Depuis le 18 octobre, les voyageurs vaccinés en provenance de Grande-Bretagne, du Canada, des États-Unis, de France ou d’Italie peuvent se rendre à Singapour sans avoir à effectuer de quarantaine à leur arrivée. Dès l’annonce de l’ouverture de ces corridors de voyage, le prix des billets d’avion est monté en flèche sur le site de la compagnie Singapore Airlines, rapporte la journaliste Rachel Rosenthal, de Bloomberg Businessweek :
“Les expatriés se sont précipités pour réserver un vol à temps pour pouvoir passer Noël à la maison et les résidents confinés ont sauté sur l’occasion de s’échapper enfin de la petite île. Alors que, sur place, les restrictions sanitaires viennent d’être prolongées [pour un mois] après une nouvelle vague d’infections, les plus riches sont plus que jamais tentés de prendre la fuite.”
Les conditions de vie déplorables des travailleurs migrants
Quant à eux, les dizaines de milliers de migrants venus du Bangladesh, d’Inde, des Philippines ou du Sri Lanka pour faire tourner l’économie singapourienne ne pourront pas les imiter. “Théoriquement, ces travailleurs sont libres de partir. Mais alors qu’ils sont pour la plupart vaccinés, Singapour applique des restrictions sur les arrivées en provenance de ces pays. Pour les domestiques originaires des Philippines et d’Indonésie, le coût du retour – y compris le séjour en quarantaine – représenterait plus du double de leur salaire mensuel. En pratique, une telle charge financière ajoutée aux contraintes administratives vis-à-vis de leur employeur leur interdit le voyage.”
Cette situation met une nouvelle fois en évidence les conditions de vie déplorables de ces travailleurs étrangers dont souvent les salaires ne dépassent pas 28 dollars singapouriens (environ 18 euros) par jour. “Avant la pandémie, ils pouvaient être jusqu’à trente à loger dans un dortoir misérable dans une banlieue située loin des merveilles architecturales de verre et d’acier qui dominent les quartiers d’affaires.” Depuis, le gouvernement a fixé des normes pour les logements ouvriers afin de limiter les risques de contamination. Mais plusieurs scandales tout récents montrent que les choses ne se sont pas vraiment améliorées.
Singapour ne peut pas espérer une reprise économique durable alors qu’une bonne partie de ceux qui entretiennent les routes, bâtissent les stations de métro, travaillent sur les chantiers navals ou veillent sur les personnes âgées et les enfants n’ont pas leur liberté de mouvement, plaide la journaliste. La création de corridors de voyage pour ces travailleurs devrait figurer parmi les priorités du gouvernement. Elle devrait s’accompagner de modalités de quarantaine plus simples et plus abordables, de la possibilité de demander un congé indépendamment de l’employeur et de garanties d’emploi et de rémunération au retour pour ceux qui sont déjà titulaires d’un permis de travail.
Bloomberg Business Week
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