Vaud
Jumelage des vies des victimes d’Eternit : Un grand succès
Malgré les intimidations d’Eternit et les pressions de la SUVA, le séminaire des 2 et 3 juin à Payerne a réuni plus de 80 personnes de différents pays. La rencontre avec des travailleurs et des victimes des usines Eternit d’autres pays européens a permis de montrer d’une manière très concrète aux salariés payernois et à leur familles la nécessité et l’intérêt de s’organiser. Cette présence solidaire n’est pas pour rien dans le fait que plusieurs veuves et travailleurs de Payerne se sont enhardis à témoigner publiquement. La formule consistant à réunir des victimes et leurs proches sur un site de production d’Eternit s’est donc révélée extrêmement positive. Ainsi il a été décidé de multiplier ce type de rencontre en privilégiant le contact avec celles et ceux qui sont le plus isolé-e-s. La prochaine rencontre se fera avec les victimes de Paray-le-Monial en automne prochain à Lyon. Par la suite, d’autres villes seront choisies en fonction des urgences.
La confrontation a permis de formuler des revendications concrètes en se fondant sur les expériences européennes qui sont les plus avancées.
Sur le plan de la protection des personnes exposées et afin d’assurer un meilleur suivi professionnel, nous exigeons que les diagnostics fassent appel aux technologies les plus fiables (scanner).
Sur le plan local, nous demandons aux municipalités de surveiller à la mise en danger de la santé des populations, à cause notamment des nuisances environnementales produites par les usines Eternit.
Sur le plan européen, nous agissons pour que tous les citoyens et les citoyennes bénéficient des mêmes mesures de prévention, de protection et de réparation sur la base des législations les plus avancées (…)
Le séminaire n’a pas négligé le fait que si depuis 1957, l’usine de Payerne a exposé un millier de salariés, celle de Niederurnen, en activité depuis 1904, en a intoxiqué au moins 6 fois plus et ceci pendant un siècle, dont une forte proportion de travailleurs immigrés. C’est pourquoi dorénavant les organisations de défense des victimes présentes au séminaire et CAOVA plus particulièrement demandent que tous les salariés, quelle que soit leur nationalité, soient identifiés et informés des risques qu’ils encourent, qu’il n’y ait plus la moindre rétention d’information qui puisse nuire à la prévention des maladies et entraver les procédures de réparation des victimes.
Toute entrave à la protection de la santé des personnes exposées à l’amiante constitue une non-assistance à personne en danger dont Eternit, la SUVA et l’Etat devront être tenus pour responsable.
CAOVA,
Comité d’aide et d’orientation des victimes de l’amiante
* Paru dans le périodique suisse « solidaritéS » n°89 (14/06/2006).
Vaud
Eternit fait l’innocent et menace : Caova réplique
Irritée par la publication de la brochure « Eternit, le blanchiment de l’amiante sale » du Comité d’aide et d’orientation aux victimes de l’amiante (Caova), fâchée par la tenue les 2 et 3 juin d’un séminaire sur l’amiante et ses victimes à Payerne, la direction de l’entreprise broyarde a sorti le grand jeu. En urgence, la production a été stoppée le 23 mai afin de pouvoir rassembler le personnel, à qui on projeta sur grand écran la « lettre ouverte aux membres de Caova » du grand patron Anders Holte, lue par un cadre. Intimidation ? Pas le moins du monde, voyons : juste une information…
La missive de l’administrateur et délégué général d’Eternit, entrelardée des nécessaires formules de compassion à l’intention des malheureuses victimes de l’amiante, tente de dégager toute responsabilité de l’entreprise en se réfugiant derrière l’autorité de la Suva (l’assurance des accidents et maladies professionnels). Comme cela ne suffit pas, elle accuse Caova d’être irresponsable, de faire de la rétention d’information au détriment des victimes, de générer la panique par de fausses assertions et l’enjoint de « cesser immédiatement d’inquiéter les employés et leurs proches sans raison objective ». Voici quelques-unes des réponses faites par Caova à cette autodéfense patronale en forme d’accusation.
- La SUVA, que vous qualifiez abusivement d’« organisation gouvernementale autonome », si elle le voulait vraiment, pourrait connaître tous les cas de maladies et de décès de salarié·e·s suisses et immigrés de vos usines. Elle peut compléter les dossiers médicaux personnels en exploitant les données d’Eternit qu’en tant qu’employeur vous êtes censé détenir, conserver et confier à qui de droit. Cela éviterait à notre Comité des victimes de l’amiante de devoir combler les lacunes ou le retard dans le recensement des victimes de l’amiante.
– N’ayant accès à aucune source d’informations officielles – certificats de décès, registres des tumeurs, dossiers médicaux –, les résultats des enquêtes de CAOVA sur la morbidité et de mortalité à Payerne sont forcément incomplètes ce que nous avons toujours rappelé. Nous attendons avec impatience les résultats de vos propres statistiques ainsi que celles de la SUVA pour les comparer et affiner celles que vous semblez contester. (…)
– Il est téméraire de votre part de taxer d’ »irresponsables » des bénévoles qui sans moyens financiers, enquêtent sur les conditions sanitaires d’un millier de personnes ayant travaillé à Eternit Payerne de 1957 à 1990 pour les informer des risques qu’elles encourent, aider les victimes et soutenir leurs proches. L’irresponsabilité qualifie au contraire les employeurs, les assureurs et les organismes publics qui ont négligé la prévention et la réparation des dégâts causés par l’amiante, en tout cas dès les années cinquante, lorsque ses risques mortels furent confirmés et connus.
– Au lieu d’accuser d’« irresponsables » les investigateurs de CAOVA, Eternit ferait bien de prendre enfin ses responsabilités en commençant par mettre à disposition des chercheurs indépendants les registres des salarié·e·s qui ont travaillé dans ses usines en Suisse et dans le monde en vue d’établir, sur des bases scientifiques claires, la réalité du fardeau sanitaire lié à la production séculaire d’amiante-ciment.
– Il est particulièrement cocasse – et indécent – que, faisant écho à la SUVA, vous accusiez CAOVA de rétention d’information alors qu’il aura fallu que les victimes italiennes recourent à une plainte pénale pour vous obliger à livrer les noms des travailleurs immigrés que vous avez exposés à l’amiante dans vos usines en Suisse !
– CAOVA a informé toutes les personnes ayant travaillé avec de l’amiante à Eternit Payerne dont elle a eu connaissance sur les risques qu’elles encourent afin de les prévenir au mieux. Nous apportons conseils et soutien à celles qui sont malades. Aux proches des salarié-e-s décédés qui le souhaitent, nous les aidons à constituer le dossier médical du défunt, à établir si le décès découle d’une maladie professionnelle et, le cas échéant, à réclamer, avec l’aide de nos avocats, l’indemnisation que la SUVA leur refuse.
Contrairement à ce que vous affirmez, les salarié·e·s de Payerne sont informés par CAOVA et c’est grâce à nous que les victimes et leurs proches gardent l’espoir de pouvoir bénéficier des prestations qui leur sont dues.
– Quant à votre accusation comme quoi le but de CAOVA serait de « générer la panique » et « d’inquiéter les employés et leurs proches sans raisons objectives », nous n’avons rien pu constater de tel chez les personnes qui nous contactent, bien au contraire ! A vous entendre, il faudrait renoncer à dire que l’amiante – ou le tabac – provoque le cancer pour éviter la panique ! Ces procédés de désinformation ont eu des conséquences catastrophiques et nous espérions, trop naïvement peut-être, qu’ Eternit y avait renoncé
A vous lire, on se demande qui des employé·e·s ou des employeurs sont les plus inquiets, qui, des travailleurs ou des patrons cèdent le plus à la panique. Eternit a manqué gravement à ses devoirs élémentaires d’information, de prévention et de réparation envers son personnel en Suisse et dans le monde
Ne faites pas semblant de vous étonner, Monsieur Holte, que les principaux intéressés, soutenus par CAOVA, le disent ouvertement, pour défendre leur dignité, leur intégrité physique et pour exiger la réparation des torts et des souffrances qui leur ont été infligées sur leur lieu de travail.
* Paru dans le périodique suisse « solidaritéS » n°88 (31/05/2006).
En mouvement
Solidarité avec les victimes d’Eternit
Le Comité d’aide et d’orientation des victimes de l’amiante (CAOVA) co-organise les 2 et 3 juin à la Paroisse catholique de Payerne, une assemblée publique et un séminaire intitulés : « Les Eternit’s de Payerne en Suisse accueillent celles et ceux de Paray-le-Monial (Vitry) et de Gaillac (Albi) en France. Nous reproduisons ci-dessous leur tract et le programme de ces deux journées. (réd)
En défendant les victimes d’Eternit, nous voulons défendre toutes les victimes de l’amiante ainsi que celles des autres substances toxiques qui menacent la santé des salarié·e·s de par le monde.
La multinationale Eternit a étendu et coordonné sa production d’amiante ciment à l’échelle mondiale. Il nous revient maintenant à nous, les victimes de cette industrie et leurs proches de nous coordonner, nous soutenir mutuellement et nous concerter pour mieux défendre nos droits.
C’est là le seul moyen d’obtenir que l’Empire Eternit répare les immenses dégâts qu’il a causés aux salarié·e·s et à l’environnement au cours du XXe siècle, un peu partout dans le monde. Cette lutte est doublement importante :
Elle est emblématique de toutes les actions collectives pour la défense de la santé, de l’intégrité et de la dignité de ceux et celles obligé·e·s de travailler pour vivre.
Elle s’inscrit dans le cadre de larges mouvements sociaux qui, renonçant à revendiquer quelques avantages matériels pour quelques uns, s’organisent pour que tous les exploité·e·s et opprimé·e·s de part le monde en soient les acteurs et les bénéficiaires.
Programme
Vendredi 2 juin
17h30 Accueil de nos ami·e·s de Paray-le-Monial et Gaillac. Repas de bienvenue
19h45 Présidence : M. Usel (CAOVA). Bienvenue du père André Schaerly, curé de Notre-Dame
Assemblée publique et débat
« Victimes de l’amiante en France, Suisse, Europe et dans le monde » Avec :
Atilio Manerin, CAPER, Paray-le-M.
Nicole Flipo, CAOVA Payerne
Jean-Marie Birbès, ARDEVA, Albi
François Iselin, CAOVA
Samedi 3 juin
9h30 Présidence : B. Mauro (CAOVA). Accueil des participant·e·s inscrits
10h00 Séminaire : Rompre le silence
Témoignages des victimes et de leurs proches :
Conditions de travail à Eternit
Souffrance, maladies et mortalité
Reconnaître l’origine professionnelle
Mensonges et désinformation
Organisation des victimes
Défense juridique et réparation
Relations avec les médecins
11h15 Pause Café
11h30 Débat, interventions, échanges
12h30 Repas de midi, promenade dans Payerne
14h15 Présidence : P. Iselin (CAOVA). Table ronde avec les professionnels sur les thèmes suivants :
Quels droits ont les victimes ?
Sergio Bonetto, avocat Turin
Eternit et immigration italienne
Franco Basciani, UNIA-Immigration
Que peut la médecine ?
Hans-Beat Ris, professeur CHUV
Henri Wiser, médecin à Moudon
Qui doit prévenir et réparer ?
Attilio Manerin, CAPER Paray-le-M.
Fulvio Aurora, Ban Asbestos Italie
Jean-Marie Birbès, ARDEVA, Albi
16h00 Pause Café
16h30 Bilan du séminaire, projets d’initiatives communes et résolution
17h30 Clôture du séminaire suivi d’un apéro de l’amitié à la « Cave du Champmontet » à Bellerive.
Renseignements et inscription avant le 22 mai, au 021 784 48 35 ou info caova.ch
* Paru dans le périodique suisse « solidaritéS »n°87 (17/05/2006).