunissaient des commoners du monde entier afin de montrer les diverses facettes de ce concept. Chaque pays, chaque histoire, chaque relation à la nature ou à la pensée apportaient une touche particulière à cette notion des communs, ce qui a permis à ce mouvement naissant d’éviter d’emblée le dogmatisme, les visions déjà figées. Grâce au travail de Silke, de nombreux domaines ont pu être abordés du point de vue des communs, allant des domaines spirituels, des arts, aux formes d’organisation très pratiques de la vie quotidienne, notamment pour les personnes reléguées ou discriminées.
Silke aura réussi, avec son compère américain David Bollier, aujourd’hui très touché, à faire cohabiter dans des livres majeurs les expériences et les projets concernant les communs venant de toute la planète. Pour celles et ceux qui ne lisent pas l’anglais, le travail mené autour de Frédéric Sultan de traduction de ces ouvrages devrait bientôt permettre de mesurer la diversité et en même temps la cohérence des diverses approches des communs.
Pour ceux qui lisent l’anglais, il faut absolument se les procurer, en version imprimée ou les lire en ligne avec les liens ci-dessous :
– The wealth of the commons. A world beyond Market and State. 2012.
(http://wealthofthecommons.org/home)
– Patterns of commoning. 2016. (https://patternsofcommoning.org)
– Free Fair and Alive. The insurgent power of the commons. 2019.
(https://www.freefairandalive.org)
A Silke, sa famille, ses amis, et tout particulièrement Heike et David, j’envoie des ondes de réconfort pour surmonter ce tragique événement. Pour celles et ceux qui n’avaient pas la chance de la connaître, je joins une photo prise par Frédéric à Dakar : sur son visage, la détermination, la joie d’être là, et la complicité avec tous ces mouvements qui nous permettent toujours, et malgré tout, d’imaginer une société meilleure, « plus libre, plus juste et plus vivante », comme le proclame son dernier livre.
Hervé Le Crosnier
Une bien triste nouvelle et une grande perte pour le mouvement des communs dont elle était en effet une pionnière.
Après Belem en 2009, Berlin en 2010, la préparation conjointe à Mexico du Berlin de 2013, Remixthecommons et Communautique l’avions invitée en 2014 à Montréal avec David Bollier pour un « Art of commoning » qui restera dans les mémoires et aura marqué un tournant important dans la constitution du mouvement en Amérique du nord ou elle reviendra pour le Forum Social de Montréal en 2016 où, pour la première fois au FSM nous avions créé ensemble un « Espace des Communs ».
Son dynamisme, sa passion pour la rencontre, l’échange et le partage, son interculturalité et son travail théorique aux côtés de David ajoutés à l’émotion qui accompagnait toujours ses interventions vont nous manquer.
Nos pensées à sa famille, ses collègues les plus proches et ses amis.
Alain Ambrosi