“Les États-Unis sont-ils frappés par une grève sauvage générale ?” se demande, dans The Guardian, Robert Reich, ministre du Travail des États-Unis sous Bill Clinton et chroniqueur de gauche. “Les Américains ont décrété, pour ainsi dire, une grève générale nationale, jusqu’à ce qu’ils obtiennent une hausse des salaires et de meilleures conditions de travail”, juge-t-il.
“À sa façon – chaotique –, cette situation est liée aux grèves officielles qui se multiplient un peu partout dans le pays : chez les équipes de tournage de films et séries d’Hollywood, chez les ouvriers de John Deere, chez les mineurs d’Alabama, chez les salariés de Nabisco [entreprise agroalimentaire spécialisée dans les biscuits] et de Kellogg’s, chez les infirmiers de Californie et chez les soignants de Buffalo [dans l’État de New York].”
Une tendance au long cours
Abondamment commentés, les chiffres mensuels de l’emploi publiés vendredi 8 octobre montrent, face à un nombre record d’offres d’emploi, une baisse du nombre de personnes ayant un travail ou en cherchant activement. Une tendance qui dure, souligne Robert Reich :
L’an dernier, le nombre de postes à pourvoir a augmenté de 62 %. Pourtant, les embauches ont globalement diminué.
Non seulement beaucoup d’Américains renoncent à chercher un emploi mais ils démissionnent aussi à un rythme inédit, ce qui a poussé certains observateurs à qualifier le phénomène de “grande démission”. Le ministère du Travail a rapporté que quelque 4,3 millions de personnes avaient quitté leur emploi en août, un nouveau record après le précédent, établi en avril.
Et ce, souligne Robert Reich, malgré l’arrêt des allocations pour les chômeurs mises en place du fait de la pandémie de Covid-19, accusées par les républicains de décourager les travailleurs américains.
Burn out général
Comment donc expliquer ces deux phénomènes ? “À mon avis, si les Américains rechignent à retourner au travail, c’est avant tout parce qu’ils sont épuisés, analyse le chroniqueur. Certains ont pris leur retraite de manière anticipée, d’autres ont trouvé le moyen de joindre les deux bouts sans rester à des postes qu’ils détestaient. Beaucoup d’entre eux ne veulent tout simplement pas reprendre des emplois éreintants ou des boulots pourris, abrutissants et mal payés.”
Pour l’ancien ministre, il ne s’agit pas en dernière analyse d’un manque de main-d’œuvre. Le pays est confronté à “un manque de revenus minimum, de primes de risque, de services de garde d’enfants, de congés maladie et de systèmes de santé”.
Et de conclure :
“À moins que [les autorités] ne remédient à ces pénuries-là, beaucoup d’Américains ne remettront pas les pieds au travail de sitôt. Il est temps de réagir.”
The Guardian
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