À l’issue des assises, le Printemps de la psychiatrie [2] a dénoncé une mascarade, une absence de concertation avec les acteurEs de terrain.
Effets d’annonce
Dès le premier jour, le ministre de la Santé a annoncé la mise en place d’un numéro vert pour la prévention du suicide. La population manque de psychiatres et d’infirmierEs pour les accueillir, Véran prend le problème à bras-le-corps et ouvre une ligne téléphonique ! L’urgence, pour prévenir le suicide et la souffrance psychique, c’est bien le renforcement des moyens en personnel dans les centres médico psychologiques (CMP). Les CMP sont des lieux de soins publics regroupant psychiatres, psychologues, infirmierEs et équipe pluridisciplinaire, au plus près de la population. Les moyens alloués aux CMP ne permettent plus aujourd’hui d’accueillir la population dans des délais raisonnables, il faut bien souvent attendre plusieurs mois avant de pouvoir bénéficier d’un premier rendez-vous. Véran annonce bien 400 créations de postes dans les CMP adultes, 400 créations de postes dans les CMP de pédopsychiatrie. Mais on compte près de 2 000 CMP sur le territoire, soit moins de 0,4 poste par structure, une goutte d’eau !
Alors que les CMP sont débordés, que les hôpitaux psychiatriques manquent de lits et de personnel, Macron et Véran répondent « solutions innovantes », « télémédecine »...
« Rentabiliser » les soins ?
Macron, en campagne électorale, a fait le déplacement aux assises pour prononcer le discours de clôture, et annoncer devant les caméras le remboursement des consultations de psychologues libéraux, sur indication médicale, à 30 euros. Ce dispositif, qui ne satisfait personne, pas même les psychologues, ne permettra pas de répondre à la demande de soins de manière aussi efficace que les CMP de secteur et leurs équipes pluridisciplinaires.
Derrière les assises de la psychiatrie, on retrouve le lobbying actif de la fondation Fondamental (largement subventionnée par les laboratoires pharmaceutiques, Bouygues ou encore Dassault) et de l’institut Montaigne (think thank néolibéral). Promotion quasi exclusive des neurosciences, rejet de l’approche psychodynamique/psychanalytique...
Ces assises ont ainsi fait la part belle aux plateformes « d’évaluation », aux filières « spécialisées », qui réduisent la souffrance psychique aux seuls symptômes.
Cerise sur le gâteau, Olivier Véran a confirmé la mise en place d’un nouveau mode de financement pour les établissements psychiatriques à compter du 1er janvier 2022, un nouveau mode de tarification, par « compartiments », dans la logique gestionnaire de la tarification à l’activité qui, depuis des années, a contribué à transformer les hôpitaux en entreprises. Cette réforme va accentuer le contrôle des ARS sur les politiques de soins. Comme dans les CHU et les hôpitaux généraux, la tarification des actes différenciée incitera les établissements à pratiquer surtout les soins plus « rentables » !
Défendre des soins sur mesure contre le low cost standardisé
Mardi 28 septembre, au moment même où se clôturaient les assises, une manifestation réunissant les psychologues sur leurs propres revendications (lire ci-dessous), mais aussi le Printemps de la Psychiatrie, Sud et la CGT, se tenait devant le ministère de la Santé pour faire entendre une autre voix, celle de la défense d’un soin psychique « accueillant » la folie, et ne la « traitant » pas seulement à coups de médicaments, de « protocoles » standardisés. Première étape d’un renouveau des luttes en psychiatrie ?
CorrespondantEs
• Hebdo L’Anticapitaliste - 585 (07/10/2021). Publié le Mercredi 6 octobre 2021 à 11h40 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/sante/psychiatrie-une-mise-en-scene-deconnectee-des-attentes-des-professionneles-et-de-la
Psychologues mobiliséEs !
Mardi 28 septembre avait lieu une journée nationale de grève des psychologues. Des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes à l’appel de quatre organisations (SNP, CGT-UFMICT, SIUEERPP et FFPP). Cette mobilisation se déroulait à l’occasion du dernier jour des assises de la santé mentale et de la psychiatrie (lire ci-dessus).
Ces assises avaient lieu dans le contexte de la crise sanitaire où l’accès aux soins psychiatriques s’est encore dégradé. L’accueil et le suivi des patientEs ayant besoin de soins a été plus difficile et les temps d’attente se sont allongés, alors même que le nombre de malades augmentait. La pandémie, le confinement et ses conséquences financières sur les travailleurEs, ont eu de gros impacts sur la santé psychique de nombreuses personnes. Ainsi, nous avons été plus nombreux à montrer des signes dépressifs, d’état anxieux ou des pensées suicidaires.
Les fausses « solutions » du gouvernement
Mais le fond du problème est le manque de moyens chronique de la psychiatrie, empêchant des prises en charge correctes des patientEs. Dans les CMP les délais d’attente avant le premier rendez-vous peuvent parfois atteindre plusieurs mois. Dans les hôpitaux et autres structures, le nombre de soignantEs (psychologues, psychiatres, infirmierEs) et le manque de moyens ne permettent plus de proposer des activités adaptées. Il en résulte, depuis plusieurs années, l’augmentation des contentions en psychiatrie.
Face à cela le gouvernement a proposé une « solution » : 10 rendez-vous remboursés chez unE psychologue en libéral. Mais pour y accéder il faut remplir des conditions en termes de symptômes (dépressifs exclusivement) mais aussi que ces rendez-vous soient prescrits par un médecin, puis entérinés par un psychiatre qui fera une évaluation de vos « besoins ». Et si vous arriviez à avoir cette fameuse prescription pour 10 séances sachez que celles-ci dureront uniquement 30 minutes là où la plupart des professionnels recommandent de faire bien plus. Enfin, ces 10 séances seront renouvelables une seule fois, impossible donc de faire un suivi au long cours. En résultent des soins à deux vitesses : les patientEs aisés pourront continuer à se payer un suivi long et selon des modalités plus souples et éthiques, les patientEs précaires devront passer par ce dispositif de remboursement contraignant et maltraitant.
Cela reflète la volonté du gouvernement de cacher le manque de moyens des CMP et des hôpitaux en renvoyant vers le privé une partie de l’afflux de malades. Cela se fait sur le dos des patientEs eux-mêmes qui n’ont toujours aucune garantie de suivi, mais aussi sur le dos des psychologues, les seulEs à ne pas être consultés sur cette question.
Psychologues mépriséEs
En effet, il n’y a pas de psychologue au comité d’organisation des assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Et ils et elles n’ont pas été consultés non plus sur la question du remboursement. Qui a donc décidé de leur tarif et du niveau de remboursement ? De la durée de leurs séances ? Des conditions pour y accéder ? Pas les psychologues et encore moins les patientEs ! Est-ce à dire que les psychologues sont contre le remboursement ? Bien au contraire, les organisations syndicales avancent en faveur du remboursement de toutes les séances quels que soient leur motifs, la durée ou le nombre, et ce sans prescription médicale. Mais les psychologues réclament aussi des embauches : il faut augmenter le nombre de postes dans tous les secteurs ! En hôpital, en EHPAD, en CMP, dans les écoles, etc. Les jeunes diplôméEs peinent souvent à trouver un emploi stable et à temps plein par manque de postes, ils et elles cumulent donc les emplois à temps partiels et précaires, alors que les besoins sont considérables. Dans le public, ils et elles rejoignent par ailleurs les rangs des professions les moins bien payées, nombreux sont donc celles et ceux qui se trouvent en difficultés après leurs études.
Emmanuel Macron a annoncé la création de 800 postes (de quoi ?) dans les CMP sur près de 2 000 établissements existant en France. Mais c’est un investissement massif qu’il faut et rapidement, dans toutes les structures de soin. Si les psychologues travaillent partout, partout ils ne sont pas assez nombreux ! Pour cela il n’y a qu’une solution : se mobiliser pour notre santé à tous et toutes !
Chloé
Aurélie-Anne
• Hebdo L’Anticapitaliste - 585 (07/10/2021). Publié le Jeudi 7 octobre 2021 à 19h00 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/sante/psychologues-mobilisees