L’Autorité palestinienne veut-elle offrir à Joe Biden et Naftali Bennett ce qu’elle a refusé à Donald Trump et Benjamin Netanyahou : l’abandon de son projet national en échange d’une promesse de prospérité économique ? C’est la crainte d’une bonne partie de son opposition, l’inquiétude de certains de ses cadres et le constat alarmé de nombreux familiers du dossier.
Depuis l’entrée à la Maison Blanche du président démocrate et l’élection du nouveau premier ministre israélien, il est moins question que jamais de la création d’un État palestinien et de la fin de l’occupation, objectifs historiques de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) depuis des décennies, tandis que des projets de financement et des plans de développement de la Cisjordanie et de Gaza sont à l’étude. Le tout à la satisfaction apparente de Mahmoud Abbas et de son régime, de plus en plus autoritaire, de moins en moins légitime, de moins en moins représentatif des aspirations de ses compatriotes.
Cette évolution de la stratégie de l’Autorité n’est pas directement liée à la relève des responsables politiques aux États-Unis et en Israël. Mais c’est à l’occasion des premiers contacts entre les dirigeants palestiniens et leurs nouveaux partenaires israéliens et américains que diplomates et observateurs ont confirmé les changements de perspectives et de discours du régime de Ramallah. Et l’apparition, convergente sur certains points, d’une nouvelle stratégie politique israélienne.
La question de la Palestine a été éclipsée par des crises plus spectaculaires, plus urgentes et plus meurtrières.
En fait, comme ce fut le cas dans les années 1960, avant que Yasser Arafat ne prenne le contrôle de l’OLP en février 1969 en affirmant « désormais, nous parlons pour nous-mêmes », les dirigeants actuels des États arabes, en particulier ceux du Golfe, ont fini par s’emparer de nouveau de la « carte palestinienne » avec le projet de faire admettre aux Palestiniens ce qu’ils jugent bon pour eux. Sans leur demander leur avis.
C’est ce que semblait montrer la rencontre du Caire, en janvier dernier, destinée à préparer la reprise des pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens. Organisée par l’Égypte, cette conférence réunissait les ministres des affaires étrangères égyptien, jordanien, français et allemand. Mais aucun représentant de la Palestine n’était invité.
Plus grave encore, aux yeux des Palestiniens attachés à la défense de leur cause historique : depuis les accords conclus à l’initiative de Trump entre Israël et le Soudan, le Maroc, les Émirats arabes unis et Bahreïn – accords que l’administration Biden n’a pas désavoués –, l’État juif appartient désormais au bloc des alliés locaux des États-Unis contre l’Iran. Et cette évolution accroît encore l’isolement des Palestiniens.
Depuis l’explosion des révoltes arabes, le naufrage sanglant de la Syrie dans la guerre civile, l’interminable conflit du Yémen, la déstabilisation de l’Irak, les guerres antiterroristes contre Al-Qaïda, puis l’État islamique, la tension entre l’Iran et ses voisins, la question de la Palestine a été éclipsée par ces crises plus spectaculaires, plus urgentes et plus meurtrières.
Au point qu’aucune des grandes puissances – aux prises d’ailleurs avec leurs propres querelles d’empires – ne juge plus ce dossier prioritaire. Au cours de sa première rencontre avec le nouveau premier ministre israélien, Joe Biden se serait borné à rappeler des positions de principe et à demander à Naftali Bennett de faciliter la vie des Palestiniens. En indiquant que Washington serait prêt à contribuer financièrement à cet effort israélien.
Quant aux dirigeants d’Israël, après avoir invoqué, sous Netanyahou, la menace de la bombe nucléaire iranienne pour maintenir et consolider un statu quo fondé sur la poursuite de l’occupation et le développement de la colonisation, ils avancent aujourd’hui, sous Bennett, le risque d’un nouvel épisode d’instabilité politique interne, voire d’un retour de « Bibi » pour convaincre Washington ou les Européens que, sur le dossier palestinien, il est urgent d’attendre.
Malgré la présence au sein de la coalition parlementaire et du gouvernement dirigé par Naftali Bennett de personnalités du centre-gauche, de la gauche sioniste et même d’un ministre islamiste, issu de la minorité arabe israélienne, l’ancrage idéologique du nouveau pouvoir israélien n’est pas radicalement différent de celui de Netanyahou. L’influence de la droite nationaliste et religieuse et des colons y est dominante. Ancien ministre et disciple du chef du Likoud, Bennett tient un discours et défend une pratique que ne renierait pas son mentor.
Partisan de l’annexion de la Cisjordanie et de l’établissement entre la Méditerranée et le Jourdain d’un seul État – juif – imposant son autorité à plus de six millions de Palestiniens privés de leurs droits civiques en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza, il est tout aussi hostile que son prédécesseur à la création d’un État palestinien.
Micah Goodman, l’homme qui parle à l’oreille de Bennett
Et pour ceux, amis ou ennemis, qui auraient encore quelque doute sur ses projets, Bennett ne cesse d’affirmer, et de faire répéter par sa ministre de l’intérieur, Ayelet Shaked, connue pour son intolérance et sa violence verbale dès qu’il s’agit des Palestiniens, qu’il n’a « aucune intention de rencontrer le président de l’Autorité palestinienne, car il n’est pas un partenaire d’Israël puisqu’il paie des terroristes qui tuent des juifs et poursuit devant la Cour de La Haye des soldats israéliens ».
Cette continuité par rapport à Netanyahou est d’ailleurs confirmée sur le terrain par le comportement, toujours aussi impuni, de l’armée et des colons. Selon le Bureau des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), en Cisjordanie, 57 Palestiniens, dont 12 enfants, ont été tués par balle par l’armée israélienne depuis le début de l’année. Cinq d’entre eux ont été tués entre le 24 août et le 6 septembre.
Pendant la même période, 31 bâtiments appartenant à des Palestiniens ont été démolis par l’armée, ou sur son ordre, à Jérusalem-Est. Ce qui porte le total des constructions palestiniennes détruites depuis janvier à plus de 650. En neuf mois, l’ONU a également recensé plus de 300 attaques de colons contre des Palestiniens ou leurs biens, soit plus d’une par jour.
Difficile de voir la différence avec le statu quo instauré par Netanyahou depuis son arrivée au pouvoir qui reposait sur la même liberté d’action laissée à l’armée et aux colons en Cisjordanie ; et dans la bande de Gaza, toujours sous blocus, où Israël s’en remettait aux frappes massives de l’artillerie et de l’aviation en représailles aux opérations des groupes armés islamistes.
Bennett aurait décidé de « remplacer l’indifférence par le pragmatisme » et de « réduire l’intensité du conflit avec les Palestiniens plutôt que de vouloir le résoudre ».
Il y a pourtant une différence. Et là est le piège dans lequel sont tombés, volontairement ou non, Mahmoud Abbas et une bonne partie de son entourage politique.
Sous l’influence d’un conseiller de plus en plus écouté dans les coulisses du pouvoir israélien, le philosophe médiatique Micah Goodman, auteur de best-sellers consacrés à Maimonide, Moïse ou aux angoisses du monde face à la technologie, Bennett aurait décidé de « remplacer l’indifférence par le pragmatisme » et de « réduire l’intensité du conflit avec les Palestiniens plutôt que de vouloir le résoudre ».
Il ne s’agit pas de mettre un terme à l’occupation et à la colonisation : Micah Goodman réside lui-même dans une colonie, Kfar Adumim, qui domine la vallée du Jourdain. Et il a installé le siège de son réseau de centres de formation pour les soldats démobilisés dans la colonie voisine d’Alon.
Proche intellectuellement, selon l’un de ses amis, de l’actuel ministre des affaires étrangères Yaïr Lapid, qui devrait devenir premier ministre dans deux ans si le gouvernement et l’accord de substitution à sa tête survivent, Goodman explique, dans un entretien à Haaretz, que « la plupart des Israéliens, même à droite, ne veulent pas dominer les Palestiniens, et qu’ils vivent mal l’obligation d’imposer une occupation militaire à une population civile. Mais ils ont peur qu’un retrait [israélien des territoires occupés – ndlr] permette aux Palestiniens de nous menacer ».
Pour résoudre cette contradiction, il est partisan d’une stratégie qui combine des « incitations économiques » pour les Palestiniens de la « zone A », c’est-à-dire les « enclaves » de Cisjordanie (18 % du territoire ) sous contrôle administratif et sécuritaire palestinien, et divers mécanismes destinés à renforcer « l’auto-gouvernement » des Palestiniens.
Parmi ces « mécanismes » figurent notamment « des corridors » reliant les « enclaves » entre elles et permettant d’accéder à un poste-frontière avec la Jordanie. « De sorte, explique Goodman, que les Palestiniens aient le sentiment de gouverner leurs propres affaires, sans avoir la capacité de menacer Israël. » « Mais il n’est pas question de leur accorder le droit au retour, un État ou Jérusalem comme capitale, précise-t-il. Il va de soi que cette proposition, refusée jusque-là par les Palestiniens, n’est pas une solution permanente mais un arrangement intérimaire. Elle est dans leur intérêt, car il ne s’agit pas d’une normalisation du statu quo mais d’un processus dynamique qui accroît l’autogouvernement des Palestiniens et ouvre de nouvelles options, pour l’avenir, telle qu’une confédération avec la Jordanie. »
C’est à la lumière de cette stratégie de « réduction du conflit » qu’il faut lire les surprenants propos de Bennett lorsqu’il se déclare aujourd’hui choqué « comme Israélien et comme juif de savoir qu’un travailleur palestinien doit se lever chaque jour à trois heures du matin, et faire la queue pour prendre son travail à Tel-Aviv à 7 heures ». Ou qu’il faut examiner la liste des « mesures » israéliennes destinées à faciliter la vie quotidienne des Palestiniens : ouverture d’un prêt de 156 millions de dollars, à titre d’avance sur les taxes douanières collectées – et dues – par Israël, régularisation du statut de milliers de Palestiniens vivant illégalement en Cisjordanie, délivrance de 15 000 permis de travail à des Palestiniens et de 1 000 permis de construire dans la « Zone C » de Cisjordanie, autorisations délivrées à 5 000 commerçants palestiniens d’entrer et de travailler en Israël, consignes données au personnel des points de passage entre Israël et la Cisjordanie d’accélérer et assouplir les contrôles.
Quand les occupés doivent rassurer l’occupant
Même les habitants de la bande de Gaza, gouvernés par le mouvement islamiste Hamas, devraient bénéficier de mesures destinées à faciliter leur vie quotidienne. Les lignes électriques devraient être rétablies, ainsi que les livraisons de gaz. Et une usine de dessalement de l’eau de mer devrait être construite dans ce territoire côtier surpeuplé qui ne dispose que de 12 heures d’électricité par jour et manque cruellement d’eau potable.
En outre, un accord serait sur le point d’être conclu pour permettre au Qatar d’acheminer l’aide financière qui permet de payer les fonctionnaires. À terme, un « lien routier » – route fermée, pont ou tunnel – devrait être construit entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, distantes d’une vingtaine de kilomètres.
En échange de ces dispositions, les dirigeants palestiniens – y compris ceux du Hamas à Gaza, qui se sont livrés à quatre guerres avec Israël depuis 2008 – doivent s’engager à « un calme de longue durée ».
Ce qui signifie pour le Hamas la fin des tirs de roquettes ou d’obus sur le territoire israélien, ainsi que l’arrêt des incursions ou des infiltrations de groupes armés islamistes en Israël. Et pour l’Autorité de Ramallah l’acceptation de l’occupation et de la colonisation. Ainsi que l’intensification de la coopération sécuritaire. C’est-à-dire le renoncement à leur combat historique et la soumission aux exigences israéliennes. Mais aussi, de fait, au modèle « étatique » défendu par Washington, lequel repose sur trois principes majeurs : le goût et la liberté des affaires, l’aptitude à la coercition et le respect des principes religieux.
L’Autorité palestinienne souffre d’un déficit de légitimité démocratique accablant, dénoncé de plus en plus vigoureusement dans la rue.
On ignore ce qu’en pense, au fond de lui, Mahmoud Abbas. Plusieurs des hommes qui l’entourent et le conseillent semblent disposés à répondre au « pragmatisme » du premier ministre par un pragmatisme au moins égal.
« Dans l’état actuel des choses, aurait confié l’un des familiers de la Mouqata’a, la présidence palestinienne, à l’un de ses récents visiteurs, il est exclu de mettre en œuvre un processus de négociation diplomatique. Ni les Israéliens ni les Américains n’y sont prêts. Pourquoi ne pas profiter des bonnes dispositions israéliennes, soutenues par Washington, pour rétablir notre économie, améliorer la vie quotidienne des gens, à bas bruit et sous les radars ? »
Pourquoi, en d’autres termes, ne pas accepter le jeu des « mesures de construction de la confiance » proposées par Israël, avec le soutien de Washington ? « Cette résignation est méprisable, s’indigne un universitaire de Ramallah, ancien conseiller de Yasser Arafat. Nous sommes le peuple occupé, et ce serait à nous d’accepter des “mesures de construction de la confiance” pour rassurer l’occupant. »
Pourquoi l’Autorité palestinienne en est-elle arrivée là ? Peut-être parce qu’elle n’a jamais été dans une situation politique aussi désastreuse. Dirigée, théoriquement, par un homme de 86 ans, à la santé précaire, dont l’indécision ne peut plus, depuis longtemps, passer pour de la sagesse, elle souffre d’un déficit de légitimité démocratique accablant, dénoncé de plus en plus vigoureusement dans la rue, notamment par les intellectuels et la jeunesse. Au prix d’une répression croissante.
Fin août, 30 activistes ont été arrêtés en 48 heures pour avoir manifesté ou appelé à manifester contre l’arbitraire du régime. Deux mois plus tôt, à Hébron, cette chasse aux opposants, digne des pires dictatures de la région, avait débouché sur la mort, sous les coups des policiers, d’un opposant de 40 ans, Nizar Banat, père de cinq enfants, coupable d’avoir dénoncé sur les réseaux sociaux la corruption du pouvoir et l’autoritarisme croissant du président.
Élu en 2005 pour quatre ans, Mahmoud Abbas n’a jamais remis son mandat en jeu, faute d’élections. La division, au sein des Palestiniens, entre le pouvoir du Fatah, à Ramallah, et celui du Hamas, dans la bande de Gaza, n’a jamais permis d’organiser un scrutin serein et crédible. Et chacun sait aujourd’hui que s’il a annulé en avril l’élection prévue pour juillet dernier, ce n’est pas, comme l’a indiqué son entourage, parce que les Israéliens interdisaient l’organisation du vote à Jérusalem, mais parce qu’il redoutait – à juste titre – d’être battu par le candidat du Hamas. En agissant ainsi, il a détruit les dernières chances, très minces, d’une réconciliation inter-palestinienne. Et définitivement discrédité sa fonction.
Il est clair aujourd’hui que Mahmoud Abbas et ses conseillers ont été gravement déstabilisés par l’explosion de la popularité du Hamas, après la « guerre de mai ». Certes, cet affrontement asymétrique a fait 260 morts à Gaza et 13 en Israël, mais le mouvement islamiste a montré, à l’occasion de ce conflit, qu’il savait exploiter les vulnérabilités de l’ennemi. Et qu’il pouvait gravement perturber la vie économique d’Israël. À tel point que pour la grande majorité des Palestiniens, le Hamas avait gagné cette guerre et que l’Autorité palestinienne, ravagée par la corruption, ne méritait pas de représenter le peuple palestinien.
Est-ce pour tenter de rétablir leur situation politique en revendiquant demain la responsabilité d’une éventuelle embellie économique, alimentée par les perfusions israélienne et américaine de dollars, que les deux plus proches conseillers de Mahmoud Abbas – qui passent l’un comme l’autre pour des successeurs possibles du président palestinien – ont fait le pari de la « stratégie Goodman » ?
Leurs personnalités comme leurs trajectoires politiques incitent nombre de Palestiniens, familiers des manœuvres de la Mouqata’a, à penser qu’ils ont fait ce choix. Auquel ils semblent avoir rallié le président. Ils le savent : leurs options doivent être d’une manière ou d’une autre validées par la signature présidentielle, sinon la « marmite exploserait au niveau du Fatah ou de l’OLP », confie un ancien conseiller du Département des négociations.
Le retour au vieux schéma colonial
Responsable depuis 2007 des « Affaires civiles » de l’Autorité, c’est-à-dire des relations avec le gouvernement israélien, Hussein al-Cheikh, 61 ans, a appris l’hébreu au cours de ses onze séjours dans les prisons israéliennes lorsqu’il appartenait, avant la première Intifada de décembre 1987, à la « direction unifiée du soulèvement ».
Membre depuis 2014 du comité trilatéral (Égypte, Israël, Autorité palestinienne) pour la reconstruction de Gaza, il a aussi servi, brièvement, après les accords d’Oslo, au sein des services de sécurité de l’Autorité avant de devenir en 1999 secrétaire général du Fatah pour la Cisjordanie et l’un des hommes de confiance de Mahmoud Abbas.
Chef des services de renseignements de l’Autorité depuis 2007, Majed Faraj, 58 ans, au rang de major général, est aujourd’hui considéré comme l’un des plus proches confidents du président palestinien. Né dans le camp de réfugiés de Dheisheh, près de Bethléem, où il a gardé de nombreuses relations, il appartient à la délégation chargée des négociations de réconciliation avec le Hamas. Il a d’ailleurs été victime, en mars 2018, d’une tentative d’attentat lors d’une visite à Gaza avec le premier ministre palestinien du moment, Rami Hamdallah.
Il passe pour avoir d’excellentes relations avec ses homologues et interlocuteurs israéliens et américains, et se félicite volontiers de la coopération sécuritaire avec Israël et de ses succès dans la lutte antiterroriste – notamment du nombre d’attentats anti-israéliens qu’il a réussi à empêcher. Au printemps 2018, lorsque les contacts avec les représentants du gouvernement américain étaient officiellement gelés par Ramallah, il avait discrètement rencontré à Washington le directeur de la CIA pour l’informer notamment sur la santé de Mahmoud Abbas qui inquiétait le Département d’État.
Tout se passe en fait comme si cette relève, qui ne revendique pas encore ce rôle, était réellement convaincue qu’il n’y aura jamais d’État palestinien.
Lui aussi parle couramment l’hébreu après l’avoir appris en prison, pendant ses multiples séjours dans les centres de détention israéliens dans les années 1980, lorsqu’il appartenait aux jeunesses du Fatah. Malgré ses efforts constants pour ne pas apparaître, son nom a été cité dans la presse palestinienne et israélienne en novembre 2018 lorsque l’un de ses amis, banquier à Ramallah, a été impliqué dans la vente dissimulée à des colons juifs d’une maison du quartier musulman de la vieille ville de Jérusalem.
En raison de leur proximité avec le président, mais aussi de leurs activités présentes ou passées dans la police de l’Autorité et de leurs relations de travail, vieilles de plusieurs décennies, avec des représentants du gouvernement israélien, Faraj comme al-Cheikh sont soupçonnés de jouer un rôle majeur dans la mise en œuvre, du côté palestinien, de la politique de « réduction du conflit » adoptée par Naftali Bennett et acceptée au moins tacitement par Mahmoud Abbas. Ils seraient notamment très actifs dans la négociation entre les deux camps des « mesures de construction de la confiance ». C’est-à-dire, en fait, des concessions réclamées par Israël.
Tout se passe comme si cette relève, qui ne revendique pas encore ce rôle, était réellement convaincue qu’il n’y aura jamais d’État palestinien. Ni d’État binational démocratique. Et qu’en raison des équilibres géopolitiques régionaux, et notamment de l’attitude américaine, l’hypothèse de l’expulsion des Palestiniens, c’est-à-dire d’une nouvelle Nakba, était aussi provisoirement exclue. Il ne resterait donc, pour l’heure, pas d’autre issue que le vieux schéma colonial, avec les territoires occupés transformés en réservoir de main-d’œuvre pour l’occupant ?
Il reviendrait alors à la relève d’imposer désormais une nouvelle gouvernance, adaptée à la situation, en écartant critiques et résistances. Ainsi pourrait s’expliquer la violence déployée contre l’opposition, puis la peur qui s’installe aujourd’hui dans les conversations. Ou la décision de faire tomber – symboliquement – certaines têtes, qui incarnent une autre vision de la question de Palestine. Ainsi s’expliqueraient aussi, par exemple, les mises à l’écart ou les changements d’affectation de hauts fonctionnaires palestiniens connus pour leur compétence, mais aussi pour leur esprit critique et leur liberté de parole – donc gênants pour l’Autorité. Et fidèles aux engagements patriotiques de leur jeunesse. Donc encombrants pour Israël.
René Backmann
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