Malgré son interdiction en 1989, les dégâts provoqués par l’amiante à la santé des travailleurs- euses et de la population du canton ne cessent de s’aggraver et se poursuivront pendant une à deux décennies encore.
Pour tenter de limiter ses effets délétères, notre Comité a interpellé, dès 2003, les autorités fédérales, cantonales et locales, les organisations patronales et syndicales, les services de santé publique, ainsi que la Suva chargée de la prévention sur les lieux de travail et de la réparation des dommages qui y ont été provoqués. Le CAOVA leur a demandé notamment de mettre en garde l’ensemble des salarié-es ayant été exposés à l’amiante pour qu’elles informent leur médecin et puissent ainsi accéder aux contrôles préventifs et aux soins médicaux appropriés.
L’identité de ces milliers de personnes à risque – aumême titre que l’identification des bâtiments floqués à l’amiante – est parfaitement connue des employeurs et des assurances. Le refus de les prévenir constitue une faute pour non-assistance à personne en danger.
Pourtant, aucune mesure conséquente n’a été prise, la Suva refusant même de transmettre à l’Etat italien les dossiers médicaux des immigré-e-s exposés à l’amiante dans le cadre des procédures judiciaires en cours. Devons-nous déduire de ce refus de coopération une volonté de cacher des manquements coupables de sa part ? Sur le plan parlementaire, les interventions n’ont cessé de se multiplier depuis 20 ans sans plus de succès. Pourtant, les médias n’ont eu de cesse d’alerter les pouvoirs publics sur l’urgence d’affronter les risques sanitaires qui menacent la population et de mettre fin, une fois pour toutes, au scandale de l’amiante, tant en Suisse que dans le monde.
Face à cette conspiration du silence, nous faisons appel à la population de ce canton et aux immigré-e-s qui l’ont quitté, après l’avoir enrichi par leur travail, pour qu’ils prennent à cœur le sort des victimes de l’amiante et de leurs proches, en interpellant par cette pétition les élu-e-s qui sont censés veiller à la santé des habitants.
Alors que les pouvoirs publics gardent le silence, les employeurs, tels qu’Eternit à Payerne, s’obstinent encore à minimiser les risques pour dégager leur responsabilité. Quant à la Suva, elle multiplie les tracasseries à l’encontre d’assurés qui tentent de faire reconnaître l’origine professionnelle de leur maladie et d’obtenir la réparation qui leur est due pour compenser, ne serait-ce que financièrement, les dommages subis. Grâce à l’appui solidaire de ses membres et sympathisants, notre modeste Comité peut assurer l’assistance juridique de nombreuses victimes, les orienter vers des médecins compétents et les réunir et les soutenir dans leur douleur et leur détresse.
Mais le CAOVA n’ayant pas les moyens des services publics chargés de la prévention, nous vous demandons de les interpeller par sa pétition. Ceci d’autant plus qu’elle déborde du cadre emblématique des victimes de l’amiante, puisque ce drame concerne tous ceux et celles qui n’ont pas choisi de perdre leur vie à la gagner. En effet, la santé et la dignité de milliers de travailleurs dans le canton sont toujours menacées par les maladies professionnelles provoquées par le nombre croissant de substances toxiques, cancérigènes ou mutagènes qu’ils sont forcés de manipuler. Les victimes du Galecron de Syngenta à Monthey ne sont qu’un cas parmi d’autres.
Mais la prévention de ces risques restera lettre morte tant que les responsables seront impunis. S’il est désormais admis que les pollueurs doivent payer la réparation des dégâts qu’ils causent à la nature, nous revendiquons que les empoisonneurs des lieux de travail soient sommés de réparer le tort qu’ils ont causé aux êtres humains qu’ils ont contaminés. Il s’agit en premier lieu du fabricant d’amiante-ciment coupable d’avoir exposé plus d’unmillier d’hommes et de femmes à l’usine de Payerne alors qu’il connaissaient les risques dès les années 50. Cet employeur est encore coupable d’avoir caché la toxicité de ses produits Eternit, exposant ainsi les ouvriers du bâtiment devant les mettre en œuvre. Mais il s’agit aussi des nombreux patrons qui ont fait manipuler de l’amiante sans protection dans la métallurgie, les chemins de fer, la production électrique, l’isolation ou les démolitions. Si leur société a “disparu” ou “a fait faillite” comme ils le prétendent, il reste suffisamment de responsables pour répondre aux questions de la Justice et suffisamment de richesses accumulées dans ce canton pour soulager, un tant soit peu, la souffrance des “amiantés”, leur rendre justice et restituer leur dignité.
Le CAOVA
Pétition aux autorités vaudoises : Justice pour les victimes de l’amiante
Plusieurs milliers de salarié-e-s ont été exposés à l’amiante sur leur lieu de travail dans le canton de Vaud. Certain-e-s, dans des usines en manipulant ces fibres mortelles, en particulier à Eternit Payerne (Suisse). D’autres, pour avoir dû travailler sur des chantiers de construction, de transformation, de démolition ou dans des bâtiments floqués à l’amiante.
Les employeurs ont négligé de les mettre en garde contre les risques de cematériau cancérigène. Rares sont ceux et celles qui ont été suivi-e-s médicalement pour déceler et prévenir les maladies de l’amiante telles que l’asbestose, le cancer pulmonaire, les plaques pleurales ou le mésothéliome. Ainsi, nombreux sont les travailleurs-euses, des immigré-e-s notamment, qui sont tombésmalades et sont morts précocement dans la souffrance, lamoitié d’entre euxelles n’ayant même pas pu atteindre l’âge de la retraite.
Dans la plupart des cas, leur assurance, généralement la Suva, refuse de reconnaître l’origine professionnelle de leurmaladie en prétextant leur comportement individuel à risque, une contamination insuffisante ou inexistante de leurs lieux de travail ou en invoquant la prescription, ce qui est inacceptable pour des maladies mortelles qui ne se déclarent qu’après plusieurs décennies. Ces victimes et leurs familles sont ainsi dépossédées arbitrairement de leurs droits d’assuré-e-s. C’est pourquoi nous demandons à la population de soutenir les victimes de l’amiante et leurs familles en signant cette pétition qui exige des autorités cantonales responsables qu’elles prennent de toute urgence les mesures suivantes :
Recensement de toutes les personnes ayant été exposées professionnellement à l’amiante dans le canton de Vaud et information des risques qu’elles encourent, y compris et surtout celles vivant à l’étranger.
Surveillance médicale préventive de tous les salarié- e-s ayant été exposés à l’amiante, par les moyens de détection les plus efficaces et mise à disposition des familles des dossiers médicaux.
Contrôle du règlement des indemnités par les assurances professionnelles, la Suva notamment, dues aux victimes de l’amiante et leurs proches pour les dommages subis.
Identification, mise à jour, publication et décontamination de tous les bâtiments et postes de travail présentant encore des risques d’intoxication à l’amiante dans le canton de Vaud.
Pétition à télécharger sur le site du Caova :
www.caova.ch
Comment l’amiante tue
Quand on respire des poussières d’amiante, les fibres vont se planter dans les poumons et l’organisme
est incapable de les éliminer. Résultat : après un certain temps de latence, plusieurs maladies peuvent
se déclarer. Le professeur Philippe Leuenberger, pneumologue, nous les décrit : « On peut dire qu’il y a deux sortes de maladies. Les maladies inflammatoires qui touchent le système respiratoire, les bronches, l’enveloppe du poumon, la cavité autour du poumon qui est la plèvre. Cela crée un épanchement pleural et une asbestose, c’est-à-dire un processus qui rétrécit le poumon et qui correspond à une fibrose interstitielle. A côté de cela, il y a des maladies tumorales qui touchent la membrane à la surface des poumons, la plèvre, c’est le mésothéliome. Il y a aussi d’autres tumeurs qui sont favorisées par l’amiante, les tumeurs du poumon, le cancer bronchique, les pathologies tumorales de la gorge et du tube digestif et des reins ».
Inutile de dire que le tabac augmente considérablement les risques. Le mésothéliome est considéré comme le cancer spécifique de l’amiante. Les médecins sont relativement démunis face au mésothéliome. Philippe Leuenberger : « Si le processus est pris très tôt, le chirurgien peut intervenir et contrôler la maladie. D’autres traitements n’existent pas. Donc, la seule chose qu’on peut faire, c’est essayer de pallier les symptômes. Ces gens développent une insuffisance d’oxygène dans le sang, ce qu’on appelle insuffisance respiratoire, on va donc leur donner de l’oxygène. Le mésothéliome a la particularité d’entraîner des douleurs thoraciques, et là, bien sûr, il faut donner un traitement antalgique ».
La moitié des malades atteints de mésothéliome meurent dans les 18mois qui suivent le diagnostic et 95% dans les cinq ans. Les maladies dues à l’amiante se déclarent en général entre 20 et 40 ans après l’exposition aux fibres. On estime que, chaque année, dans lemonde, elles causent lamort de 100 000 personnes. En Suisse, la Suva, la Caisse nationale suisse en cas d’accidents, ne comptabilise que les mésothéliomes reconnus comme conséquence d’une exposition professionnelle, soit une cinquantaine de morts par an. Mais certaines estimations comprenant les autres maladies vont jusqu’à 500 morts par an. Des chiffres qui, en plus, affichent une hausse inquiétante. Philippe Leuenberger : « Cette hausse est inquiétante dans la mesure où cette maladie a un pronostic extrêmement mauvais. Donc, chaque cas est un drame et il faut tenter à tout prix de contrôler cette épidémie. Mais on n’est pas dans une situation où l’on peut la contrôler. En effet, les cas que nous voyons maintenant sont issus d’expositions de la fin des années 70 jusque dans les années 80. Mais ce n’est qu’en 90 que l’amiante a été interdit en Suisse »
L’augmentation devrait donc se poursuivre aumoins jusqu’en 2020. Et sans parler des autres pollutions à l’amiante qui peuvent encore survenir.