Au Brésil, le récent veto mis par Jair Bolsonaro à la principale mesure d’une proposition de loi sur la précarité menstruelle, adoptée par le Congrès, ne passe pas.
Le 7 octobre dernier, le président brésilien s’est opposé à un point du texte qui aurait permis à 5,6 millions de femmes vulnérables, dont des élèves d’écoles publiques, des femmes sans abri et des détenues, d’obtenir gratuitement des serviettes hygiéniques. Une décision justifiée selon lui par l’absence d’explications quant à la source du financement de ce dispositif. “Si le Congrès annule le veto sur les tampons, je devrai prendre de l’argent dans [les budgets de] la santé et de l’éducation”, a-t-il averti quelques jours plus tard, selon des propos rapportés par Correio Braziliense.
De quoi agacer un éditorialiste de l’hebdomadaire Istoé : le veto de Jair Bolsonaro n’a “aucun lien” avec le contrôle des dépenses publiques, il est “le fruit de son pathologique manque d’empathie et de compassion envers la souffrance des autres”.
Absentéisme scolaire
La question des protections hygiéniques est très problématique dans le pays, en particulier en milieu scolaire – près d’un quart des adolescentes n’y ont pas accès pendant leurs règles –, ce qui les oblige souvent à rater les cours, souligne une étude de l’ONG Girl Up, citée par le site Nexo.
En agissant de la sorte, le leader d’extrême droite va “à contre-courant des mesures d’assistance aux femmes vulnérables” déjà prises par la majorité des gouverneurs du pays, observe O Globo.
Sur les vingt-sept unités administratives brésiliennes – vingt-six États et un district fédéral –, treize ont en effet décidé cette année d’“élaborer des politiques publiques de distribution d’articles d’hygiène personnelle”. “Mais dans beaucoup d’États, des lois déjà approuvées n’ont pas encore été appliquées”, indique le quotidien de Rio de Janeiro.
Le titre souligne par ailleurs que le tollé provoqué par la décision du président a “incité” trois autres gouverneurs à agir et à annoncer la prochaine adoption dans leur région de “programmes similaires” à celui de la proposition de loi.
Allié de Jair Bolsonaro, le gouverneur de l’État de Goiás, Ronaldo Caiado, a ainsi expliqué ses motivations à O Globo :
“Je n’avais pas été alerté par le fait que, pour les filles et adolescentes des écoles publiques, qui viennent en grande majorité de familles à faibles revenus, les règles et le manque de tampons sont un facteur d’absentéisme. Si je veux lutter contre le décrochage scolaire, il est normal que je m’attaque à ce problème.”
Une précarité menstruelle aggravée par la pandémie
Interrogée par le journal Extra, l’avocate Kelly Viter, qui exerce dans l’État de Rio de Janeiro, indique que “le nombre de femmes ne pouvant pas acheter des tampons a beaucoup augmenté durant la pandémie”, car celles qui ont perdu leur emploi “utilisent désormais les ressources dont elles disposent pour acheter de la nourriture”.
Elle ajoute : “La précarité menstruelle est une question de santé publique. Le fait de ne pas distribuer de tampons a un coût bien plus élevé pour le système de santé, car ces femmes utilisent des produits inappropriés”, tels que du papier journal ou du papier toilette, du tissu et de la mie de pain, ce qui provoque “des infections”.
Plusieurs femmes parlementaires “s’organisent à présent” pour prendre leur revanche sur le président brésilien au Congrès, rapporte le site G1, en précisant que la date d’un examen de la décision de Jair Bolsonaro n’était pas encore connue. Pour “renverser le veto présidentiel”, les parlementaires brésiliens devront atteindre la majorité absolue.
Courrier International
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