La lumière commence à se faire sur l’assassinat, mercredi 29 septembre, d’un représentant emblématique de la communauté rohingya réfugiée au Bangladesh. Mohib Ullah était connu pour avoir été le porte-parole dans les instances internationales de ce peuple musulman chassé de Birmanie, rappelle le Daily Star. Il a été tué “de manière macabre et préméditée, parce qu’il était populaire à Cox’s Bazar”, la ville de l’extrême sud du Bangladesh où ont afflué plus de 750 000 personnes en 2016 et 2017, indiquent les enquêteurs.
“La victime connaissait ses assassins”, car ces derniers, au nombre d’une bonne vingtaine, “ont pénétré facilement dans le bureau” de l’association Arakan Rohingya Society for Peace and Human Rights, où il se trouvait, pour l’abattre à bout portant “sans laisser la trace de la moindre bagarre à l’entrée, où un gardien était posté”. Les faits se sont produits dans le camp de réfugiés de Kutupalong, où Mohib Ullah était instituteur, le plus grand camp de cette région, où s’entasse plus de 1 million de Rohingyas, dans des conditions précaires.
Des prises de position qui dérangent
Manifestement, on en voulait à Mohib Ullah “pour ses prises de position très fermes en faveur d’un retour pacifique des Rohingyas au Myanmar” (le nom officiel de la Birmanie). C’est sous sa houlette que cette communauté apatride a pu attirer l’attention du monde entier “sur les tortures et les persécutions dont elle a été victime de la part des forces de sécurité birmanes”, durant les années où l’ancienne Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi était aux commandes du pays (de 2016 à 2021). Il avait même été reçu par Donald Trump en 2019 à la Maison-Blanche.
D’après le Business Standard, Mohib Ullah pourrait avoir été éliminé “par des groupes d’insurgés armés de l’Arakan”, la province de l’ouest de la Birmanie où les Rohingyas vivaient auparavant en très grande majorité. Ces combattants “cherchent désespérément à dépeindre les membres de la communauté ethnique musulmane déplacée de force” au Bangladesh comme “des terroristes”, afin de compromettre leur demande de rapatriement et de “remettre en question le dossier de génocide des Rohingyas” déposé auprès de la Cour internationale de justice.
La junte au pouvoir accusée d’être derrière ce meurtre
Une organisation est montrée du doigt : l’Arakan Rohingya Salvation Army, dont les leaders “ne supportaient pas l’humilité” avec laquelle Mohib Ullah militait pour sa cause. Mais la famille de ce dernier et les dirigeants de la communauté réfugiée sont, eux, unanimes : c’est la junte birmane, de retour au pouvoir après le coup d’État du 1er février 2021, qui est “derrière ce meurtre” et qui “manipule certains Rohingyas mal avisés”.
Le Haut-Commissariat aux réfugiés “condamne cet assassinat et exhorte les autorités bangladaises à ouvrir une enquête et à traduire les responsables en justice”, rapportait jeudi soir le Dhaka Tribune. L’agence des Nations unies se déclare “profondément choquée et attristée par le meurtre tragique du leader des réfugiés rohingyas, Mohib Ullah, à Cox’s Bazar”. Elle condamne cette attaque “dans les termes les plus forts possible” et indique avoir “renforcé la présence de son personnel dans les camps” afin que les réfugiés aient “un accès direct aux services de soutien et puissent faire part de leurs préoccupations”.
Guillaume Delacroix
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