Tandis que la crise migratoire à la frontière polono-biélorusse gagne en intensité et attire l’attention de médias du monde entier, les autorités polonaises continuent d’interdire aux journalistes l’accès à la zone frontière. À l’inverse, la Biélorussie a permis à plusieurs équipes de couvrir les conditions de vie dans le camp de fortune qui s’est établi à proximité du poste-frontière de Bruzgi-Kuznica.
“La Pologne se tire une balle dans le pied”, regrette le quotidien libéral Gazeta Wyborcza :
“Il est plus facile à CNN et à la BBC de travailler dans un pays où les journalistes indépendants sont sévèrement réprimés, que dans un État membre de l’Union européenne et de l’Otan.”
Alors que l’essentiel de l’information diffusée ces dernières semaines provenait directement des autorités polonaises et biélorusses, les premières images émanant de sources indépendantes montrent “des migrants campant aux portes de l’Union européenne ‘sauvés’ par des fonctionnaires biélorusses”, relève le site d’information Onet. “Avec cette perspective, la Pologne a le visage d’un policier se tenant debout derrière une rangée de fils barbelés.”
“Les conditions de travail sont dures”
Ces images, certes authentiques, sont diffusées sans aucun élément de contexte, regrettent les deux médias. Or, “puisque Loukachenko n’hésite pas à manipuler les flux migratoires et à terroriser les migrants [qui se trouvent sur son territoire], qui peut encore douter qu’il n’essaiera pas d’user à son avantage l’activité des médias étrangers ?” s’interroge la Gazeta Wyborcza, qui consacre sa une du lundi 15 novembre au sujet.
Les nombreux journalistes, polonais ou étrangers, qui se trouvent actuellement près de la frontière, effectuent un travail difficile – celui d’informer à distance. Du fait de l’état d’urgence instauré dès le début du mois de septembre, il leur est d’interdit de s’approcher à moins de 3 kilomètres de la frontière.
D’après les médias cités, certains tenteraient de braver l’interdit, mais à leurs risques et périls : “Ils risquent des sanctions pour avoir exercé leur métier”, avertit Onet. Pour les autres, “les conditions de travail sont dures”, relate le principal quotidien d’opposition :
“De crainte de pénétrer la zone par accident, ils travaillent en permanence avec une carte sous les yeux.”
Alors que la période d’État d’urgence expire fin novembre, le gouvernement polonais, conscient des problèmes d’image liés à cette interdiction, pourrait organiser une forme d’accès à la frontière pour les journalistes, souligne la Gazeta Wyborcza.
Les détails n’en étant pour l’heure pas connus – une autorisation des garde-frontières pourrait être nécessaire –, ce projet suscite la méfiance.
“Je crains que tout cela se transforme en ‘parc d’attractions’ pour médias”, critique Onet, qui rappelle le peu d’engouement du parti PiS au pouvoir pour un accès libre à l’information. Or, “dans le monde d’aujourd’hui, toute tentative de bâillonner les médias est vouée à l’échec”, conclut le site.
Béranger Dominici
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